« Servir, c’est tout ce qui compte : servir l’Église, le monde »
ROME, Mardi 22 janvier 2008 (ZENIT.org) - « Servir, c'est tout ce qui compte : servir l'Église, le monde », or, « le service désintéressé, inconditionnel, trouve la source de sa force en Dieu seul », a déclaré le P. Adolfo Nicolas, nouveau préposé de la Compagnie de Jésus, dans son homélie du 21 janvier, lors de la messe d'action de grâce en l'église - « mère » - du « Gesù », à Rome, au cœur de la 35e Congrégation générale, qui l'a élu samedi dernier, 19 janvier 2008. Il disait aussi : « Ce qui compte, c'est la santé, le salut, la joie des pauvres. »
Le P. Nicolas évoque un épisode significatif d'une rencontre avec une femme des Philippines émigrée au Japon.
Rappelons qu'après avoir été provincial du Japon, il a passé quelques années, vers 2000-2004 au service d'immigrants philippins et autres au Japon. Et, avant
d'être provincial, il était également, aux Philippines, à l'Institut pastoral qui dessert toute la région. Il est particulièrement sensible à la réalité des « plus pauvres en Asie
».
Homélie du P. Nicolas, sj
Par dessus tout, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas d'un message au monde entier. Il s'agit plutôt d'une simple homélie; une réflexion, dans la prière, des lectures de ce jour pour nous, jésuites, ici présents en cet après-midi.
La première lecture, du prophète Isaïe, nous donne, à nous chrétiens, une brève description de notre mission dans le monde. Le prophète Isaïe nous dit que nous avons tous été appelés à servir, et que nous sommes ici pour cela précisément : servir. C'est un message clair, concernant notre mission en tant que jésuites, chrétiens, peuple de Dieu. Dieu fait de nous des serviteurs, et ce faisant, Dieu y trouve son plaisir. Dans la version espagnole de cette première lecture, nous lisons que Dieu est fier du serviteur, alors que la version italienne nous dit que Dieu « est satisfait ». Je crois que la version italienne est plus proche du sens biblique. Plus nous devenons serviteurs, et plus Dieu y trouve son plaisir. Je pense que nous devons conserver cette image lorsque nous retournerons chez nous aujourd'hui.
Les journaux et les magazines de ces derniers jours ont repris un bon nombre de clichés, notamment autour du Pape noir, du Pape blanc, du pouvoir, des rencontres, des discussions... Tout cela est si superficiel, artificiel ! Ce ne sont que les miettes pour ceux qui ont faim de jeux politiciens, pas pour nous.
Le prophète Isaïe dit que le service plaît à Dieu. Servir, c'est tout ce qui compte : servir l'Église, le monde, les hommes et les femmes autour de nous, et l'Évangile. Saint Ignace a aussi écrit, de manière plus concise, sur notre vie : en tout aimer et servir. Et notre Saint Père, le Pape Benoît XVI, nous a rappelé que Dieu est amour ; il nous ramène à l'essentiel de l'Évangile.
Un peu plus loin, le prophète Isaïe nous décrit la force du serviteur. La seule force du serviteur, c'est Dieu. Nous n'avons pas d'autre source de force : ce n'est ni dans la force extérieure que l'on peut trouver en politique, dans les affaires, dans les médias, dans les études, dans les honneurs, ni dans la force intérieure de la recherche. En Dieu seul. Comme pour les pauvres. Il y a peu, je parlais à l'un d'entre vous concernant quelque chose qui m'est arrivé alors que je travaillais auprès des immigrés. C'est une expérience qui m'a profondément marqué. Il s'agit d'une Philippine qui a eu beaucoup de difficulté à s'adapter à la société japonaise, une femme qui a beaucoup souffert. Une autre Philippine est venue lui demander conseil, et lui dit : « J'ai beaucoup de problèmes avec mon mari, et je ne sais si je dois divorcer ou essayer de sauver mon mariage... » En d'autres mots, elle voulait un conseil sur un sujet plutôt banal. La première répondit : « Je ne sais quoi vous conseiller en ce moment. Cependant, venez avec moi à l'église, que nous puissions toutes les deux prier, car Dieu vient vraiment au secours du pauvre. » Cette déclaration m'a touché car elle est vraie. Le pauvre n'a que Dieu pour trouver sa force. Pour nous, Dieu est notre force. Le service désintéressé, inconditionnel, trouve la source de sa force en Dieu seul.
Le prophète Isaïe, dans la lecture d'aujourd'hui, parle ensuite de santé. Notre message est un message de santé, de salut. Un peu plus loin, il met l'accent sur ce qui m'a le plus frappé, notamment que notre Dieu, notre foi, notre message et notre santé sont si grands qu'ils ne peuvent être enfermés dans une boîte, dans un groupe ou une communauté, fût-elle une communauté religieuse. L'enjeu concerne la Bonne Nouvelle du salut pour toutes les nations. C'est un message universel parce que le message est d'une ampleur énorme, un message que l'on ne peut ramener à des dimensions plus modestes.
Aujourd'hui nous avons toutes les nations réunies ici. Tous et chacun sont représentés ici. Cependant, des nations continuent à surgir. Je me demande aujourd'hui qui sont ces « nations », ces communautés non géographiques, ces communautés humaines, qui réclament notre aide : les pauvres, les marginalisés, les exclus. Dans notre univers mondialisé, le nombre des exclus absolus augmente. Les exclus sont diminués, car notre société n'a de place que pour le grand, pas pour le petit. Tous ceux qui sont désavantagés, manipulés, tous ceux-là sont peut-être pour nous ces « nations » : Les nations ont besoin du message prophétique de Dieu.
Hier, après l'élection, une fois passé le premier choc, il y eut le moment de l'aide fraternelle. Vous m'avez tous salué avec beaucoup d'affection, manifestant votre soutien et votre aide. L'un d'entre vous m'a murmuré à l'oreille : « N'oubliez pas les pauvres ! » C'est peut-être là la salutation la plus importante, comme lorsque Paul s'adresse aux Églises affluentes de son temps, leur demandant leur aide pour les pauvres de Jérusalem. N'oubliez pas les pauvres : ce sont eux, nos « nations ». Ce sont les nations pour lesquelles le salut est encore un rêve, un souhait. Il est peut-être au milieu d'elles, mais elles ne le savent pas.
Et les autres ? Les autres sont nos collaborateurs, s'ils partagent notre perspective, s'ils ont le même cœur que celui que le Christ nous a donné. Et s'ils ont un cœur encore plus grand, et une vision encore plus vaste, alors, nous serons leurs collaborateurs. Ce qui compte, c'est la santé, le salut, la joie des pauvres. Ce qui compte, c'est le réel, l'espoir, le salut, la santé. Et nous voulons que ce salut et cette santé soient une explosion de salut pour tous partout. C'est de cela dont parle le prophète Isaïe : Le salut doit atteindre et toucher tout le monde. Un salut selon le cœur, la volonté et l'Esprit de Dieu.
Nous allons continuer avec notre Congrégation générale. C'est peut-être de cela que nous aurons à discerner. En ce moment de notre histoire, où devons-nous focaliser notre attention, notre service, nos énergies ? En d'autres mots, quelle est la couleur, la tonalité, l'image du salut aujourd'hui pour ces nombreux peuples qui en ont besoin, ces nations humaines non géographiques qui réclament la santé ? Ils sont nombreux, ceux qui attendent un salut que nous avons encore à comprendre. Nous ouvrir à cette réalité, voilà le défi, l'appel du moment.
Et nous nous tournons vers l'Évangile. C'est ainsi que nous pouvons être de vrais disciples de l'Agneau de Dieu, Celui qui prend nos péchés et nous conduit à un monde nouveau. Et Lui, l'Agneau de Dieu, s'est révélé Serviteur, celui qui accomplit les prophéties d'Isaïe, le message des Prophètes. Son identité en tant que Serviteur en sera le signe, l'empreinte de notre propre mission, de l'appel auquel nous essayons de répondre ces jours-ci.
Prions ensemble pour cette manière de sentir la Mission de l'Église, afin que cela profite aux « nations » et non pas à nous-mêmes. À ces « nations » qui sont encore au loin, non pas géographiquement mais humainement, de manière existentielle. Que la joie et l'espérance qui viennent de l'Évangile soient une réalité avec laquelle nous pouvons œuvrer graduellement, avec beaucoup d'amour et de service désintéressé.
Traduction en français distribuée par le Bureau de Presse de la curie générale des Jésuites
Article du Père Nicolas dans la revue Concilium :
Adolfo Nicolás s.j., Christianisme en crise: l’Asie