Elles sont dix; elles sont vierges; elles tiennent une lampe à huile à la main. Autant de touches symboliques qui nous aident à brosser un tableau du Royaume. Mais en fait, les jeunes filles ne sont qu'un élément de la parabole; l'ensemble de l'histoire nous apprend qu'il en est du Royaume des cieux comme d'une noce. La parabole ne fait que dévoiler un trait particulier du Royaume, à savoir l'attente de l'Église. Les jeunes filles symbolisent la communauté chrétienne. Ces jeunes filles portent des lampes, sans doute des torches imbibées d'huile pour danser aux noces de l'époux. Dans le judaïsme, l'huile symbolise les bonnes œuvres, mais aussi la joie de l'accueil. Enfin, le chiffre dix est le chiffre de l'action humaine (dix doigts). L'Époux vient dans le quotidien de la vie auprès d'hommes qui sont aux champs (24, 40) et de femmes qui s'activent à la meule (v. 41)...
Cinq des jeunes filles sont prévoyantes, les cinq autres sont insensées. La traduction de ces deux adjectifs est difficile, mais pleine d'enseignements. La Bible qualifie de prévoyant (d'avisé) l'homme ouvert au mystère de Dieu, alors que l'insensé se dit de l'impie qui s'oppose à la loi divine et va jusqu'à dire dans son cœur: Il n'y a pas de Dieu (Ps 14, 1). Ce n'est pas la première fois que saint Matthieu utilise ces qualificatifs. Il appelle prévoyant l'homme qui bâtit sa maison sur le roc, tandis que celui qui construit sur le sable n'est qu'un homme stupide ((7, 24). La parabole divise donc la communauté chrétienne en sages et en sots: il y a ceux qui font la volonté du Père et ceux qui n'en font qu'à leur tête. L'idée première de la parabole est que Jésus reconnaîtra pour siens ceux qui auront fait la volonté de son Père. L'obéissance à la volonté du Père constitue, aux yeux de Matthieu, l'essentiel de l'enseignement de Jésus. Le thème de la vigilance prend, dès lors, une coloration bien spécifique: une simple remarque de bon sens permet de dire que le thème de la vigilance est secondaire, car ce sont bien les dix jeunes filles qui se sont endormies!
Sous peine de sombrer dans le moralisme, il faut cependant revenir aux symboles. Le signe de l'huile est particulièrement évocateur à ce propos. S'il envoie à la joie de l'accueil, il mesure en fait la qualité de l'amour de celles qui veillent. Il est significatif que les vierges insensées doivent recourir aux marchands pour renouveler leur provision d'huile. L'amour avec lequel elles accueillent l'Époux vient en droite ligne d'une ... boutique! Révélatrice aussi est l'incapacité de leurs compagnes sensées à partager leur huile: c'est qu'on ne peut être vigilant à la place d'un autre, quand il s'agit du cœur.
Mais l'essentiel est évidemment la venue de l'Époux. C'est alors que se révèle le comportement d'une communauté pendant le temps de l'attente. La rencontre entre Dieu et l'homme se vit toujours dans un alliance d'amour. Il faut relever le fait que l'Époux vient au milieu de la nuit. Le thème est fréquent dans le N.T. Sachons qu'il fait écho à une espérance attestée dans le Targum palestinien (un écrit rabbinique). L'auteur y évoque les quatre nuits fondamentales de l'histoire des hommes: celle où Dieu créa le monde, celle où Abraham offrit son fils en holocauste, celle de la Pâque où le peuple sortit d'Égypte, la quatrième enfin qui est celle des temps eschatologiques. En fixant la venue de l'Époux au milieu de la nuit, Matthieu appelait la nuit de l'Alliance éternelle. La parabole des dix vierges devenait une "parabole pascale".