La résurrection des morts est essentielle à l'eschatologie du Nouveau Testament.
Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6, 39-40)
Elle est indissociable de la résurrection du Christ :
S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. (1 Co 15, 13.12-33)
Si, dans certains textes, il semblerait, ou pourrait sembler, que seuls les justes ressusciteront pour la vie, saint Jean est formel en sens contraire :
... ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés. (Jn 5, 29 ; cf. aussi : Ap 20, 5-6)
Il est vain d'essayer de se représenter un événement qui n'appartiendra pas à l'univers historique, dans lequel nous imaginons et nous pensons, mais à l'univers nouveau, eschatologique. Ce qui ne signifie pas qu'il ne doive pas être réel : car les temps eschatologiques seront pleinement réels, consommation et épanouissement de toute la réalité du monde.
Ce que l'on peut faire, c'est proposer une interprétation intelligible, théologique du "comment" de cet événement. Interprétation qui doit à la fois en sauvegarder la réalité, et montrer cette réalité dans un au-delà de l'imagination et même de la pensée.
Réalité : ressusciter un être, c'est lui rendre la vie après qu'il l'ait perdue. Cela implique que cet être qui a perdu la vie existe encore. Pour exclure les imaginations ridicules de la reprise d'un corps depuis longtemps corrompu, dissous, disparu, on doit faire appel à une anthropologie à la fois réaliste et spiritualiste. La personne humaine est composée de l'âme spirituelle et de la matière, dont elle est la "forme" : c'est-à-dire que c'est l'âme qui organise la matière en un corps humain qu'elle vivifie et unifie. Par elle, le corps est constitué comme un corps humain, et ce corps humain individuel, le corps de cette personne. On peut alors admettre et comprendre qu'à l'âme, qui a survécu à la séparation en quoi a constitué la mort, est donnée une matière à informer, dont elle fait le corps même de cette personne, le corps avec lequel elle a vécu, mérité, péché.
Réalité eschatologique : il ne s'agit pas de rendre au corps la vie qu'il avait auparavant (en ce sens il est vrai de dire que la résurrection n'est pas la réanimation d'un cadavre). C'est une vie toute nouvelle, différente de la vie terrestre, inimaginable, irreprésentable, et pourtant une vraie vie, car sans cela ce ne serait pas une vraie résurrection. Sur ce point, la réponse de Jésus aux sadducéens est formelle :
À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans le ciel. (Mt 22, 30)
Sur cette existence "eschatologique" nous avons les paroles mystérieuses de saint Paul :
Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Ce qui est semé périssable ressuscite impérissable ; ce qui est semé sans honneur ressuscite dans la gloire ; ce qui est semé faible ressuscite dans la puissance ; ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel ; car s’il existe un corps physique, il existe aussi un corps spirituel. L’Écriture dit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. (1 Co 15, 42-48)
Prétendre que pour saint Paul le corps ressuscité est "pur esprit" serait méconnaître complètement la place qu'il reconnaît au corps comme constitutif de la personne, et la nouveauté de la résurrection par rapport à l'état où la personne a été mise par la mort. On peut dire que ce n'est pas un "corps biologique", dans le même sens que nous avons dit qu'il ne s'agit pas de réitérer la vie terrestre. "Corps spirituel", ou "corps céleste", ou encore corps de gloire2 cela signifie : le corps tout transparent à l'esprit et à la gloire qui remplira la vie des justes. Corps "spiritualisé", pure manifestation et support ontologique de l'âme, ne s'alourdissant pas, ne l'enfermant plus dans son opacité, comme il l'a fait dans la vie terrestre . Un corps entièrement soumis à l'esprit. On ne peut guère en dire davantage.
1. Cette manière d'interpréter la résurrection des corps à la fin des temps ne saurait valoir pour la résurrection du Christ (et pour la Très Sainte Vierge). Son corps n'a pas connu la décomposition. C'est ce corps enseveli, mort, qui est sorti vivant du tombeau, qui est sorti vivant du tombeau : Il n'est pas ici (Mt 28, 6 et //). En outre (pas pour la Vierge Marie) il y a l'union hypostatique, qui fait du corps et de l'âme de Jésus le corps et l'âme du Verbe. L'âme sur la croix s'est dissociée du corps, et ce fut une mort véritable, mais le cadavre inanimé de Jésus était encore le corps du Verbe : c'est pour cela qu'il ne pouvait être abandonné à la décomposition. Pour cela, il fallait qu'il soit de nouveau, en son individualité, uni à l'âme.
Par contre, du Christ ressuscité, il est vrai de dire que la vie qu'il a reçue à la résurrection est une vie nouvelle, qu'il est entré le premier dans une existence autre, l'existence eschatologique, en laquelle à sa suite, avec lui doivent entrer ceux qui croient en lui.
2. Ph 3, 21.