par Sandro Magister
ROMA, le 19 avril 2008 – Pour sa troisième journée à Washington, Benoît XVI est revenu une troisième fois sur le scandale des abus sexuels commis par des prêtres catholiques sur des mineurs.
C’était au cours de l’homélie de la messe célébrée le jeudi 17 avril dans un Nationals Stadium comble, devant quelque 46 000 fidèles:
“C’est dans le contexte de l’espérance née de l’amour et de la fidélité de Dieu que je prends acte de la douleur éprouvée par l’Eglise en Amérique en raison des abus sexuels commis sur des mineurs. Aucun mot de ma part ne pourrait décrire la douleur et les dommages qu’ont provoqué des abus. Il est important que ceux qui ont souffert bénéficient d’une affectueuse attention pastorale. Je ne peux pas non plus décrire correctement les dommages provoqués au sein de la communauté de l’Eglise. De grands efforts ont déjà été faits pour réagir de manière honnête et juste à cette situation tragique et pour faire en sorte que les enfants – que Notre Seigneur aime si profondément (cf. Mc 10, 14) et qui sont notre plus grand trésor – puissent grandir dans un environnement sûr. Ces attentions destinées à protéger les enfants doivent continuer. Hier, j’ai parlé de ce problème avec vos évêques. Aujourd’hui, j’encourage chacun de vous à faire tout son possible pour promouvoir la guérison et la réconciliation et pour aider ceux qui ont été blessés“.
Le même jour, dans l’après-midi, le pape a rencontré, dans la chapelle de la nonciature, un petit groupe de victimes d’abus sexuels commis par des prêtres. Le groupe était accompagné par l’archevêque de Boston, le cardinal Sean O’Malley. Un communiqué diffusé par le Saint-Siège a ajouté qu’“ils ont prié avec le Saint-Père, qui a écouté leurs récits personnels, leur a dit des mots d’encouragement et d’espérance et les a assurés de sa prière à leurs intentions, à celle de leurs familles et à celle de toutes les victimes d’abus sexuels“.
Autre moment fort de la journée, la rencontre du pape avec les enseignants des universités et écoles catholiques des Etats-Unis.
Benoît XVI leur a expliqué que “l’identité catholique [d’une école] ne dépend pas des statistiques. Elle ne peut pas non plus être assimilée à l’orthodoxie du contenu des cours. Elle demande et suggère beaucoup plus : il faut que tous les aspects de vos communautés d’études se reflètent dans les manifestations ecclésiales de votre foi. Il n’y a que dans la foi, en fait, que peuvent s’incarner la vérité et la raison vraiment humaine, capable de diriger la volonté sur le chemin de la liberté“.
Plus bas sont reproduits les passages-clés de cet important discours qui traite de sujets déjà évoqués par Benoît XVI dans ses mémorables discours de Ratisbonne et de l’Université de Rome.
Enfin, dans la soirée, le pape a rencontré près de 200 représentants appartenant à cinq communautés religieuses présentes aux Etats-Unis: juifs, musulmans, hindouistes, bouddhistes et jaïnistes.
Benoît XVI leur a expliqué que le dialogue interreligieux “cherche plus qu’un consensus pour faire progresser la paix“. L’objectif principal du dialogue est “celui de découvrir la vérité“ et de faire vivre dans le cœur de tous les hommes les questions les plus profondes et les plus essentielles.
Benoît XVI a alors poursuivi:
“Confrontés à ces questions les plus profondes à propos de l'origine et de la destinée du genre humain, les chrétiens proposent Jésus de Nazareth. Il est – c’est notre foi – le Logos éternel, qui s’est incarné pour réconcilier l'homme avec Dieu et révéler la raison qui est à la base de toutes les choses. C’est Lui que nous portons au forum du dialogue interreligieux. L'ardent désir de suivre ses traces pousse les chrétiens à ouvrir leurs esprits et leurs cœurs au dialogue“.
Et d’ajouter:
“Chers amis, en cherchant à découvrir nos points communs, nous avons peut-être négligé la responsabilité que nous avons de discuter de nos différences avec calme et clarté. […] L’objectif le plus important du dialogue interreligieux demande un exposé clair de nos doctrines religieuses respectives“.
Tout de suite après, rencontrant des représentants de la communauté juive à l’avant-veille de leur célébration de la Pâque, Benoît XVI a confirmé de manière spéciale sa conception du dialogue interreligieux.
Dans le message qu’il leur a adressé – et qui est destiné aux juifs du monde entier – le pape a souligné la proximité unique qui existe entre chrétiens et juifs, issus de la même souche et “prisonniers de l’espérance“ dans le même salut que Dieu leur offre.
Il a poursuivi ainsi:
"Ce lien nous permet, à nous, chrétiens, de célébrer parallèlement à vous, selon notre perspective propre, la Pâque de la mort et de la résurrection du Christ, que nous envisageons comme inséparable de votre Pâque, puisque Jésus lui-même a dit: 'Le salut vient des juifs' (Jn 4, 22). Notre Pâque et votre Pesah, bien que distinctes et différentes, nous unissent dans une commune espérance fondée sur Dieu et sur sa miséricorde. Elles nous pressent de coopérer les uns avec les autres et avec tout homme et toute femme de bonne volonté pour édifier un monde meilleur pour tous, dans l’attente de l’accomplissement des promesses du Seigneur".
Voici les passages marquants des discours que le pape a adressés aux enseignants catholiques, aux représentants des religions et aux juifs.
Washington, Catholic University, jeudi 17 avril 2008
[...] L’identité d’une université ou d’une école catholique ne dépend pas simplement du nombre d’étudiants catholiques. C’est une question de convictions. Croyons-nous vraiment que c’est uniquement dans le mystère du Verbe incarné que le mystère de l’homme devient vraiment clair (cf. Gaudium et spes, 22)? Sommes-nous vraiment prêts, à confier tout notre moi – intelligence et volonté, esprit et cœur – à Dieu? Acceptons-nous la vérité que le Christ révèle? Dans nos universités et nos écoles la foi est-elle “tangible”? Lui donne-t-on une expression fervente dans la liturgie, dans les sacrements, à travers la prière, les activités caritatives, le souci de la justice et le respect de la création de Dieu? C’est notre seule manière de témoigner vraiment du sens de ce que nous sommes et de ce que nous soutenons.
Partant de là, on peut reconnaître que l’actuelle “crise de vérité” provient d’une “crise de foi”. Ce n’est qu’à travers la foi que nous pouvons donner librement notre accord au témoignage de Dieu et le reconnaître comme le garant transcendant de la vérité qu’Il révèle. Encore une fois, nous voyons pourquoi il est indispensable de promouvoir dans les institutions de formation catholiques l’intimité personnelle avec Jésus-Christ et le témoignage communautaire de sa vérité qui est amour. Tous, en effet, nous voyons et observons avec préoccupation la difficulté ou la réticence que beaucoup de gens ont aujourd’hui à se confier à Dieu. C’est un phénomène complexe, auquel je réfléchis constamment. Nous avons cherché activement à faire appel à l’intelligence de nos jeunes, mais nous avons peut-être négligé leur volonté. C’est pourquoi nous constatons avec inquiétude que la notion de liberté est déformée. La liberté n’est pas une capacité de se dégager de; c’est une capacité de s’engager à – une participation à l’Etre lui-même. La liberté authentique ne peut donc jamais être obtenue en s’éloignant de Dieu. Un tel choix signifierait en définitive négliger l’authentique vérité dont nous avons besoin pour nous comprendre nous-mêmes. C’est pourquoi chacun de vous et vos collègues avez une responsabilité particulière: susciter chez vos jeunes le désir d’un acte de foi, en les encourageant à se confier à la vie ecclésiale qui découle de cet acte de foi. C’est là que la liberté rejoint la certitude de la vérité. En choisissant de vivre selon cette vérité, nous saisissons la plénitude de la vie de foi qui nous est donnée dans l’Eglise.
Il est donc clair que l’identité catholique ne dépend pas des statistiques. Elle ne peut pas non plus être simplement assimilée à l’orthodoxie qu’elle contient naturellement. Elle demande et suggère beaucoup plus: il faut que tous les aspects de vos communautés d’études se reflètent dans les manifestations ecclésiales de votre foi. Il n’y a que dans la foi que peuvent s’incarner la vérité et la raison vraiment humaine, capable de diriger la volonté sur le chemin de la liberté (cf. Spe salvi, 23). De cette façon, nos institutions apportent une contribution essentielle à la mission de l’Eglise et elles servent efficacement la société. Elles deviennent des lieux où la présence active de Dieu dans les affaires humaines est reconnue et où chaque jeune découvre la joie d’entrer dans l’”être pour les autres” du Christ (cf. ibid., 28).
Essentielle pour l’Eglise, la mission d’évangélisation, dans laquelle les institutions éducatives jouent un rôle crucial, est en accord avec l’aspiration fondamentale de la nation à développer une société vraiment à la hauteur de la dignité de la personne humaine. Parfois, cependant, la valeur de l’apport de l’Eglise au débat public est remise en question. C’est pourquoi il est important de rappeler que la vérité de la foi et celle de la raison ne sont jamais en contradiction l’une avec l’autre (cf. Concile œcuménique Vatican I, constitution dogmatique sur la foi catholique Dei Filius, IV: DS 3017; S. Augustin, Contra Academicos, III, 20,43). En effet l’Eglise est impliquée par sa mission dans la lutte que mène l’humanité pour atteindre la vérité. Quand elle exprime la vérité révélée, l’Eglise rend service à tous les membres de la société en purifiant la raison, en faisant en sorte que cette dernière reste prête à prendre en considération les vérités ultimes. En s’inspirant de la sagesse divine, elle éclaire les fondements de la morale et de l’éthique humaine, elle rappelle à tous les groupes de la société que ce n’est pas à l’action de créer la vérité mais que c’est la vérité qui doit servir de base à l’action. Loin de menacer la tolérance de la légitime diversité, une telle contribution éclaire la vérité elle-même, qui permet d’atteindre le consensus et, grâce à elle, le débat public reste raisonnable, honnête et fiable. De même l’Eglise soutient sans relâche les catégories morales essentielles du juste et de l’injuste, sans lesquelles l’espérance ne peut que se flétrir, ce qui ouvre la porte aux froids calculs pragmatiques et utilitaristes qui réduisent l’homme à n’être guère plus qu’un pion sur un échiquier imaginaire.
Par rapport au débat éducatif, la "diakonia", le service de la vérité prend un sens élevé dans les sociétés où l’idéologie séculariste sépare vérité et foi. Cette séparation a abouti à la tendance à confondre vérité et connaissance et à adopter une mentalité positiviste qui, rejetant la métaphysique, nie les fondements de la foi et rejette la nécessité d’une vision morale. Vérité veut dire plus que connaissance: connaître la vérité nous conduit à découvrir le bien. La vérité parle à l’individu dans sa totalité, elle nous invite à répondre avec tout notre être. Cette vision optimiste est fondée sur notre foi chrétienne, parce dans cette foi est donnée la vision du Logos, la Raison créatrice de Dieu, qui, dans l’Incarnation, s’est révélée elle-même comme Divinité. Loin de n’être qu’une communication de données factuelles – “informative” – la vérité aimante de l’Evangile est créative et capable de changer la vie – elle est “performative” (cf. Spe salvi, 2). Avec confiance, les éducateurs chrétiens peuvent libérer les jeunes des limites du positivisme et réveiller leur réceptivité à la vérité, à Dieu et à sa bonté. De cette façon vous contribuerez aussi à former leur conscience qui, enrichie par la foi, ouvre un chemin sûr vers la paix intérieure et le respect des autres.
Ce qui ne constitue pas une surprise, en tout cas, c’est que la société en général, plus que nos communautés ecclésiales elles-mêmes, attend beaucoup de la part des éducateurs catholiques. Cela vous confère une responsabilité et vous offre une chance. De plus en plus de gens – notamment de parents– ressentent un besoin d’excellence dans la formation humaine des jeunes. En tant que "Mater et Magistra", l’Eglise partage cette préoccupation. Quand rien, au delà de l’individu, n’est reconnu comme définitif, le critère ultime de jugement devient le moi et la satisfaction des désirs immédiats de l’individu. L’objectivité et la perspective, qui découlent uniquement du fait que l’on reconnaît l’essentielle dimension transcendante de la personne humaine, peuvent être perdues. Dans le cadre d’un tel horizon relativiste, les buts de l’éducation se réduisent inévitablement. Peu à peu apparaît une baisse des niveaux. On remarque aujourd’hui une certaine timidité face à la catégorie du bien et une chasse inconsidérée aux nouveautés qui défilent comme réalisation de la liberté. Nous voyons se répandre la conviction que toutes les expériences sont d’égale valeur mais aussi la réticence à admettre les imperfections et les erreurs. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que le précieux et délicat domaine de l’éducation sexuelle se réduit à la gestion du “risque”, hors de toute référence à la beauté de l’amour conjugal.
Que peuvent répondre les éducateurs chrétiens? Ces développements dangereux mettent en évidence l’urgence particulière de ce que l’on pourrait appeler la“charité intellectuelle”. Cet aspect de la charité implique que l’éducateur admette que la lourde responsabilité de conduire les jeunes à la vérité n’est rien d’autre qu’un acte d’amour. En vérité, la dignité de l’éducation consiste à promouvoir la vraie perfection et la joie de ceux qui doivent être guidés. En pratique, la “charité intellectuelle” soutient l’unité essentielle de la connaissance contre la fragmentation qui se produit quand la raison n’est plus associée à la recherche de la vérité. Cette unité guide les jeunes vers la profonde satisfaction d’exercer leur liberté en relation avec la vérité, et elle les pousse à exprimer la relation entre la foi et les différents aspects de la vie familiale et sociale. Une fois réveillée la passion pour la plénitude et l’unité de la vérité, les jeunes apprécieront sûrement la découverte que la question de ce qu’ils peuvent connaître leur donne accès à la grande aventure de ce qu’ils devront faire. Là ils découvriront “en qui” et “en quoi” il est possible d’espérer et ils seront incités à apporter leur contribution à la société de manière à susciter l’espoir chez les autres. [...]
En ce qui concerne les enseignants des universités catholiques, je souhaite réaffirmer la grande valeur de la liberté académique. En vertu de cette liberté vous êtes appelés à chercher la vérité partout où l’analyse soigneuse des faits vous conduira. Cependant il faut aussi rappeler que toute référence au principe de la liberté académique pour justifier des positions en contradiction avec la foi et avec l’enseignement de l’Eglise perturberait ou même trahirait l’identité et la mission de l’université, une mission qui est au cœur du munus docendi de l’Eglise et qui n’est pas, en quelque sorte autonome ou indépendante de celle-ci.
Les enseignants et les administrateurs des universités et des écoles ont le devoir et le privilège de veiller à ce que les étudiants soient instruits de la doctrine et de la pratique catholique. Cela suppose que le témoignage public de la manière d’être du Christ, comme l’indique l’Evangile et le propose le magistère de l’Eglise, modèle tous les aspects de la vie institutionnelle dans et hors des classes. S’éloigner de cette vision affaiblit l’identité catholique et, loin de faire progresser la liberté, conduit inévitablement à la confusion morale, intellectuelle et spirituelle. [...]
Washington, John Paul II Cultural Center, jeudi 17 avril 2008
[...] La liberté religieuse, le dialogue interreligieux et la foi cherchent plus qu’un consensus visant à définir des moyens pour mettre en œuvre des stratégies concrètes afin de faire progresser la paix. L'objectif plus vaste du dialogue est de découvrir la vérité. Quelles sont l'origine et la destinée du genre humain? Que sont le bien et le mal? Qu’est-ce qui nous attend à la fin de notre existence terrestre? Ce n’est qu’en traitant ces questions plus profondes que nous pourrons construire une base solide pour la paix et la sécurité de la famille humaine: "là où et quand l'homme se laisse éclairer par la splendeur de la vérité, il s’engage presque naturellement dans le chemin de la paix" (Message 2006 pour la Journée Mondiale de la Paix, 3).
Nous vivons à une époque où ces questions sont trop souvent mises de côté. Cependant elles ne pourront jamais être ôtées du cœur humain. Au cours de l’histoire, les hommes et les femmes ont cherché à rattacher leur inquiétude à ce monde qui passe. Dans la tradition judéo-chrétienne, les Psaumes sont pleins de ces expressions: "Le souffle en moi s’éteint" (Ps 143,4; cf. Ps 6,7; 31,11; 32,4; 38,8; 77,3); "Qu’as-tu, mon âme, à défaillir, que gémis-tu sur moi?" (Ps 42,6). La réponse est toujours donnée par la foi: "Espère en Dieu: je le louerai encore le salut de ma face et mon Dieu" (ibidem; cf. Ps 62,6). Les leaders spirituels ont un devoir particulier, on pourrait dire une compétence spéciale: mettre au premier plan les questions les plus profondes de la conscience humaine, réveiller l'humanité devant le mystère de l'existence humaine, donner de la place, dans un monde frénétique, à la réflexion et à la prière.
Confrontés à ces questions les plus profondes à propos de l'origine et de la destinée du genre humain, les chrétiens proposent Jésus de Nazareth. Il est – c’est notre foi – le Logos éternel, qui s’est incarné pour réconcilier l'homme avec Dieu et révéler la raison qui est à la base de toutes les choses. C’est Lui que nous portons au forum du dialogue interreligieux. L'ardent désir de suivre ses traces pousse les chrétiens à ouvrir leurs esprits et leurs coeurs au dialogue (cf. Lc 10, 25-37; Jn 4, 7-26).
Chers amis, en cherchant à découvrir nos points communs, nous avons peut-être négligé la responsabilité que nous avons de discuter de nos différences avec calme et clarté. Nous unissons toujours nos cœurs et nos esprits pour rechercher la paix, mais nous devons aussi écouter attentivement la voix de la vérité. De cette façon, notre dialogue ne se limite pas à définir un ensemble commun de valeurs, mais il va jusqu’à chercher leur fondement ultime. Nous n’avons pas de motifs d’inquiétude, parce que la vérité nous dévoile le rapport essentiel entre le monde et Dieu. Nous sommes capables de comprendre que la paix est un "don du Ciel", qui nous invite à conformer l’histoire humaine à l’ordre divin. C’est là qu’est la "vérité de la paix" (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2006). [...]
Message adressé à l’occasion de la fête de Pessah, Washington, jeudi 17 avril 2008.
Au moment de votre célébration la plus solennelle, je me sens particulièrement proche de vous, précisément parce que "Nostra Aetate" rappelle aux chrétiens de toujours garder en mémoire ceci: l’Église "a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance, et qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les gentils" (Nostra Aetate, n. 4). [...]
Au cours du Seder de la Pâque, vous faites mémoire des saints patriarches Abraham, Isaac et Jacob, et des saintes femmes d’Israël, Sarah, Rebecca, Rachel et Léa, commencement d’une longue lignée de fils et filles de l’Alliance. Au fur et à mesure que passe le temps, l’Alliance revêt une dimension toujours plus universelle, alors que la promesse faite à Abraham prend forme: "Je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. En toi seront bénies toutes les familles de la terre" (Gn 12, 2-3). En effet, selon le prophète Isaïe, l’espérance de la rédemption s’étend à toute l’humanité: "Des peuples nombreux se mettront en marche, et ils diront: Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers" (Is 2, 3). Sur cet horizon eschatologique, s’offre une réelle perspective de fraternité universelle sur le chemin de la justice et de la paix, qui prépare le chemin du Seigneur (cf. Is 62, 10).
Les chrétiens et les juifs partagent cette espérance; nous sommes en réalité, comme disent les prophètes, "prisonniers de l’espérance" (Za 9, 12). Ce lien nous permet, à nous, chrétiens, de célébrer parallèlement à vous, selon notre perspective propre, la Pâque de la mort et de la résurrection du Christ, que nous envisageons comme inséparable de votre Pâque, puisque Jésus lui-même a dit: "Le salut vient des juifs" (Jn 4, 22). Notre Pâque et votre Pessah, bien que distinctes et différentes, nous unissent dans une commune espérance fondée sur Dieu et sur sa miséricorde. Elles nous pressent de coopérer les uns avec les autres et avec tout homme et toute femme de bonne volonté pour édifier un monde meilleur pour tous, dans l’attente de l’accomplissement des promesses du Seigneur. [...]