Illustration : virgo-maria.net
Les eschata sont les "événements derniers" de l'histoire du salut. L'eschatologie est la partie de la théologie qui, à la lumière de ce qui en est dit dans l'Écriture et la Tradition de l'Église, s'efforce de réfléchir sur ces événements, pour mieux les connaître, certes, mais aussi, et surtout, pour achever de connaître l'histoire du salut dont ils seront l'ultime accomplissement. La théologie "classique", contrairement à ce que le cardinal Ratzinger déplorait à propos de la théologie "moderne" (ICI) s'est beaucoup occupée des "fins dernières", mais peut-être de façon non eschatologique1, c'est-à-dire plus comme une détermination de ce qui doit arriver, que comme donnant sens et orientation à la vie actuelle de l'Église, comme nous y invite Vatican II :
L'Église à laquelle nous sommes tous appelés dans le Christ, et dans laquelle nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu, n'aura sa consommation que dans la gloire céleste, lorsque viendra le temps où toutes choses seront renouvelées (Ac 3, 1) et que, avec le genre humain, tout l'univers lui-même, intimement uni avec l'homme et atteignant pas lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection (cf. Ep 1, 10; Col 1, 20, 2 P 3, 10-13)2.
Née de l'amour du Père éternel, fondée dans le temps par le Christ rédempteur, rassemblée dans l'Esprit Saint, l'Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir3.
On a reproché aussi à la théologie "classique" d'avoir considéré les "fins dernières" presque exclusivement du point de vue de la destinée individuelle :
Par les sacrements que lui distribue l'Église et qui doivent faire de lui le membre toujours plus vivant et plus libre de ce grand Corps, par la grâce qui lui vient toujours par la communauté et en vue de cette communauté, le chrétien s'achemine à sa fin dernière. Là, un certain individualisme ne va-t-il pas reprendre ses droits ? Comment encore parler du caractère social d'une doctrine qui enseigne, avec la survie de l'âme individuelle, sa rémunération immédiate et son ascension, aussitôt achevées les purifications nécessaires, à la vison de l'Essence divine ?
On le doit cependant, et plus que jamais. Ce que nous avons vu plus haut sur l'Église et le Corps mystique, le laisse assez entendre. Tout ici-bas, et l'Église elle-même, est pour les élus : mais les élus sont bien moins encore que les chrétiens sur terre des isolés. La "gloire" est l'épanouissement de la "grâce", et la vision béatifique marque la consommation du mystère d'unité dont la création fut le prélude. "Nous sommes tous un dans le Christ Jésus. Et si la foi, par laquelle on avance dans le chemin de cette vie, accomplit déjà cette merveille, combien plus parfaitement la vison portera cette unité à son comble, lorsque nous verrons face à face (Eph 2, 19 ; He 13, 14, Ap 3, 12 ; 20, 9 ; 21, 2).
Il s'agit pourtant de ne pas tomber dans l'excès inverse, et de passer sous silence l'aspect personnel de l'eschatologie. La communauté ne se réalise que dans les personnes, et sa consommation sera aussi l'accomplissement des destinées personnelles. Sinon, l'eschatologie deviendrait désincarnée.
Vatican II n'a nullement passé sous silence cet aspect de l'eschatologie qui demeure, lui aussi, essentiel :
... avant de régner avec le Christ glorieux, tous nous devons être mis à découvert "devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive le salaire de ce qu'il aura fait pendant qu'il était dans son corps, soit en bien soit en mal" (2 Co 5, 10) ; et à la fin du monde "les hommes sortiront du tombeau, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation (Jn 5, 29 ; cf. Mt 25, 46)5.
N.B.: Pour cette partie de mon exposé je suis redevable à mon professeur de théologie dogmatique, feu le père Jean-Hervé Nicolas o.p. (+2001), Synthèse dogmatique. De la Trinité à la Trinité, Éditions universitaires de Fribourg/Beauchesne, Fribourg/Paris, 1985 pp. 557 ss. Merci de prier pour le repos de son âme.
______________________________
1. Cf. Yves M. H. Congar, Sainte Église. Etudes et approches ecclésiologiques, (Collection Unam Sanctam, 41) 1963, p. 601.
2. L.G. 48
3. G.S. 40
4. Cardinal Henri de Lubac, Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme, Oeuvres complètes VII, Troisième section : Église, Éditions du Cerf 2003, p. 85
5. L.G. 48