C'est ce qu'affirme le théologien Nicola Bux (photo), consulteur de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de la Congrégation pour les causes des saints, et professeur d'œcuménisme à l'Institut de Théologie de Bari (Italie).
Le théologien, qui écrit habituellement sur des questions doctrinales pour l'agence Fides, rappelle, dans cet entretien à ZENIT que lorsque nous parlons des Ecritures il est important de se souvenir que le texte a besoin d'images et que les images doivent être davantage enseignées, dans les catéchèses aussi.
Zenit - Qu'attend un théologien comme vous de ce synode des évêques centré sur la Parole de Dieu ?
Mgr Bux - Je vous donne un exemple. Dans les Lineamenta du prochain synode publiés l'année dernière on parle de l'unité du pain de la Parole et de l'Eucharistie. Cette expression qu'un théologien et un fidèle avertis comprennent, résulte en réalité incompréhensible à la plupart et tend à confondre.
Nous savons que l'Ancien Testament dit que l'homme doit se nourrir de la parole qui sort de la bouche du Seigneur, mais dès l'instant où cette parole est devenue chair dans la personne divine-humaine de Jésus tout a changé : il n'existe pas deux paroles ni deux nourritures, cela devient un tout entre la chair et le sang de Jésus Christ.
Les pères disaient que c'est le verbum brevissimum. Tout comme il était dit, dans d'autres textes, pour l'expression « deux repas de la parole et de l'Eucharistie », qu'il s'agissait en fait d'« un seul et même repas ».
A notre époque, les messages doivent être plus que jamais simplifiés, non ambigus et rendus compréhensibles. Le catholique doit savoir que la Parole de Dieu entendue lors de la lecture des Ecritures est comme l'avant-goût d'un repas que l'on se prépare à prendre mais qui, sans ce repas au bout, reste en suspens. C'est pourquoi nous nous nourrissons de la Parole faite de cette chair qui est le Seigneur. Sans le sacrement, la Parole ne devient pas solide mais reste aériforme ou liquide. On peut appliquer à cela l'expression ‘pensée faible' ou ‘liquide'.
Donc, personnellement, je souhaite que le synode dissipe une telle ambigüité pour le bien de la vérité catholique.
Zenit - Les fidèles connaissent beaucoup mieux la Bible qu'il y a quarante ans mais les textes sont encore méconnus. Que peut-on faire, au niveau de la formation théologique, pour mieux faciliter l'approche du texte sacré ?
Mgr Bux - On fait déjà beaucoup, mais souvent en disséquant les textes et en mettant dans la tête des gens qu'en fin de compte ils ressemblent à n'importe quel autre texte historique ou littéraire. Essayez de leur demander s'ils savent qui en est l'auteur ou l'inspirateur. Difficilement vous les entendrez dire : Dieu.
De plus, dans la civilisation des images et des dvd on lit de moins en moins : il faudrait renouer avec cette habitude de lier le texte à l'image tant dans les catéchèses que dans la liturgie.
Car les images racontent et résument les personnes sacrées et saintes de l'histoire du salut. Mais aujourd'hui en occident les fidèles, comme le prêtre, ne prêtent pas attention aux images qui ornent l'Eglise à commencer par la croix, le plus souvent parce qu'elles sont laides et mal placées.
Il faut éduquer à l'image pour faire naître ce désir de mieux connaître les saintes Ecritures. En cela, l'abrégé du catéchisme de l'Eglise catholique est exemplaire.
Zenit - Quel est selon vous le défi le plus grand de ce synode, au plan même de l'œcuménisme ?
Mgr Bux - Un de mes amis prêtres, qui est théologien, mathématicien et expert en herméneutique, m'a fait remarquer que face à la sécularisation extérieure et au relativisme théologique interne, en substance, face à cet « athéisme déferlant » que l'on perçoit un peu partout, l'Eglise postconciliaire a manqué de développer une méthodologie intégrale en ce qui concerne l'étude des Saintes Ecritures.
Tout a commencé par un net refus des méthodes « modernes » sous St Pie X (sur la base d'analyses dont on devrait reconnaître aujourd'hui le caractère essentiellement prophétique de ce que cela aurait comporté ensuite concernant l'étude des Ecritures « et si Deus non daretur »).
Puis, sous Pie XII, l'ouverture (« Divino afflante Spiritu ») se poursuit, s'accentue. Mais il n'y a aucune intégration entre l'insistance sur la vérité de foi, que l'on estime fondée sur les Ecritures (dans la tradition) et les méthodologies « athées » (qui excluent d'emblée le surnaturel).
Seulement voilà, à chaque fois que l'étude, disons historique et critique, risque de franchir les limites fixées par la foi, il y a rappel à la fidélité. Mais il s'agit d'imposer des limites extrinsèques, en nous soustrayant à l'élaboration d'une méthodologie intégrale juste et adaptée au sujet.
Exemple: on pourrait aussi bien lire un livre de texte de physique nucléaire en utilisant la méthode faite pour l'étude des belles lettres, et en tirer quelque chose, mais ce n'est absolument pas une méthode adaptée au sujet. De cette manière, on arrive aussi par exemple au rétablissement de la « double vérité », à un Schillebeeckx, qui dit que celui qui croit en la conception virginale de Jésus, y croit parce que l'Eglise le lui enseigne, mais qu'il ne peut la tirer des Ecritures (où elle ne serait due qu'à un genre littéraire ou à une approche théologique et pédagogique, et ainsi de suite).
E. Schillebeeckx a été publiquement rappelé, mais c'est plus ou moins comme cela que l'on enseigne, effectivement, dans les séminaires et dans les facultés de théologie concernant tout ce qu'il y a de surnaturel dans les Ecritures.
Voilà, admettons et utilisons au maximum les méthodes dites « athées » en soi, mais sachons les cerner dans une méthodologie intégrale qui leur est propre !
Si les chrétiens d'Orient et d'Occident convergeaient sur ce point...
Zenit - Mais certains ne pourraient-ils pas trouver un peu contradictoire de rappeler l'importance des Ecritures tout en appliquant le « Summorum Pontificum » où la sainte Ecriture n'a pas la place que le Concile Vatican II lui a donnée ?
Mgr Bux - D'aucuns disent que le rite postconciliaire est plus riche de lectures, de prières eucharistiques, et que le missel de Pie V est pauvre, peu soigné. C'est une thèse anachronique car elle ne tient pas compte des quatre siècles d'écart ; c'est comme si l'on accusait les sacrements antérieurs de plusieurs siècles à ceux de Pie V.
On oublie par ailleurs que les péricopes de ce missel se sont formées sur la base des anciens capitulaires comme le Liber comitis de saint Jérôme daté de 471 ou de péricopes évangéliques ; une tradition commune à l'orient, comme l'atteste encore aujourd'hui la liturgie byzantine.
Et puis, l'attention des fidèles dure plus longtemps si la lecture est brève. Un peu comme dans la liturgie des Heures. Donc, il n'y a aucune contradiction.
Miriam Díez i Bosch
Traduit de l'italien par Isabelle Cousturié