6. NOUS devons nous replacer dans le contexte du «commencement» biblique où la vérité révélée sur l'homme comme «image et ressemblance de Dieu» constitue la base immuable de toute l'anthropologie chrétienne(22). «Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa» (Gn 1, 27). Ce passage concis contient les vérités fondamentales de l'anthropologie: l'homme est le sommet de tout l'ordre de la création dans le monde visible; le genre humain, qui commence au moment où l'homme et la femme sont appelés à l'existence, couronne toute l'oeuvre de la création; tous les deux sont des êtres humains, l'homme et la femme à un degré égal tous les deux créés à l'image de Dieu. Cette image, cette ressemblance avec Dieu, qui est essentielle à l'être humain, est transmise par l'homme et la femme, comme époux et parents, à leurs descendants: «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la» (Gn 1, 28). Le Créateur confie la «domination» de la terre au genre humain, à toutes les personnes, à tous les hommes et à toutes les femmes, qui puisent leur dignité et leur vocation dans leur «origine» commune.
Dans la Genèse, nous trouvons encore une autre description de la création de l'homme _ homme et femme (cf. 2, 18-25) _ à laquelle nous nous référerons par la suite. Dès maintenant toutefois, il faut préciser que la vérité sur le caractère personnel de l'être humain ressort de la description biblique. L'homme est une personne, et cela dans la même mesure pour l'homme et pour la femme, car tous les deux ont été créés à l'image et à la ressemblance du Dieu personnel. Ce qui rend l'homme semblable à Dieu, c'est le fait que _ contrairement à tout le monde des créatures vivantes, y compris les êtres doués de sens (animalia) _ l'homme est aussi un être raisonnable (animal rationale)(23). Grâce à cette propriété, l'homme et la femme peuvent «dominer» les autres créatures du monde visible (cf. Gn 1, 28).
Dans la seconde description de la création de l'homme (cf. Gn 2, 18-25), le langage qui exprime la vérité sur la création de l'homme, et spécialement de la femme, est différent; en un sens, il est moins précis; il est, pourrait-on dire, plus descriptif et métaphorique, plus proche du langage des mythes connus à cette époque. On ne trouve cependant aucune contradiction essentielle entre les deux textes. Le texte de Genèse 2, 18-25 aide à bien comprendre ce que nous trouvons dans le passage concis de Genèse 1, 27-28, et en même temps, si on le lit en lien avec lui, il aide à comprendre plus profondément encore la vérité fondamentale, qui y est contenue, sur l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu comme homme et femme.
Dans la description de Genèse 2, 18-25, la femme est créée par Dieu «à partir de la côte» de l'homme, et elle est placée comme un autre «moi», comme un interlocuteur à côté de l'homme qui, dans le monde des créatures animées qui l'entoure, est seul et ne trouve en aucune d'entre elles une «aide» qui lui soit adaptée. La femme appelée ainsi à l'existence est immédiatement reconnue par l'homme comme «chair de sa chair et os de ses os» (cf. Gn 2, 23), et pour cela précisément elle est appelée «femme». Dans le langage biblique, ce nom indique l'identité essentielle par rapport à l'homme: ish - ishsha, ce qu'en général les langues modernes ne peuvent malheureusement pas exprimer. «Celle-ci sera appelée "femme" (ishsha), car elle fut tirée de l'homme (ish)» (Gn 2, 23).
Le texte biblique fournit des bases suffisantes pour que l'on reconnaisse l'égalité essentielle de l'homme et de la femme du point de vue de l'humanité(24). Depuis le début, tous les deux sont des personnes, à la différence des autres êtres vivants du monde qui les entoure. La femme est un autre «moi» dans leur commune humanité. Dès le début, ils apparaissent comme l'«unité des deux», et cela signifie qu'est dépassée la solitude originelle dans laquelle l'homme ne trouve pas «une aide qui lui soit assortie» (Gn 2, 20). S'agit-il seulement ici d'une «aide» pour agir, pour «soumettre la terre» (cf. Gn 1, 28)? Il est bien certain qu'il s'agit de la compagne de vie, à laquelle l'homme peut s'unir comme à sa femme, devenant avec elle «une seule chair» et abandonnant pour cela «son père et sa mère» (cf. Gn 2, 24). La description biblique parle donc de l'institution, par Dieu, du mariage, dans le contexte de la création de l'homme et de la femme, comme condition indispensable de la transmission de la vie aux nouvelles générations humaines, à laquelle le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés par nature: «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la» (Gn 1, 28).