ROME, Vendredi 4 avril 2008 (ZENIT.org) - « Le ministère de la réconciliation reste sans doute le plus difficile et le plus délicat, le plus fatigant et le plus exigeant - surtout lorsque les prêtres sont en petit nombre. Il suppose aussi, chez le confesseur, de grandes qualités humaines, par dessus tout une vie spirituelle intense et sincère ; il est nécessaire que le prêtre recoure pour lui-même régulièrement à ce sacrement : c'est par ces paroles de Jean-Paul II que Mgr Guy Bagnard, évêque de Belley-Ars, a conclu, jeudi 3 avril, dans l'après-midi, en l'église romaine de San Carlo al Corso, son exposé sur « la miséricorde et le ministère du prêtre ». Il s'appuyait aussi sur l'héritage spirituel du saint Curé d'Ars, saint Jean-Marie Vianney.
« La miséricorde et le ministère du prêtre »
Par Mgr Bagnard
Il suffit de parcourir quelques pages d'Évangile pour s'apercevoir dans quelle proximité Jésus a vécu avec les malades. Lépreux, boiteux, paralysés, aveugles, sourds-muets, tous viennent à Lui et Le supplient de les guérir.
Ce n'est pourtant aucune de ces maladies que désignaient les célèbres paroles de Jésus : "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades." Le contexte où ont été prononcées ces paroles nous apprend que Jésus prenait alors son repas dans la maison de Matthieu qu'il venait d'appeler à sa suite. Autour de la table se tenait un grand nombre de publicains réputés pour leur malhonnêteté dans l'exercice de leur profession : la collecte des impôts. C'étaient des pécheurs publics, désignés du doigt par l'opinion ! A l'adresse des pharisiens qui condamnaient ces fréquentations douteuses, Jésus répond avec les paroles du prophète Osée : "C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices." (Mt 9,12). A côté des maladies du corps, Jésus souligne la présence des maladies de l'âme. Leur guérison ne peut être obtenue que par la miséricorde. C'est pour en purifier les hommes qu'il est venu en ce monde. Bien mieux, les maladies du corps avaient moins de conséquences dramatiques sur la destinée humaine que les maladies invisibles de l'âme : "Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir, sur la terre, de pardonner les péchés, alors, lève-toi, dit Jésus au paralysé, prends ta civière et rentre chez toi." (Mt 9,6). Jésus indiquait que son pouvoir de guérison sur les corps annonçait un pouvoir plus fondamental sur les âmes.
Celui qui a reçu l'ordination prolonge l'action du Christ. Parce qu'il a donné ses lèvres, ses mains, son intelligence et son cœur au Christ, pour continuer son œuvre de guérison, il est amené à accorder une place de choix au ministère de la miséricorde.
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Jean-Marie Vianney demeure, dans l'histoire de l'Eglise, le témoin privilégié de ce ministère. Dans l'exercice de sa charge de curé, au fil des années, le temps passé au confessionnal a démesurément grandi. On estime qu'il s'y tenait entre 13 et 18 heures par jour, par tous les temps, aussi bien dans la chaleur que dans le froid. Au cours des vingt-cinq dernières années de sa vie, il ne faisait plus que cela. "Rarement un pasteur a été à ce point conscient de ses responsabilités, dévoré par le désir d'arracher ses fidèles à leur péché ou à leur tiédeur." (Jean-Paul II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint 1986).
A regarder Jean-Marie Vianney, dans l'exercice de cette pastorale de la miséricorde, un fait mérite d'être souligné. Il avait perçu l'immense effort qui est requis du pécheur pour venir chercher le pardon. Reconnaître sa maladie est déjà une épreuve. Mais entreprendre de s'en libérer en est une autre bien plus lourde encore. Le mouvement naturel est de remettre à plus tard. Mille raisons surgissent pour repousser au lendemain. Le fils de la parabole a attendu le tout dernier moment, d'être littéralement affamé, pour se décider enfin à reprendre le chemin du retour.
Le Curé d'Ars, qui avait une profonde connaissance du cœur humain, eut un jour une drôle d'idée. Au risque de surprendre son entourage et de soulever des incompréhensions, il entreprit rien moins que de faire percer une porte dans la façade de l'église paroissiale, légèrement sur le côté ; c'était une porte si étroite si discrète, qu'aujourd'hui encore, on ne la remarque pas. En la poussant, on tombait au pied d'un confessionnal, placé là tout exprès. C'était le cinquième confessionnal qu'il avait installé dans son église. Les quatre autres étaient situés plus haut dans la nef ou derrière l'autel. L'avantage de ce nouveau dispositif permettait de venir se confesser totalement incognito ! C'était là que ceux qu'il appelait les grands pécheurs pouvaient s'ouvrir à la miséricorde. Insigne délicatesse de ce curé qui ressentait en lui-même ce qu'il en coûtait de revenir dans une église où l'on n'avait peut-être pas mis les pieds depuis trente, quarante ou cinquante ans. Ainsi, la grâce de la Miséricorde était mise à la portée du plus grand nombre. A elle seule, cette invention en dit long sur l'amour des pécheurs qui habitait le cœur de Jean-Marie Vianney, à l'image du Père de la parabole qui attend sur le seuil et regarde l'horizon s'il voit revenir le fils. Jean-Marie Vianney avait l'habitude de dire : "Ce n'est pas le pécheur qui revient vers Dieu pour lui demander pardon ; mais c'est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui." (Nodet p. 133) C'est vers ceux qui semblaient les plus éloignés que le cœur du prêtre allait d'emblée en priorité. Dans ce confessionnal, disait-il, j'ai pu prendre les âmes au vol ! Il inscrivait dans les faits l'amour de Dieu pour les pécheurs.
Si la miséricorde est le remède le plus sûr pour guérir les maladies de l'âme, il devient indispensable de l'approcher d'aussi près que possible de celui qui en a besoin ! L'intense désir de l'offrir aux pécheurs a fait trouver au Curé d'Ars les moyens de la donner.
Sa renommée comme confesseur est liée sans aucun doute à sa sainteté personnelle. Il n'était pas rare d'entendre les habitants d'Ars raisonner ainsi, comme s'exprimait l'un d'entre eux : "Nous ne valons pas mieux que les autres, mais nous aurions trop de honte à nous livrer à de semblables désordres si près d'un saint" (Monnin, t. 1, p. 220). Mais outre le rayonnement de sa sainteté, d'autres facteurs intervenaient. L'un d'entre eux semble avoir joué un rôle non négligeable. Le Curé d'Ars lisait dans les cœurs ; il avait comme l'intuition des consciences. Il est évidemment difficile de savoir ce qui se passait exactement dans le confessionnal entre le curé et les pénitents. Il faut donc avancer avec prudence sur ce terrain. Mais beaucoup de témoignages recueillis au cours du procès de canonisation révèlent que ceux qui venaient s'agenouiller près du curé se sentaient mis brutalement face à face avec leur vie. Fréquemment, le curé découvrait lui-même au pénitent l'une ou l'autre de ses fautes.
L'abbé Alfred Monnin, un de ses premiers biographes, cite, par exemple, le cas de cet homme de mauvaise vie qui, atteint d'infirmités, vint à Ars espérant obtenir la guérison. Sur les conseils de quelques amis, il accepte de se confesser. Jean-Marie Vianney l'écoute en silence, puis lui demande : "Est-ce tout ?" - "Oui", répond l'homme. "Mais, réplique le curé, vous n'avez pas dit que tel jour, à tel endroit, vous avez commis une très grave faute". Et le curé se met à lui faire l'histoire de sa vie, mieux qu'il ne l'aurait faite lui-même. Des cas de ce genre sont nombreux. Jean-Marie Vianney posait souvent la question rituelle : "Depuis quand date votre dernière confession ?" Il arrivait que le pénitent ne se souvienne de rien ! Alors, il n'était pas rare que le Curé réponde lui-même : "Cela fait vingt-huit ans, mon ami, et vous n'avez pas été communier à la suite de cette confession."
L'acuité du regard du confesseur opérait un choc puissant sur le pénitent. Celui-ci faisait une expérience semblable à celle de la Samaritaine de l'Évangile. Elle avait entendu Jésus lui dire qu'elle n'avait pas de mari et Jésus lui avait découvert sa propre vie. Quelques instants après, elle s'adressait alors aux gens de son village, avec une émotion à peine voilée :"Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait !" Le pénitent d'Ars n'avait pas le sentiment d'être accusé ou condamné, mais celui d'être regardé par Dieu lui-même dans l'intimité de sa vie. Toute résistance, toute défense alors s'évanouissaient. Il s'ouvrait à la Lumière, sans chercher d'excuse, sans recourir à des échappatoires, sans se justifier. Il se trouvait soudainement devant Dieu. Et Dieu venait le chercher dans les situations très concrètes de son existence ; c'était là qu'il était rejoint et sauvé ! Sous cette lumière, il était reconduit à la vérité existentielle de son être et c'est pourquoi la grâce du sacrement opérait en profondeur à l'intime de l'âme. Il ressortait du confessionnal régénéré. Dieu était passé. Il avait agi ! Le pénitent avait fait l'expérience que Dieu l'aimait tel qu'il était. Un des premiers effets de la miséricorde est de ne plus se dissimuler à soi-même et d'accepter que Dieu puisse nous regarder en vérité. C'est dans cette expérience de la lumière qui nous pénètre que l'on mesure l'immense bonté de Dieu et que l'on puise l'élan de repartir et de fortifier la décision de changer de vie !
Ainsi, dans l'exercice de ce ministère, Jean-Marie Vianney montrait que la Miséricorde de Dieu ne diminuait en rien l'exigence de Vérité et l'effort coûteux qui lui est lié. Il alliait les deux dans le profond équilibre que lui communiquait sa sainteté. La miséricorde, il savait en parler comme nul autre : "Que Dieu est bon, disait-il, son bon Cœur est un océan de miséricorde. Ainsi quelque grands pécheurs que nous puissions être, ne désespérons jamais de notre salut. Il est si facile de se sauver !" " Nos fautes sont comme des grains de sable à côté des miséricordes de Dieu." "Qu'est-ce que nos péchés, si nous les comparons à la miséricorde de Dieu ! C'est une graine de navette devant une montagne". "Dieu court après l'homme et le fait revenir." (Abbé Toccanier, Procès de canonisation).
A ceux qui, pourtant, se complaisaient à parler de ses sévérités, il faut rappeler le jugement tout simple, mais combien vrai d'un vieux paysan d'Ars qui avait connu Jean-Marie Vianney dès son arrivée : "Il prêchait surtout sur l'amour de Dieu, sur la présence de Notre Seigneur dans l'Eucharistie, sur l'habitation du Saint-Esprit dans notre âme. Et quand il parlait sur le péché, alors il pleurait." Jean-Marie Vianney avait appris à se dégager de l'esprit jansénisant dont il avait été marqué dans sa jeunesse et durant les premières années de son ministère au contact de l'abbé Balley, à Écully. Il expliquait dans ses catéchèses : "Les jansénistes ont bien encore les sacrements, mais ils ne servent de rien car ils pensent qu'il faut être trop parfait pour les recevoir. L'Église ne désire que notre salut ; voilà pourquoi elle nous fait un précepte de recevoir les sacrements." (Monnin p. 327)
Mais, pour autant, la Miséricorde n'est pas une vertu doucereuse, qui se contenterait de bénir et d'absoudre, en laissant croire qu'il n'y a guère de différence entre le bien et le mal, et qu'en conclusion, comme le dit la chanson, "on ira tous au paradis". Jean-Marie Vianney avait un sens aigu de la gravité du péché ; cette conscience était, chez lui, la conséquence d'une réalité majeure dans sa vie spirituelle : il vivait en continuelle union avec Dieu. "Il m'a avoué un jour, dit le Frère Athanase, qu'il perdait rarement le souvenir de la présence de Dieu". Et l'abbé Toccanier résume ainsi le climat de sa vie intérieure : "Dieu, rien que Dieu, Dieu partout, Dieu en tout, toute la vie du Curé d'Ars est là !"
Ainsi, tout ce qui détournait de Dieu, tout ce qui l'offensait, le faisait souffrir. S'il avait l'amour du pécheur, il avait en même temps l'horreur du péché. Aussi mesurait-il sa responsabilité de curé, une responsabilité qui souvent le tourmentait : "Ah, si j'avais su ce que c'était qu'un prêtre, au lieu d'aller au séminaire, je me serais bien vite sauvé à la Trappe" (Monnin t. 2, p. 275). Il percevait les effets destructeurs du péché dans les cœurs avec une sorte d'angoisse :"Le péché obscurcit la foi dans les âmes comme les brouillards épais obscurcissent le soleil à nos yeux : nous voyons bien qu'il fait jour, mais nous ne pouvons distinguer le soleil." (Nodet p. 147). "Oh ! Jésus, donnez-nous une sainte horreur de nos péchés. Faites passer dans nos cœurs une goutte de cette amertume dont le vôtre fut inondé. Si nous ne pouvons effacer nos péchés par l'effusion de notre sang, faites du moins que nous puissions les pleurer." (Nodet p. 143)
Jean-Marie Vianney percevait le caractère dramatique de toute existence humaine, car l'homme y jouait son éternité ! Il avait "une vision pathétique du salut" (Jean-Paul II, Ars 1986) Cette conviction était si ancrée en lui qu'elle a imprimé à sa vie spirituelle une orientation dont les traits les plus spectaculaires étaient la pratique d'une ascèse rigoureuse. Ses pénitences étaient impressionnantes par leur ampleur et leur fréquence. Certains y ont vu une recherche pathologique de la souffrance. Elles étaient bien plutôt l'expression d'une vérité profonde : la volonté de se sanctifier soi-même pour sanctifier les autres ! Renoncer à soi-même, fût-ce dans la recherche d'un bien-être légitime, était chez lui une manière d'ouvrir plus largement à Dieu les portes de sa vie. Il disait : "Il n'y a qu'une manière de se donner à Dieu dans l'exercice du renoncement et du sacrifice : c'est de se donner tout entier, sans rien garder pour soi. Le peu que l'on garde n'est bon qu'à embarrasser et à faire souffrir... Je pense souvent que je voudrais bien pouvoir me perdre et ne plus me retrouver qu'en Dieu." (Monnin, t. 2, p. 631). "Se donner tout entier" était inscrit au cœur de son ministère.
Il insistait particulièrement sur le renoncement à sa volonté propre : "Nous n'avons en propre que notre volonté ; c'est la seule chose que nous puissions tirer de notre fond pour en faire hommage au Bon Dieu. Aussi, assure-t-on qu'un seul acte de renoncement à la volonté, Lui est plus agréable que trente jours de jeûne." (Monnin, t. 2, p. 645). Et il n'hésitait pas à donner des exemples très concrets : "On se prive d'une visite qui fait plaisir, on remplit une œuvre de charité qui ennuie, on se couche deux minutes plus tard, on se lève deux minutes plus tôt ; lorsque deux choses se présentent à faire, on donne la préférence à celle qui nous plaît le moins." (Monnin, t. 2, p. 646)
Cette abnégation n'avait rien d'un repliement sur soi, ni d'une sorte d'auto-mutilation ; Jean-Marie Vianney y voyait le chemin par lequel Dieu prenait possession de sa vie ; elle l'engageait dans la sequela Christi, Lui, le sauveur, qui, dans son amour du Père, avait accepté de s'abaisser. Ce renoncement n'avait rien de destructeur ; il était vivifiant parce que l'amour l'inspirait.
Engagé sur cette voie du radicalisme évangélique, il pouvait intercéder pour son peuple en toute confiance et dans une grande authenticité intérieure. Ainsi, en arrivant à Ars, il n'avait eu qu'un cri, au pied du tabernacle :"Mon Dieu, convertissez ma paroisse, et je suis prêt à souffrir tout ce que vous voudrez, tout le reste de ma vie." En engageant toute sa personne dans sa demande, il s'associait à l'action de Dieu qui, seule, pouvait convertir le cœur de ses paroissiens. Il se montrait pleinement solidaire avec eux. Et c'est bien ce qui l'a beaucoup affecté dans les dernières années de son ministère : il n'avait plus le temps de s'occuper d'eux.
Et c'est dans ce même esprit qu'il supportait les heures interminables de confession. Ce qu'il souffrait au confessionnal était offert pour la conversion de ceux qui venaient recevoir le pardon. Certaines de ses confidences permettent d'entrevoir les épreuves qu'il a rencontrées : "Je sèche d'ennui sur cette pauvre terre, disait-il à un confrère très proche ; mon âme est triste jusqu'à la mort. Mes oreilles n'entendent que des choses pénibles et qui me navrent le cœur. Je ne peux plus y tenir. Dites-moi, serait-ce un grand péché que de désobéir à mon Évêque en partant d'ici discrètement ?" (Monnin t. 2, p. 271). "Mon Dieu, que le temps me dure avec les pécheurs ! Quand serai-je avec les saints ! On offense tant le Bon Dieu qu'on serait tenté de demander la fin du monde. Quand on pense, ajoutait-il en pleurant à chaudes larmes, quand on pense à l'ingratitude de l'homme envers le Bon Dieu, on est tenté de s'en aller de l'autre côté des mers pour ne pas la voir." (Monnin t. 2, p. 273-74).
Le sens qu'il donnait à ses mortifications apparaissait clairement quand il proposait une pénitence à ceux qui venaient d'être absous. "Je sais, dit l'abbé Toccanier, qu'il ne donnait aux pénitents que des pénitences proportionnées à leur faiblesse, c'est-à-dire, en général, très faibles et qu'il s'appliquait à y suppléer par des pénitences personnelles." Un jour que l'un d'entre eux exprimait sa surprise devant la légèreté de ce que le curé d'Ars lui indiquait, celui-ci lui répondit : "Allez, allez, mon ami , je ferai le reste." Le Frère Athanase ajoute : « Le Saint Curé m'a dit une fois : "un pénitent me demanda pourquoi je pleurais en entendant sa confession - je pleure, ai-je répondu, parce que vous ne pleurez pas !" ». Au contact des pécheurs, disent ses biographes, il était "un trésor de tendresse et de miséricorde".
On sait que le temps passé au confessionnal recouvrait la plus grande partie de ses journées, mais le climat de miséricorde s'étendait, lui, à la totalité de son existence. C'était sa vie entière qui était devenue miséricorde. Et c'est pourquoi il soulignait le danger qui guettait le curé dans sa responsabilité : "Ce qui est un grand malheur, pour nous autres curés, c'est que l'âme s'engourdit. Au commencement, on était touché de l'état de ce ceux qui n'aimaient pas Dieu ; après on dit : en voilà qui font bien leur devoir, tant mieux ! En voici qui s'éloignent des sacrements, tant pis ! Et l'on n'en fait ni plus ni moins." Avec le temps, en effet, l'indifférence peut l'emporter sur la passion de transmettre les bienfaits de la miséricorde. On finit par se résigner ! La préoccupation de gagner des âmes au Christ peut même s'évanouir. Chez le Curé d'Ars, la Passion pour ce ministère était si profonde qu'il disait : "Je resterai jusqu'à la fin du monde !" Quelques heures avant de mourir, il confessait encore !
Laissez-moi terminer avec ces mots de Jean-Paul II qui était si proche du Saint Curé d'Ars. C'est en ces termes qu'il s'adressait aux prêtres, lors du Jeudi Saint 1986, l'année où il se rendit à Ars :
"Le ministère de la réconciliation reste sans doute le plus difficile et le plus délicat, le plus fatigant et le plus exigeant - surtout lorsque les prêtres sont en petit nombre. Il suppose aussi, chez le confesseur, de grandes qualités humaines, par-dessus tout une vie spirituelle intense et sincère ; il est nécessaire que le prêtre recoure pour lui-même régulièrement à ce sacrement.
Soyez-en toujours convaincus, chers frères prêtres : ce ministère de la miséricorde est l'un des plus beaux et des plus consolants. Il vous permet d'éclairer les consciences, de leur apporter le pardon et de leur redonner vigueur au nom du Seigneur Jésus, d'être pour elles médecin et conseiller spirituel ; il demeure "la manifestation irremplaçable et le test du ministère sacerdotal." (Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint 1986).
Père Guy Bagnard
Evêque de Belley-Ars
© Mgr Guy Bagnard 2008