Fleur d'Afrique, elle connut les angoisses de l'enlèvement et de l'esclavage, et s'ouvrit admirablement à la grâce en Italie, aux côtés des filles de Sainte Madeleine de Canossa.
La petite Mère Noire
À Schio (Vicenza) où elle vécut durant de nombreuses années, tous l'appellent encore «notre petite Mère noire».
Le procès pour la cause de canonisation commença douze ans après sa mort, et le 1er décembre 1978, l'Église publia le décret sur l'héroicité de ses vertus.
La divine Providence qui «prend soin des fleurs des champs et des oiseaux du ciel», a guidé cette esclave soudanaise, à travers d'innombrables souffrances, vers la liberté humaine et celle de la foi, jusqu'à la consécration de sa propre vie pour l'avènement du Royaume.
En esclavage
Bakhita n'est pas le prénom qu'elle reçut de ses parents à sa naissance. L'effroi éprouvé le jour où elle fut enlevée, provoqua quelques trous de mémoire. La terrible expérience lui avait fait également oublier son prénom.
Bakhita, qui signifie «fortunée, chanceuse», est le prénom qui lui fut donné par ses ravisseurs.
Vendue et revendue plusieurs fois sur les marchés de El Obeid et de Khartoum, elle connut les humiliations, les souffrances physiques et morales de l'esclavage.
Vers la liberté
Dans la capitale du Soudan, Bakhita fut rachetée par un Consul italien, Calliste Legnani. Pour la première fois, depuis le jour de son enlèvement, elle se rendit compte, avec une agréable surprise, que personne en lui donnant des ordres, n'utilisait plus le fouet, et qu'on la traitait même de façon affable et cordiale. Dans la maison du Consul, Bakhita connut la sérénité, l'affection et des moments de joie, peut-être même s'ils étaient encore voilés par la nostalgie de sa famille, perdue pour toujours.
Des événements politiques obligèrent le Consul à partir pour l'Italie. Bakhita demanda de partir avec lui et avec un de ses amis, Auguste Michieli.
En Italie
Arrivé à Gênes, Monsieur Legnani, suivant les demandes de l'épouse d'Auguste Michieli, accepta que Bakhita restât avec eux. Elle suivit sa nouvelle «famille» dans leur domicile de Zianigo (dans la banlieue de Mirano Veneto) et, quand naquit leur fille Mimmina, Bakhita en devint l'éducatrice et l'amie.
L'acquisition puis la gestion d'un grand hôtel à Suakin, sur la Mer Rouge, contraignirent Mme Michieli à déménager dans cette localité pour aider son mari. Entretemps, d'après un conseil de leur administrateur, Illuminato Checchini, Mimmina et Bakhita furent confiées aux Sœurs Canossiennes de l'Institut des catéchumènes de Venise. Et c'est là que Bakhita demanda et obtint de connaître ce Dieu que depuis son enfance «elle sentait dans son cœur sans savoir qui Il était».
«Voyant le soleil, la lune et les étoiles, je me disais en moi-même : Qui est donc le Maître de ces belles choses ? Et j'éprouvais une grande envie de le voir, de le connaître et de lui rendre mes hommages».
Fille de Dieu
Après quelques mois de catéchuménat, Bakhita reçut le Sacrement de l'Initiation chrétienne et donc le nouveau nom de Giuseppina. C'était le 9 janvier 1890. Ce jour-là, elle ne savait pas comment exprimer sa joie. Ses grands yeux expressifs étincelaient, révélant une émotion intense. Ensuite on la vit souvent baiser les fonts baptismaux et dire : «Ici, je suis devenue fille de Dieu !».
Chaque nouvelle journée la rendait toujours plus consciente de la façon dont ce Dieu, qui maintenant la connaissait et l'aimait, l'avait conduite à lui par des chemins mystérieux, la tenant par la main.
Quand Madame Michieli revint d'Afrique pour reprendre sa fille et Bakhita, celle-ci, avec un esprit de décision et un courage insolites, manifesta sa volonté de rester avec les Mères Canossiennes et de servir ce Dieu qui lui avait donné tant de preuves de son amour.
La jeune africaine, désormais majeure, jouissait de la liberté d'action que la loi italienne lui assurait.
Fille de Madeleine
Bakhita demeura dans le catéchuménat, où se fit plus clair pour elle l'appel à se faire religieuse, à se donner entièrement au Seigneur dans l'Institut de Sainte Madeleine de Canossa.
Le 8 décembre 1896, Giuseppina Bakhita se consacra pour toujours à son Dieu qu'elle appelait, usant une douce expression: «Mon Maître !».
Durant plus de cinquante ans, cette humble Fille de la Charité, vrai témoin de l'amour de Dieu, vécut en s'adonnant à diverses occupations dans la maison de Schio : elle fut, en effet, cuisinière, lingère, brodeuse, concierge.
Lorsqu'elle se dédia à cette dernière tâche, ses mains se posaient avec douceur sur la tête des enfants qui fréquentaient chaque jour l'école de l'Institut. Sa voix aimable, qui rappelait les berceuses et les chants de sa terre natale, se faisait agréable pour les petits, réconfortante pour les pauvres et les souffrants, encourageante pour tous ceux qui frappaient à la porte de l'Institut.
Témoignage d'amour
Son humilité, sa simplicité et son sourire constant conquirent le cœur de tous les habitants de Schio. Les Sœurs l'estimaient pour sa douceur inaltérable, sa bonté exquise et son profond désir de faire connaître le Seigneur.
«Soyez bons, aimez le Seigneur, priez pour ceux qui ne le connaissent pas. Considérez cette grande grâce de connaître Dieu !».Arriva la vieillesse, puis la maladie longue et douloureuse, mais Mère Bakhita continua à donner un témoignage de foi, de bonté et d'espérance chrétienne. À qui lui rendait visite et lui demandait comment elle se portait, elle répondait souriante :
«Comme le veut le patron».
La dernière épreuve
Dans l'agonie, elle revécut les jours terribles de son esclavage, et, à maintes reprises, elle supplia l'infirmière qui l'assistait :
«Lâchez un peu les chaînes... elles me font mal !».
Ce fut la très Sainte Vierge Marie qui la libéra de toute souffrance.Ses dernières paroles furent : «Notre Dame ! Notre Dame !», tandis que son ultime sourire témoignait de sa rencontre avec la Mère du Seigneur.
Mère Bakhita s'est éteinte le 8 février 1947 dans la maison de Schio, entourée de la communauté en pleurs et en prières. Une foule accourut rapidement à la maison de l'Institut pour voir une dernière fois leur «petite Mère noire» et lui demander la protection du ciel. Sa réputation de sainteté s'est désormais répandue sur tous les continents.
Immédiatement, les gens accourent sur sa tombe, et beaucoup de grâces y sont obtenues
La montée vers les autels
Le corps de Bakhita, d’après les témoignages recueillis à l’époque, reste tiède et souple jusqu’au moment de la fermeture du cercueil. Un père de famille, chômeur, demande, devant le cercueil d’avoir du travail : il retourne quelques heures plus tard, en racontant qu’il en avait trouvé. Les miracles commencent. En 1950, déjà, trois ans seulement après sa mort, le bulletin Canossien publie 6 pages de noms de personnes qui attestent qu’elles ont reçu des grâces par l’intercession de Bakhita.
Le procès ordinaire en vue de la Béatification se déroule à Vicence entre 1955 et 1957. Le procès apostolique se tient en 1968-1969. Au mois de septembre 1969, le corps de Bakhita est exhumé et transporté au cimetière de Schio, à l’Institut des Filles de Charité où elle avait vécu.
Jean Paul II signe de Décret sur l’héroïcité des vertus de Joséphine Bakhita le 1er décembre 1978, et, le 6 juillet 1991, le Décret de Béatification. Le 17 mai 1992, Joséphine Bakhita est proclamée Bienheureuse, et le dimanche octobre 2000, Jean Paul la canonise au cours d’une Messe solennelle célébrée sur la Place Saint-Pierre : elle est la première Sainte soudanaise.
Le Pape dira à cette occasion :
« Cette sainte fille d'Afrique, montre qu'elle est véritablement une enfant de Dieu : l'amour et le pardon de Dieu sont des réalités tangibles qui transforment sa vie de façon extraordinaire ».