"Le carême est un temps propice s'il en est pour méditer sur la réalité du péché à la lumière de l'infinie miséricorde de Dieu, que le sacrement de la Pénitence manifeste dans sa forme la plus haute.
Ces paroles ont été prononcées par Benoît XVI dans un discours adressé le vendredi 7 mars 2014 aux participants d'un cours sur le sacrement de la réconciliation. C'est à la lumière de l'infinie miséricorde puissamment à l'oeuvre dans la résurrection de Lazare que nous pouvons méditer, en ce dernier dimanche de carême, sur ce sacrement qui nous est proposé tout au long de l'année, mais particulièrement durant cette semaine qui commence.
"Lazare" signifie : celui qui est "secouru par le Seigneur". Saint Thomas d'Aquin voyait en lui le type même de tous ceux qui ont la foi, mais qui souffrent de la maladie du péché et qui espèrent le secours de Dieu. Nous avons été baptisés "pour la rémission des péchés", comme nous l'affirmons dans notre profession de foi. Mais la vie nouvelle reçue au baptême et dans les deux autres sacrements de l'initiation (confirmation et eucharistie) ne suppriment pas "la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l'inclination au péché". Elles nous sont laissées pour que nous fassions nos preuves "dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ. Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler." (CEC 1426)
Le baptême est le "lieu principal de la conversion première et fondamentale. C'est par la foi en la Bonne Nouvelle et par le Baptême que l'on renonce au mal et qu'on acquiert le salut, c'est-à-dire la rémission de tous les péchés et le don de la vie nouvelle" (ibid. 1427).
Mais l'appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie de ceux qui ont été baptisés. "Cette seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l'Église" et elle "a aussi une dimension communautaire. Cela apparaît dans l'appel du Seigneur à toute une Église : 'Repens-toi !' (Ap 2, 5.16)" (ibid. 1428.1429).
Saint Ambroise dit des deux conversions que, dans l'Église, "il y a l'eau et les larmes : l'eau du Baptême et les larmes de la Pénitence". (ibid. 1429)
Lazare habite à Béthanie. Si "Lazare" signifie celui qui est "secouru par le Seigneur" et qu'il représente tous les baptisés avec leur fragilité par rapport à la maladie du péché, selon saint Thomas, "Béthanie" signifie "maison de l'obéissance". Le docteur angélique commente :
Par là est donné à entendre que si un malade obéit à Dieu, il peut être guéri facilement par lui, de même que le malade obéissant au médecin obtient le bienfait de la Santé plus facilement.
Et il cite l'exemple de Naaman, le Syrien, qui ne comprend pas pourquoi il se baignerait dans les eaux du Jourdain pour être purifié, alors que dans son pays, il y a des fleuves bien plus grands. Mais ses serviteurs insistent :
Père, si le prophète t'avait ordonné quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n'est-ce pas ? (2 R 5, 13)
Voilà pourquoi Naaman, le général syrien, obéit.
Aujourd'hui, l'eau du Jourdain, c'est le prêtre. Les fleuves de la Syrie, ce sont tous ceux que l'on appelle des "psys". C'est aussi toute la mentalité ambiante dans laquelle nous "baignons", qui perd de plus en plus le sens du péché et qui voudrait nous faire croire que le péché est une invention de l'Église.
Pourquoi faut-il se confesser ? Pourquoi faut-il aller dire ses péchés à un prêtre et pourquoi ne peut-on pas le faire directement avec Dieu ? Le péché existe-t-il vraiment ou est-ce une invention des prêtres pour que nous restions sages ? C’est Dieu lui-même qui nous fait comprendre qu’il est nécessaire de confesser ses péchés devant un prêtre :
En choisissant d’envoyer Son Fils dans notre chair, il montre qu'il veut nous rencontrer à travers un contact direct qui passe par les signes et les langages de notre condition humaine. De même qu’Il est sorti de lui-même par amour pour nous et est venu nous "toucher" par sa chair, nous sommes nous aussi appelés à sortir de nous-mêmes par amour pour Lui et à aller humblement et dans la foi vers celui qui peut nous donner le pardon en Son nom, par la parole et le geste. (Mgr Forte)
Celui qui croit sait bien qu'il peut, dans ce sacrement, faire une rencontre personnelle avec Dieu et faire une expérience vivante de sa miséricorde. On ne se confesse pas pour "vider son sac", mais celui qui, humblement et sincèrement, reconnaît ses péchés connaîtra la paix au-dedans de lui-même. Il aura le cœur touché par un amour qui guérit, qui vient d’en haut et nous transforme.
Dans son discours, déjà évoqué au début, Benoît XVI mentionne deux tendances qui se manifestent assez fréquemment et qui empêchent de faire cette expérience :
Le temps du carême, dans lequel nous nous trouvons, nous rappelle que notre vie chrétienne doit tendre toujours à la conversion et lorsque l'on a souvent recours au sacrement de la Réconciliation, l'aspiration à la perfection évangélique reste vivante chez le croyant. Si cette aspiration incessante disparaît, la célébration du sacrement risque hélas de devenir quelque chose de formel qui n'a pas d'incidence sur le tissu de la vie quotidienne. D'autre part, si, tout en étant animés par le désir de suivre Jésus, on ne se confesse pas régulièrement, on risque peu à peu de ralentir le rythme spirituel jusqu'à l'affaiblir toujours davantage et peut-être même l'éteindre.
Saint Augustin, dans son commentaire de la parole de Jésus, pleine d'autorité, "Lazare, viens dehors !", s'écrie :
La voix du Seigneur a été entendue par Lazare à travers la pierre : qu'elle pénètre nos coeurs de pierre.
Et saint Thomas d'Aquin :
Il crie donc en disant : Lazare, viens dehors ! Il appelle celui-ci par son nom propre, parce que si grande était la puissance de sa voix qu’ensemble tous les morts auraient été contraints de sortir si, par l’expression du nom, il n’eût pas déterminé sa puissance vers un seul (...) Aussi est-il donné par là à entendre que le Christ appelle les pécheurs à sortir de la fréquentation du péché.
Puissions-nous, nous aussi entendre la voix du Christ nous réveiller d'un sommeil mortifère, et sortir de nos tombeaux pour nous laisser délier des bandelettes de nos péchés, selon ce que dit Jésus à ses apôtres le soir de Pâques :
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. (Jn 20, 23)