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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Jean-Paul II, "Acquiers la sagesse, acquiers l'intelligence" (Pr 4,5)

Publié par Walter Covens sur 16 Septembre 2012, 01:19am

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

24-T.O.B-jpg21. La connaissance, pour l'Ancien Testament, ne se fonde pas seulement sur une observation attentive de l'homme, du monde et de l'histoire. Elle suppose nécessairement un rapport avec la foi et avec le contenu de la Révélation. On trouve ici les défis que le peuple élu a dû affronter et auxquels il a répondu. En réfléchissant sur sa condition, l'homme biblique a découvert qu'il ne pouvait pas se comprendre sinon comme un "être en relation": avec lui-même, avec le peuple, avec le monde et avec Dieu. Cette ouverture au mystère, qui lui venait de la Révélation, a finalement été pour lui la source d'une vraie connaissance, qui a permis à sa raison de s'engager dans des domaines infinis, ce qui lui donnait une possibilité de compréhension jusqu'alors inespérée.

       Pour l'auteur sacré, l'effort de la recherche n'était pas exempt de la peine due à l'affrontement aux limites de la raison. On le saisit, par exemple, dans les paroles par lesquelles le Livre des Proverbes révèle la fatigue que l'on éprouve lorsqu'on cherche à comprendre les desseins mystérieux de Dieu (cf. 30, 1-6). Cependant, malgré la peine, le croyant ne cède pas. La force pour continuer son chemin vers la vérité lui vient de la certitude que Dieu l'a créé comme un "explorateur" (cf. Qo 1, 13), dont la mission est de ne renoncer à aucune recherche, malgré la tentation continuelle du doute. En s'appuyant sur Dieu, il reste tourné, toujours et partout, vers ce qui est beau, bon et vrai.

22. Saint Paul, dans le premier chapitre de sa Lettre aux Romains, nous aide à mieux apprécier à quel point la réflexion des Livres sapientiaux est pénétrante. Développant une argumentation philosophique dans un langage populaire, l'Apôtre exprime une vérité profonde: à travers le créé, les "yeux de l'esprit" peuvent arriver à connaître Dieu. Celui-ci en effet, par l'intermédiaire des créatures, laisse pressentir sa "puissance" et sa "divinité" à la raison (cf. Rm 1, 20). On reconnaît donc à la raison de l'homme une capacité qui semble presque dépasser ses propres limites naturelles: non seulement elle n'est pas confinée dans la connaissance sensorielle, puisqu'elle peut y réfléchir de manière critique, mais, en argumentant sur les donnés des sens, elle peut aussi atteindre la cause qui est à l'origine de toute réalité sensible. Dans une terminologie philosophique, on pourrait dire que cet important texte paulinien affirme la capacité métaphysique de l'homme.

       Selon l'Apôtre, dans le projet originel de la création était prévue la capacité de la raison de dépasser facilement le donné sensible, de façon à atteindre l'origine même de toute chose, le Créateur. À la suite de la désobéissance par laquelle l'homme a choisi de se placer lui-même en pleine et absolue autonomie par rapport à Celui qui l'avait créé, la possibilité de remonter facilement à Dieu créateur a disparu.

       Le Livre de la Genèse décrit de manière très expressive cette condition de l'homme, quand il relate que Dieu le plaça dans le jardin d'Eden, au centre duquel était situé "l'arbre de la connaissance du bien et du mal" (2, 17). Le symbole est clair: l'homme n'était pas en mesure de discerner et de décider par lui-même ce qui était bien et ce qui était mal, mais il devait se référer à un principe supérieur. L'aveuglement de l'orgueil donna à nos premiers parents l'illusion d'être souverains et autonomes, et de pouvoir faire abstraction de la connaissance qui vient de Dieu. Ils entraînèrent tout homme et toute femme dans leur désobéisssance originelle, infligeant à la raison des blessures qui allaient alors l'entraver sur le chemin vers la pleine vérité. Désormais, la capacité humaine de connaître la vérité était obscurcie par l'aversion envers Celui qui est la source et l'origine de la vérité. C'est encore l'Apôtre qui révèle combien les pensées des hommes, à cause du péché, devaient devenir "vaines" et les raisonnements déformés et orientés vers ce qui est faux (cf. Rm 1, 21-22). Les yeux de l'esprit n'étaient plus capables de voir avec clarté: progressivement la raison est demeurée prisonnière d'elle-même. La venue du Christ a été l'événement de salut qui a racheté la raison de sa faiblesse, la libérant des chaînes dans lesquelles elle s'était elle-même emprisonnée.

23. Par conséquent, le rapport du chrétien avec la philosophie demande un discernement radical. Dans le Nouveau Testament, surtout dans les Lettres de saint Paul, un point ressort avec une grande clarté: l'opposition entre "la sagesse de ce monde" et la sagesse de Dieu révélée en Jésus Christ. La profondeur de la sagesse révélée rompt le cercle de nos schémas habituels de réflexion, qui ne sont pas du tout en mesure de l'exprimer de façon appropriée.

       Le commencement de la première Lettre aux Corinthiens pose radicalement ce dilemme. Le Fils de Dieu crucifié est l'événement historique contre lequel se brise toute tentative de l'esprit pour construire sur des argumentations seulement humaines une justification suffisante du sens de l'existence. Le vrai point central, qui défie toute philosophie, est la mort en croix de Jésus Christ. Ici, en effet, toute tentative de réduire le plan salvifique du Père à une pure logique humaine est vouée à l'échec. "Où est-il,le sage? Où est-il, l'homme cultivé? Où est-il, le raisonneur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde?" (1 Co 1, 20), se demande l'Apôtre avec emphase. Pour ce que Dieu veut réaliser, la seule sagesse de l'homme sage n'est plus suffisante; c'est un passage décisif vers l'accueil d'une nouveauté radicale qui est demandé: "Ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; [...] ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi; ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est" (1 Co 1, 27-28). La sagesse de l'homme refuse de voir dans sa faiblesse la condition de sa force; mais saint Paul n'hésite pas à affirmer: "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (2 Co 12, 10). L'homme ne réussit pas à comprendre comment la mort peut être source de vie et d'amour, mais, pour révéler le mystère de son dessein de salut, Dieu a choisi justement ce que la raison considère comme "folie" et "scandale". Paul, parlant le langage des philosophes ses contemporains, atteint le sommet de son enseignement ainsi que du paradoxe qu'il veut exprimer: Dieu a choisi dans le monde ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est (cf. 1 Co 1, 28). Pour exprimer la nature de la gratuité de l'amour révélé dans la Croix du Christ, l'Apôtre n'a pas peur d'utiliser le langage plus radical que les philosophes employaient dans leurs réflexions sur Dieu. La raison ne peut pas vider le mystère d'amour que la Croix représente, tandis que la Croix peut donner à la raison la réponse ultime qu'elle cherche. Ce n'est pas la sagesse des paroles, mais la Parole de la Sagesse que saint Paul donne comme critère de Vérité et, en même temps, de salut.

       La sagesse de la Croix dépasse donc toutes les limites culturelles que l'on veut lui imposer et nous oblige à nous ouvrir à l'universalité de la vérité dont elle est porteuse. Quel défi est ainsi posé à notre raison et quel profit elle en retire si elle l'accepte! La philosophie, qui déjà par elle-même est en mesure de reconnaître le continuel dépassement de l'homme vers la vérité, peut, avec l'aide de la foi, s'ouvrir pour accueillir dans la "folie" de la Croix la critique authentique faite à tous ceux qui croient posséder la vérité, alors qu'ils l'étouffent dans l'impasse de leur système. Le rapport entre la foi et la philosophie trouve dans la prédication du Christ crucifié et ressuscité l'écueil contre lequel il peut faire naufrage, mais au-delà duquel il peut se jeter dans l'océan infini de la vérité. Ici se manifeste avec évidence la frontière entre la raison et la foi, mais on voit bien aussi l'espace dans lequel les deux peuvent se rencontrer.



Fides et Ratio, 21-23
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L
                       Bien cher père,<br />   Je remercie Joséphine, car elle m'invite à vous poser des questions simplement , (cela fait partie de la relation d'un père à ses enfants, dans la famille de Dieu), et que votre réponse m'a éclairée. Ce qui est curieux, c'est que la question que j'ai souhaitée vous poser est l'envers, comme dans un miroir, de la sienne, et quelle appelle une réponse semblable, probablement. Cependant, je la pose quand même, peut'être parce que je ne veux pas comprendre (affectivement) ce que cela représente pour ce prêtre qui la énoncée.  Il a dit : 'Je suis fier, au-delà de tout de mon baptême, plus que du ministère de prêtre et de toute façon, en baptisés nous sommes tous prêtres". Florence
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W
Si je me souviens bien, Jean-Paul II a dit que le plus beau jour de sa vie était le jour de ... son baptême. Le baptême est ce qu'il y a de plus fondamental dans notre vie de chrétiens, et le fait d'être prêtre, évêque ou pape n'est qu'une des vocations, parmi bien d'autres, qui s'enracinent dans le baptême. <br /> <br /> Quant à la deuxième partie de la phrase du prêtre; "de toute façon, nous sommes tous prêtres", là il y a danger de confusion. Comme le dit le Concile Vatican II, il y a deux manières de participer au sacerdoce du Christ; le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ministériel. Mais entre les deux, il y a une différence non seulement de degré, mais DE NATURE (voir Catéchisme de l'Église catholique, n. 1547).<br /> <br /> La question de Joséphine porte sur la spécificité du baptême. La vôtre porte sur la spécificté du sacrement de l'ordre.
J
Père Walter,<br /> Juste une question...qui n'a rien à voir avec le texte du pape:<br /> Un jour un prêtre dit devant une assemblée dont je faisais partie que "tous les hommes sont enfants de Dieu"...J'avais déjà entendu cette phrase...mais je ne comprends pas; à quoi sert donc le baptême?!<br /> Si vous êtes d'accord avec ce prêtre qui je suppose disait ce que l'Eglise pense, merci d'avance de nous éclairer là dessus.<br /> De Guadeloupe (F.W.I.)<br />  
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W
Bonne question ! Le prêtre n'a pas tout à fait tort, mais la manière de le dire est ambigüe et prête à confusion. L'exemple a le mérite de montrer qu'à force de vouloir être "gentil" avec tout le monde, on finit par ne plus l'être avec les siens. En rigueur de termes, tous les hommes sont des CRÉATURES de Dieu. Et la paternité de Dieu s'enracine bien sûr dans l'acte créateur. Mais le péché est un rejet de cette paternité. La paternité de Dieu est quand même davantage que l'actre créateur, tout comme la paternité humaine est plus que le fait de faire des enfants. Être enfant de Dieu, c'est quand même plus que d'être sa créature. D'où la nécessité de la rédemption. Pour accueillir la grâce de la rédemption il faut croire et être baptisé. C'est donc par la foi et les sacrements que nous reconnaisons de nouveau la paternité de Dieu.<br /> <br /> Maintenant, il serait faux aussi de penser que le baptême "ne sert" qu'à cela. Il y a dans le baptême tout une dimension de témoignage, une dimension missionnaire. On n'est pas baptisé POUR SOI (pour sauver son âme). On est baptisé POUR LES AUTRES. Mais justement, si les autres (les non baptisés) sont enfants de Dieu autant que ceux qui sont baptisés, on ne voit plus la nécessité de la mission, de l'apostolat.<br /> <br /> Je pense, donc, que, sans être trop sévère avec cette manière de dire, il vaut mieux ne pas dire que "tous les hommes sont enfants de Dieu".

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