La question fondamentale que nous devons nous poser, nous, évêques sur lesquels pèse une responsabilité particulière en ce qui concerne la vérité de l’Évangile et la mission de l’Église, est celle de la crédibilité de cette mission et de notre service. En ce domaine, nous sommes parfois interrogés et jugés sévèrement: l’un d’entre vous n'écrivait-il pas: “Notre époque aura été dure à l’égard des évêques”? Et par ailleurs nous sommes prêts à nous juger nous-mêmes sévèrement, et à juger sévèrement la situation religieuse du pays et les résultats de notre pastorale. L’Église en France n’a pas été exempte de tels jugements: il suffit de se remémorer le célèbre livre de l’Abbé Godin: “France, pays de mission?”, ou encore l’affirmation bien connue: “L’Eglise a perdu la classe ouvrière”.
Ces jugements demandent toutefois que l’on observe une modération perspicace. Il faut aussi penser à long terme, car c’est essentiel pour notre mission. Maison ne peut pas nier que l’Église en France ait entrepris, et entreprenne, de grands efforts en vue “d’atteindre ceux qui sont loin”, surtout dans les milieux ouvriers et ruraux déchristianisés.
Ces efforts doivent conserver pleinement un caractère évangélique, apostolique et pastoral. Il n’est pas possible de succomber aux “défis de la politique”. Nous ne pouvons pas non plus accepter de nombreuses résolutions qui prétendent être seulement “justes”. Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans visions d’ensemble qui sont en réalité unilatérales. Il est vrai que les mécanismes sociaux, et aussi leur caractéristique politique et économique, semblent confirmer ces visions d’ensemble et certains faits douloureux: “pays de mission”, “perte de la classe ouvrière”. Il semble toutefois que nous devons être prêts non seulement à l’autocritique, mais aussi à la “critique” des mécanismes eux-mêmes. L’Église doit être prête à défendre les droits des hommes au travail, dans chaque système économique et politique.
On ne peut surtout pas oublier la très grande contribution de l’Église et du catholicisme français dans le domaine missionnaire de l’Église par exemple, ou le domaine de la culture chrétienne. On ne peut pas accepter que ces chapitres soient clos! Bien plus, on ne peut accepter que, dans ces domaines, l’Église en France change la qualité de sa contribution et l’orientation qu’elle avait prise et qui mérite une crédibilité totale.
Il faudrait évidemment considérer ici toute une série de tâches élémentaires à l’intérieur de l’Église, en France même, par exemple la catéchèse, la pastorale de la famille, l’œuvre des vocations, les séminaires, l’éducation catholique, la théologie. Tout cela dans une grande synthèse de cette “crédibilité” qui est si nécessaire pour l’Église en France, comme partout d’ailleurs, et pour le bien commun de l’Église universelle.
DISCOURS DE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES DE FRANCE
Paris
Dimanche, 1er juin 1980