par Sandro Magister
Www.chiesa l'a immédiatement mis en ligne, en quatre langues, tout de suite après que le pape l'eut prononcé.
Mais, dans l’après-midi de ce même vendredi 18 avril, à New York, le pape a accompli deux autres gestes.
Le premier a été une visite à la synagogue de Park East, dirigée par le rabbin Arthur Schneier, à la veille de la Pâque juive (photo).
Le second a été une rencontre œcuménique, à l’église Saint-Joseph, avec 250 représentants d’une dizaine de confessions chrétiennes.
Pendant cette rencontre, Benoît XVI a adressé à l’assistance, à la fin de la liturgie de la Parole, un discours tout à fait insolite dans de telles assemblées. A vrai dire, très nouveau même par rapport à de précédentes interventions du pape Ratzinger sur l’œcuménisme.
Selon Benoît XVI, si la chrétienté est tellement divisée, c’est dû à une rivalité réciproque, faite d’"actions prophétiques" qui visent à se différencier et à se séparer de la "communion avec l’Eglise de tous les temps" mais aussi à "une approche relativiste de la doctrine chrétienne semblable à celle que l’on trouve dans les idéologies sécularisées".
C’est pourquoi, au lieu de prêcher Jésus-Christ et "Jésus-Christ crucifié" (1 Cor 2, 2) – c’est-à-dire "la vérité objective" de la foi apostolique – beaucoup de chrétiens des diverses dénominations préfèrent inciter chacun à suivre sa conscience et à choisir la communauté qui correspond le mieux à ses goûts personnels.
D’après Benoît XVI, cette réticence à affirmer la place centrale de la doctrine "par crainte qu’elle ne fasse qu’aggraver les blessures de la division au lieu de les soigner" existe même au sein du mouvement œcuménique.
En revanche, voici l'appel du pape.
"Ce n’est qu’en 'gardant fermement' l’enseignement sûr (cf. 2 Ts 2, 15) que nous réussirons à faire face aux défis que nous sommes appelés à relever dans un monde qui change. Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons un témoignage ferme de la vérité de l’Evangile et de son enseignement moral. Voilà le message que le monde attend de nous".
Un appel qui est encore plus actuel "précisément au moment où le monde est désorienté et a besoin de témoignages communs et convaincants sur le pouvoir salvateur de l’Evangile (cf. Rm 1, 18-23)".
On trouvera ci-dessous les principaux passages du discours du pape:
New York, rencontre œcuménique à l’église Saint-Joseph, vendredi 18 avril 2008
[...] Trop souvent, les non-chrétiens qui observent la fragmentation des communautés chrétiennes restent à juste titre perplexes quant au message même de l’Evangile. Les croyances et comportements chrétiens fondamentaux sont parfois modifiés au sein des communautés par ce qu’on appelle des "actions prophétiques" fondées sur une herméneutique qui n’est pas toujours en accord avec ce que disent l’Ecriture et la Tradition. En conséquence les communautés renoncent à agir comme un corps uni et préfèrent au contraire opérer selon le principe des "options locales". En agissant ainsi, on perd quelque part le besoin d’une koinonia diachronique – la communion avec l’Eglise de tous les temps – précisément au moment où le monde est désorienté et a besoin de témoignages communs et convaincants sur le pouvoir salvateur de l’Evangile (cf. Rm 1, 18-23).
Face à ces difficultés, nous devons en premier lieu nous rappeler que l’unité de l’Eglise découle de la parfaite unité de la Trinité. L’Evangile de Jean nous dit que Jésus a prié son Père pour que ses disciples puissent être un, "comme tu es en moi et moi en toi" (cf. Jn 17, 21). Ce passage reflète la ferme conviction de la communauté chrétienne des origines que son unité était le fruit et le reflet de l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit. Cela montre, à son tour, que la cohésion des croyants entre eux était fondée sur la pleine intégrité de la confession de leur credo (cf. 1 Tm 1, 3-11). Dans tout le Nouveau Testament nous voyons que les Apôtres ont été à de nombreuses reprises appelés à rendre raison de leur foi tant aux Gentils (cf. Ac 17, 16-34) qu’aux Juifs (cf. Ac 4, 5-22; 5, 27-42). Le noyau central de leur argumentation a toujours été le fait historique de la résurrection physique du Seigneur hors du tombeau (Ac 2, 24,32; 3, 15; 4,10; 5,30; 10,40; 13,30). L’efficacité ultime de leur prédication ne dépendait pas d’un "langage recherché" ou d’une "sagesse humaine" (1 Cor 2, 13), mais plutôt de l’action de l’Esprit (Ep 3, 5) qui confirmait le témoignage autorisé des Apôtres (cf. 1 Cor 15, 1-11). Le noyau de la prédication de Paul et de l’Eglise des origines n’était autre que Jésus-Christ, et "Jésus crucifié" (1 Cor 2, 2). Et cette proclamation devait être garantie par la pureté de la doctrine normative exprimée dans les formules de foi – les symboles – qui structuraient l’essence de la foi chrétienne et constituaient le fondement de l’unité des baptisés (cf. 1 Cor 15,3-5; Ga 1,6-9; Unitatis redintegratio, 2).
Mes chers amis, la force du kérygme n’a rien perdu de son dynamisme intérieur. Nous devons pourtant nous demander si sa pleine vigueur n’a pas été atténuée par une approche relativiste de la doctrine chrétienne semblable à celle que nous trouvons dans les idéologies sécularisées; soutenant que seule la science est "objective", elles relèguent complètement la religion dans la sphère subjective du sentiment de l’individu. Les découvertes scientifiques et leurs réalisations grâce au génie humain offrent sans doute à l’humanité de nouvelles possibilités d’amélioration. Cela ne signifie pas, toutefois, que le "connaissable" soit limité à ce qui est vérifiable empiriquement, ni que la religion soit limitée au monde changeant de l’"expérience personnelle".
Accepter cette façon de penser erronée amènerait les chrétiens à conclure que, dans la présentation de la foi chrétienne, il n’est pas nécessaire de souligner la vérité objective, parce que l’on doit seulement suivre sa conscience et choisir la communauté qui correspond le mieux à ses goûts personnels. On voit le résultat dans la prolifération continue de communautés qui évitent souvent d’avoir des structures institutionnelles et qui minimisent l’importance du contenu doctrinal pour la vie chrétienne.
Même au sein du mouvement œcuménique les chrétiens peuvent se montrer réticents à affirmer le rôle de la doctrine par crainte qu’il ne fasse qu’aggraver les blessures de la division au lieu de les soigner. Malgré cela, un témoignage clair et convaincant sur le salut opéré pour nous en Jésus-Christ doit être fondé sur la notion d’enseignement apostolique normatif – un enseignement qui souligne vraiment la parole inspirée de Dieu et soutient la vie sacramentelle des chrétiens d’aujourd’hui.
Ce n’est qu’en "gardant fermement" l’enseignement sûr (cf. 2 Ts 2, 15) que nous réussirons à faire face aux défis que nous sommes appelés à relever dans un monde qui change. Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons un témoignage ferme de la vérité de l’Evangile et de son enseignement moral. Voilà le message que le monde attend de nous. Comme les premiers chrétiens, nous avons la responsabilité de donner un témoignage transparent des "raisons de notre espérance", afin que les yeux de tous les hommes de bonne volonté puissent s’ouvrir pour voir que Dieu a manifesté son visage (cf. 2 Cor 3,12-18) et nous a permis d’accéder à sa vie divine à travers Jésus-Christ. Lui seul est notre espérance! Dieu a révélé son amour pour tous les peuples à travers le mystère de la passion et de la mort de son Fils, et il nous a appelés à proclamer qu’il est vraiment ressuscité, qu’il est assis à la droite du Père et qu’il "viendra de nouveau, dans la gloire, pour juger les vivants et les morts" (Credo de Nicée). [...]
Le programme et les documents du voyage de Benoît XVI, sur le site du Vatican:
> Voyage aux Etats-Unis et visite à l'ONU, 15-21 avril 2008
Le voyage du pape sur le site de la conférence des évêques des Etats-Unis:
> Christ Our Hope
Et sur le site de l’agence de presse de la conférence, Catholic News Service:
> Visit to America