À propos de Judas
Le sort de Judas a toujours intrigué et a fait l'objet de pas mal de commentaires et de spéculations. La littérature est abondante et couvre les siècles. Ces dernières semaines, il est revenu à la une de l'actualité à l'occasion de la publication de "L'Évangile de Judas". Mettons d'abord en garde d'abord contre la tentation de tous les temps d'une curiosité malsaine qui n'est qu'un alibi pour ... ne pas se convertir ; ensuite contre celle, de jadis surout, de décréter que Judas est un enfer ; et enfin contre celle, d'aujourd'hui surtout, de vouloir réhabiliter Judas à tout prix. "Dans les profondeurs de linconscient collectif, Judas le déicide, le suicidé, ne serait-il pas une des figures de lhomme moderne ?" (Jacqueline Sayerle) Le fait est que nous ne savons rien du sort éternel de Judas. Donc, on peut toujours prier pour le salut de son âme, comme pour le salut de n'importe quelle âme du purgatoire.
On connaît la remarque de François Mauriac sur Judas : Il sen est fallu de très peu que les larmes de Judas ne fussent confondues, dans le souvenir des hommes, avec celles de Pierre. Il aurait pu devenir un saint, le patron de nous tous qui ne cessons de trahir. (Vie de Jésus, p.229). Mais l'Église, qui canonise une multitude de saints, en nous assurant qu'ils sont allés au ciel au moment même de leur mort, n'a jamais porté un jugement équivalent pour l'enfer ! Dans la "Divine Comédie", Dante met Judas au fond de l'enfer. Mais Dante n'est pas l'Église.
En ce qui concerne le passage de l'évangile de dimanche : "Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné en partage, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes. quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné. J'ai veillé sur eux, et aucun ne s'est perdu, sauf celui qui s'en va à sa perte de sorte que l'Écriture soit accomplie" (Jn 17, 11-12), voici ce que l'on peut dire :
1. Jésus prononce les paroles de cette prière le soir du jeudi saint. À ce moment-là, Judas a déjà fermement décidé - mais n'a pas encore exécuté son dessein - de livrer Jésus. La précision est importante. Dans son commentaire (Jean, le dscours d'adieu, 2e tome, p. 241), Adrienne von Speyr fait une remarque qui a de quoi nous étonner, mais qui me parâit très juste : "Le péché prémédité que l'on va commettre est pire que le péché commis. Aussi longtemps que quelqu'un a l'intention de pécher, il est incapable de le regretter. Quand le péché est commis, il peut y avoir une voix ouverte vers la contrition et la confession. Avant, il est incapable de regretter et ne peut donc recevoir ni pardon ni absolution. Un homme qui meurt au moment où il est bien décidé à commettre un péché grave est plus mal loti au jugement que celui qui l'a déjà commis, parce que pour ce dernier l'acte accompli ne peut plus lui barrer le chemin du retour." C'est la raison pour laquelle Jésus, à ce moment-là, "ne peut pas le présenter au Père comme un sauvé". Et Adrienne ajoute : "S'il doit être sauvé, ce ne sera que par la croix elle-même"...
2. Jésus, en appelant Judas "le fils de perdition" n'a pas voulu dire qu'il serait certainement damné. Les Sémites utilisent volontiers la tournure "fils de" dans le sens de "mériter", par exemple, la mort. En 2 S 12, 5 on traduit habituellement : "Il mérite la mort (ou : il est digne de mort), l'homme qui a fait cela." Littéralement, le texte dit : "fils de mort" (cf. note de la trad. Osty, qui renvoie aussi à 1 S 20, 31 et 1 S 26, 16).
3. "de sorte que l'Écriture soit accomplie", et non pas "afin que l'Écriture fût accomplie", car la préposition grecque "hina" a souvent un sens consécutif, et c'est le cas dans ce passage. "L'Écriture n'est pas une prédétermination à laquelle un individu ou les évènements doivent se plier : prédire n'est pas provoquer." (X. Léon-Dufour) "La trahison de Judas, prévue dans l'Écriture (cf. Ps 41, 10 ; Jn 13, 18) a eu lieu, non pas parce qu'elle était prévue, mais par la libre volonté de l'homme que Dieu, dominant l'histoire, connaît et respecte toujours." (G. Zevini)
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