19. Je vous ai montré la puissance du Christ, examinons ce qu'il a voulu nous faire entendre. Ce ne peut être qu'un grand coupable celui que représentent ces quatre
jours de mort et de, sépulture. Pourquoi donc Jésus. Christ se trouble-t-il lui-même, sinon pour te montrer comme tu dois être troublé lorsque tu es chargé et accablé d'une si grande masse de
péchés? Tu t'es examiné, tu t'es reconnu coupable et tu as dit en toi-même: J'ai fait cela, et Dieu m'a épargné; j'ai commis telle faute, et Dieu a différé de me punir; j'ai entendu l'Evangile,
et je l'ai méprisé; j'ai reçu le baptême, et je suis retombé dans les mêmes fautes: que faire, où aller? comment m'échapper? Quand tu parles ainsi, déjà Jésus-Christ frémit en toi, car ta foi
frémit, et dans la voix du frémissement, apparaît l'espérance de la résurrection. Si la foi est en nous, Jésus-Christ s'y trouve et frémit: si la foi est en nous, Jésus-Christ est en nous.
L'Apôtre dit-il autre chose: "Jésus-Christ par la foi habite en nos coeurs (Ép 3, 17)?" Donc ta foi en Jésus-Christ, c'est Jésus-Christ dans ton coeur. De là vient qu'il dormait dans la barque,
et ses disciples craignant de périr. victimes du naufrage qui les menaçait, s'approchèrent de lui et l'éveillèrent. Jésus-Christ se leva, commanda aux vents et aux flots, et il se fit un grand
calme (Mt 8, 24-26). Ainsi en est-il de toi: les vents entrent dans ton coeur, pendant que tu navigues et que tu traverses la vie comme une mer pleine de tempêtes et de dangers. Les vents entrent
dans ta barque; les flots l'agitent et la bouleversent. Quels sont ces vents? On t'adresse une injure, tu te laisses aller à la colère l'injure, c'est le vent; la colère, c'est le flot tu es en
danger, car tu te disposes à répondre, tu te disposes à rendre malédiction pour malédiction; déjà la barque est sur le point de sombrer. Eveille Jésus-Christ qui dort, car si tu t'emportes, si tu
te prépares à rendre le mal pour le bien, c'est que Jésus-Christ dort dans la barque. Le sommeil de Jésus-Christ dans ton coeur, c'est l'oubli de la foi, car si tu réveilles Jésus-Christ,
c'est-à-dire si tu te rappelles les enseignements de la foi, que te dit Jésus-Christ au moment où il se réveille dans ton coeur? Des hommes m'ont dit: "Vous êtes possédé du démon (Jn 7, 20)"; et
j'ai prié pour eux. Le maître reçoit une injure et il la supporte, et le serviteur se laissera aller à l'indignation! Mais tu veux te venger. Eh quoi! me suis-je moi-même vengé? Quand ta foi te
parle de la sorte, elle commande aux vents et aux flots, et il se fait en toi un grand calme. De même donc que réveiller Jésus-Christ dans la barque, c'est y exciter la foi; de même dans le coeur
de l'homme qu'oppressent une masse énorme d'iniquités et une longue habitude du péché, dans le coeur de l'homme qui a transgressé l'Evangile et méprisé les peines éternelles, que Jésus-Christ
frémisse, que l'homme se condamne lui-même. Ecoute encore: Jésus-Christ a pleuré; que l'homme pleure sur lui-même. Pourquoi, en effet, Jésus-Christ a-t-il pleuré? N'est-ce point pour apprendre à
l'homme à pleurer? Pourquoi a-t-il frémi et s'est-il troublé lui-même? N'est-ce point parce que la foi de l'homme, qui se déplaît à lui-même, à juste titre, doit frémir dans l'accusation de ses
fautes, afin que l'habitude du péché cède à la violence de la pénitence?
20. "Et il dit: Où l'avez-vous déposé?" Eh quoi! vous avez su qu'il était mort, et vous ignorez où on l'a enseveli? Cela signifie que l'homme perdu de la sorte, Dieu ne le connaît pour ainsi dire
pas. Je n'ai pas osé dire: Dieu ne le connaît pas; car, où est ce que Dieu ne connaît pas? mais j'ai dit: Il l'ignore pour ainsi dire. Et comment le prouver? Ecoute ce que le Seigneur doit dire
au jour du jugement: "Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi (Mt 7, 23)". Qu'est-ce à dire: "Je ne vous connais pas?" Je ne vous vois point dans ma lumière, je ne vous vois point dans cette
justice que je connais. C'est pourquoi, comme s'il ne connaissait pas un pécheur de cette espèce, il dit:"Où l'avez-vous déposé?" C'est aussi dans le même sens que Dieu parla dans le paradis,
quand l'homme eut péché: "Adam, où es-tu (Gn 3, 9)? Ils lui disent: Seigneur, venez et voyez. "Voyez", c'est-à-dire, ayez pitié. Le Seigneur voit, en effet, quand il fait miséricorde. C'est
pourquoi le Psalmiste lui dit: "Voyez mon abaissement et ma peine, et pardonnez-moi tous mes péchés (Ps 24, 18)".
21. "Jésus pleura. Alors les Juifs dirent: Voilà comme il l'aimait". Qu'est-ce à dire il l'aimait? "Je ne suis pas venu", dit-il lui-même, "appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence
(Mt 9, 13). Or, quelques-uns d'entre eux dirent: Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point?" S'il n'a pas voulu faire qu'il ne mourût
pas, c'est qu'il voulait faire quelque chose de plus, le retirer vivant du séjour de la mort.
22. "Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint vers le tombeau". Qu'il frémisse aussi en toi, si tu te prépares à revivre. A tout homme, accablé par une mauvaise habitude, il est dit:
"Jésus vint vers le tombeau. Or, c'était une grotte, et une pierre avait été placée au-dessus". Le mort qui se trouve sous la pierre, c'est le pécheur sous la loi. Vous le savez, la loi donnée
aux Juifs fut écrite sur la pierre (Ex 31, 18). Or, tous les pécheurs sont sous la loi; ceux qui vivent bien sont avec la loi. La loi n'est point établie pour le juste (1 Tm 1, 9). Que veulent
donc dire ces paroles: "Ecartez la pierre?" Elles veulent dire: prêchez la grâce. Car l'apôtre Paul se dit ministre du Nouveau Testament, non de la lettre, mais de l'esprit. "Car", dit-il,,"la
"lettre tue, et l'esprit vivifie (2 Co 3, 6)". La lettre qui tue est comme une pierre qui écrase. "Ecartez la pierre", dit-il, écartez le poids de la loi, prêchez la grâce. "Car, si la loi qui a
été donnée pouvait vivifier, alors vraiment la justice viendrait de la loi. Mais la loi écrite a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût, par la foi en Jésus-Christ, donnée en ceux
qui croient (Ga 3, 21-22)"; donc, "écartez la pierre".
23. Marthe, la soeur de celui qui était mort, lui dit: "Seigneur, il sent déjà mauvais; car il est là depuis quatre jours. Jésus lui dit: Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire,
de Dieu?" Qu'est-ce à dire, "tu verras la gloire de Dieu?" C'est-à-dire que ce mort enterré depuis quatre jours, et déjà tombé en putréfaction, il va le ressusciter. "Car tous ont péché et ont
besoin de la gloire de Dieu (Rm 3, 23)", et, "là où a abondé le péché, la grâce aussi a surabondé (Rm 5, 20)".