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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Moins de naissances et plus d'immigrés. La "révolution démographique" par la valise

Publié par dominicanus sur 29 Octobre 2010, 02:06am

Catégories : #actualités

Est-ce l'immigration qui sauvera l'Occident du déclin économique? Les jésuites de "La Civiltà Cattolica" sont confiants. Le banquier du Vatican, Gotti Tedeschi, est sceptique. Chronique d'une controverse sur l'avenir du monde. Et sur le contrôle de la natalité 


GianPaolo-Salvini.jpg


ROME, le 29 octobre 2010 – D’après le professeur Ettore Gotti Tedeschi, économiste et banquier, président de l'Institut pour les Œuvres de Religion, la banque du Vatican, la cause première de la crise économique de l'Occident est la chute de la natalité.

Cela fait longtemps que Gotti Tedeschi soutient cette thèse, avec beaucoup de vigueur. Et il en donne les arguments à l’occasion de conférences fréquentes ou dans des articles publiés dans "L'Osservatore Romano".

Mais il y a des gens qui continuent à penser que ce n’est pas la diminution des naissances mais leur augmentation incontrôlée qui bloque le développement économique. L’un des plus ardents propagandistes de cette thèse néo-malthusienne est un professeur de sciences politiques réputé, Giovanni Sartori, qui enseigne à New-York depuis de nombreuses années. Éditorialiste vedette du plus grand quotidien italien, le "Corriere della Sera", il attaque fréquemment dans ses colonnes l’Église catholique à laquelle il reproche de pousser à "une croissance démographique irresponsable" qui ne peut amener que des catastrophes.

Les deux thèses sont opposées et tout à fait inconciliables. 

D’après Gotti Tedeschi, même une compensation de la chute de la natalité par l’immigration ne suffirait pas à résoudre la crise économique dans les pays occidentaux.

Mais tout le monde n’est pas en plein accord avec lui sur ce point. Pas seulement chez les démographes, mais même au sein de ce "think tank" du Saint-Siège qu’est "La Civiltà Cattolica", la revue des jésuites de Rome, dont les épreuves sont, en application de ses statuts, relues et contrôlées par la secrétairerie d’état du Vatican avant impression.

Le jésuite GianPaolo Salvini (photo), directeur de cette revue qui fait autorité, a consacré onze pages de "La Civiltà Cattolica" du 2 octobre à la présentation d’un livre écrit par deux démographes. Ceux-ci montrent dans leur ouvrage, chiffres en main, que la population de l’Italie n’est pas du tout en déclin, mais qu’elle vit au contraire une nouvelle "révolution démographique", dans laquelle la forte immigration, l'augmentation de la durée de vie, la reprise de la natalité, la bonne tenue des liens parents-enfants, agissent les uns sur les autres de manière positive.

Les auteurs du livre sont Francesco C. Billari, de l’université Bocconi de Milan, et GianPiero Dalla Zuanna, de l’université de Padoue ; ce dernier a également écrit un essai sur le contrôle des naissances dans la pratique pastorale de l’Église que www.chiesa a présenté en septembre dernier.

Ce livre que le père Salvini présente de manière nettement favorable est :

F.C. Billari, G. Dalla Zuanna, "La rivoluzione nella culla. Il declino che non c’è", Università Bocconi Editore, Milan, 2009.

L'Italie est un sujet d’étude de première importance, parmi les pays occidentaux, en ce qui concerne les évolutions démographiques et les flux migratoires. Le 27 octobre, commentant dans le "Corriere della Sera" le dernier rapport annuel de Caritas-Migrantes sur l'immigration, qui avait été publié la veille, le professeur Dalla Zuanna écrivait :

"Il y a aujourd’hui cinq millions et demi d’étrangers qui vivent en Italie, soit onze fois plus qu’en 1990. Cette croissance a des conséquences profondes sur la démographie, l’économie, la société et la culture. Le vieillissement est ralenti, parce que l’âge moyen de ces étrangers est de 30 ans, contre 45 ans pour les Italiens. Aujourd’hui les jeunes étrangers remplacent les enfants que les parents italiens n’ont pas voulu ou pas pu avoir".

Mais il ajoutait tout de suite, prudemment :

"Il est difficile de dire dans quelle mesure les étrangers influencent le développement économique".

Quant au père Salvini, une preuve de sa compétence en la matière a été apportée par la publication, au printemps, d’un livre qu’il a écrit en collaboration avec un économiste de l'université de Chicago et le directeur éditorial du groupe Il Sole 24 Ore :

GianPaolo Salvini, Luigi Zingales, Salvatore Carrubba, "Il buono dell'economia. Etica e mercato oltre i luoghi comuni", Università Bocconi Editore, Milan, 2010.

Vers la fin du compte-rendu qu’il a consacré à l’essai de Billari et Dalla Zuanna, le directeur de "La Civiltà Cattolica" soutient que, pour faire croître l’économie, la croissance démographique devrait être en tout cas "modérée", en recourant à la "procréation responsable" recommandée par le magistère de l’Église et dernièrement par l'encyclique "Caritas in veritate".

On trouvera ci-dessous un extrait du compte-rendu du père Salvini, publié dans le cahier 3847 de "La Civiltà Cattolica", du 2 octobre 2010. 



DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE ET IMMIGRATION EN ITALIE

par GianPaolo Salvini



La thèse de fond [des démographes Francesco C. Billari et Gianpiero Dalla Zuanna] est que la population italienne, dans son ensemble, n’est pas du tout en déclin, pas même du point de vue statistique, grâce à l’immigration massive de gens venus de l’étranger. [...]

En juin 2008, l’Italie comptait 60,3 millions d’habitants (si l’on inclut les étrangers en attente de régularisation), soit presque 3 millions de plus que dix ans plus tôt. Dans certaines villes, comme Milan, Turin et Florence, la fécondité est de 40 à 50 % plus élevée qu’au milieu des années 90. "Au cours des dix dernières années, la rapidité du vieillissement a diminué, en dépit de l’augmentation continue de l’allongement de la vie des personnes âgées, grâce à l’arrivée de trois millions de jeunes citoyens, provenant souvent de pays lointains. [...] Ce qui se passe aujourd’hui et les tendances pour l’avenir immédiat donnent à penser qu’une révolution démographique en bonne et due forme a commencé et se développe aujourd’hui dans les berceaux. C’est bien cela : une révolution, pas un déclin. Au moins pendant les vingt ou trente prochaines années, de puissants mécanismes seront à l’œuvre et permettront à la population italienne de se renouveler, sans vieillir d’une manière socialement insoutenable. [...]

Alors comment se fait-il que la majorité des observateurs continue au contraire à parler de déclin démographique et à souligner l’inévitable déséquilibre qui est en train de se produire entre la population en âge de travailler et les retraités ? Cela vient principalement de ce que ces observateurs s’appuient sur des prévisions erronées, à commencer par celles du département de l’ONU chargé de la population. [...]

D’après les deux démographes, les projections indiquées ne sont pas dignes de foi. En premier lieu parce que la population initiale est largement sous-estimée, du fait que l’on ne tient pas compte des étrangers en situation irrégulière mais présents de manière stable en Italie. Qu’on le veuille ou non, ils seront presque tous régularisés tôt ou tard, comme cela a toujours été le cas au cours des quinze dernières années. Mais aussi parce que l'ONU suppose que, au cours des vingt prochaines années, 140 000 immigrés entreront chaque année en Italie, alors que, entre 1999 et 2004, il y a eu environ 300 000 entrées par an en Italie, et que ce chiffre s’est maintenu pendant les trois années suivantes. Si cette tendance se maintient, il n’y aura de diminution ni du nombre de travailleurs ni de celui des moins de 20 ans, même si le nombre de personnes âgées continue à augmenter en raison de l’allongement progressif de la durée moyenne de vie et du fait que les nombreux enfants du baby boom, nés entre 1950 et 1970, arriveront à l’âge de la retraite. [...]

Voilà pourquoi beaucoup de gens estiment que l’immigration est un frein au développement économique ou, au mieux, un remède, insuffisant, pour compenser le blocage des mécanismes normaux de renouvellement de la population, c’est-à-dire la natalité et la mortalité, encore considérées en beaucoup de langues comme les deux seules composantes "naturelles" de l’évolution démographique. Mais lorsque les chercheurs "parlent de renouvellement naturel ou de renouvellement migratoire, ils formulent plus ou moins consciemment un jugement de valeur ('pour la démographie un enfant qui naît, c’est mieux qu’un immigré') et ils jouent avec le feu des préjugés racistes et nationalistes". [...] Il est bon aussi de rappeler le passé de l’Italie, puisqu’elle a toujours connu de profonds brassages de population, soit d’une région à l’autre, soit provenant de l’étranger : des Allemands dans différentes vallées des Alpes, des Grecs et des Albanais dans le sud, etc. La thèse soutenue par le livre que nous présentons est qu’"une population fermée aux modèles migratoires, avec moins de deux enfants par femme, est inévitablement vouée au vieillissement et – à la longue – à la disparition, même quand la mortalité est très faible".

À ce qui vient d’être dit, on peut ajouter que non seulement le phénomène de l’immigration en provenance des pays pauvres s’est produit plus tardivement en Italie que dans d’autres pays européens (dont quelques uns étaient d’ailleurs déjà habitués à recruter dans leurs colonies de la main d’œuvre non qualifiée), mais qu’il s’est produit avec une rapidité tout à fait imprévue, ce qui constitue un véritable record. 210 000 étrangers résidant en Italie avaient été recensés en octobre 1981, dont seulement 60 000 nés dans des pays plus pauvres que l’Italie. À la mi-2008 plus de 4 millions d’étrangers vivaient de manière stable en Italie, provenant presque tous de pays pauvres. [...] Les zones où existe un fort flux d’immigrés sont souvent les plus dynamiques [du point de vue économique] et ce dynamisme est destiné à se maintenir. En Vénétie les étrangers représentaient un tiers des nouveaux embauchés en 2007. On comprend facilement que dans les régions où vivent beaucoup de gens aisés il y ait de la demande pour une main d’œuvre qui exerce les activités que le bien-être acquis permet d’éviter mais qui sont indispensables pour vivre agréablement : le ménage, la cuisine, le lavage des vêtements, etc.

Même si l’on peut déplorer ce phénomène à bien des points de vue, il est probable que les Italiens continueront à avoir un petit nombre d’enfants, c’est-à-dire moins de 1,5 par femme. [...] Qu’on le veuille ou non, le renouvellement de la population italienne sera donc assuré par les étrangers immigrés. [...] Le problème qui se pose est de savoir si ce flux se maintiendra encore au cours des vingt prochaines années.

Il ne manque pas de gens qui envisagent des solutions pour remplacer l’immigration, ou au moins la compléter. Par exemple, retarder de plusieurs années l’âge du départ en retraite, aider les femmes à rentrer sur le marché du travail même après la naissance de leurs enfants, ou encore augmenter drastiquement la productivité (c’est-à-dire la quantité de produit fournie par chaque travailleur) de manière à diminuer les besoins des entreprises en main d’œuvre. Mais, d’après les démographes, ces trois possibilités, dont aucune ne doit être négligée, ne seront pas suffisantes pour suppléer au manque de travailleurs. En plus des besoins des entreprises, il y a le problème social du paiement des retraites dans un système où elles sont payées par les gens qui sont actuellement au travail. Le nombre de retraités va certainement augmenter de manière significative, ce qui rendra indispensable un élargissement de la base de travailleurs actifs, puisqu’il n’est pas raisonnable d’imaginer une baisse drastique du niveau des retraites. En effet le corps électoral vieillit et il réagirait énergiquement à une réduction substantielle de ses retraites.

Bien entendu on peut toujours compter sur une reprise de la natalité à brève échéance, mais cette augmentation ne modifierait pas le cadre des prochaines années, caractérisé par une réduction dramatique de la population italienne en âge de travailler. En effet ces enfants issus de la remontée de la natalité arriveraient en tout état de cause sur le marché du travail après 2030 et, dans l’intervalle, il se pourrait au contraire que l’on ait besoin de nouveaux travailleurs étrangers si la reprise de la natalité éloignait du marché du travail un nombre significatif de femmes ou si elle faisait augmenter la demande de travail domestique.

D’après ce que nous avons dit, il paraît inévitable que, pendant les deux prochaines décennies, l’Italie doive accueillir annuellement près de 300 000 immigrés âgés de 20 à 59 ans, c’est-à-dire autant qu’il en est entré chaque année au cours de la dernière décennie. [...] Si l’arrivée de travailleurs étrangers est inévitable – mises à part les considérations humanitaires et chrétiennes évoquées à maintes reprises par le pape et beaucoup d’évêques – il sera bon d’être prévoyants. Voilà pourquoi nous avons cherché à nous exprimer de manière "laïque". Bien sûr il ne s’agit pas d’accueillir tous ceux qui veulent venir ni de consentir à la formation de ghettos dans notre pays. Et encore moins d’être accueillants ou tolérants envers des gens qui ne se conforment pas à notre mode de vie, ne respectent pas les lois civiles et pénales du pays ou ne veulent pas en parler la langue. Mais, s’ils ont l’intention de rester, il est bon de les aider à s’intégrer le mieux possible. [...]

Le problème humain et social de la diminution du nombre d’enfants, auquel le professeur Ettore Gotti Tedeschi, par exemple, a souvent fait allusion, existe sûrement. Il s’agit certainement d’une composante qui a modifié profondément la structure humaine et productive de notre société. Dans le cadre d’une polémique avec cet économiste, le professeur Giovanni Sartori a nié, un peu trop drastiquement, toute corrélation entre la croissance démographique et la croissance économique. En revanche il semble qu’il y ait, y compris sur la base de l’expérience historique passée et actuelle, un certain consensus entre les démographes et les économistes pour affirmer l’existence d’une corrélation entre la croissance économique et une croissance démographique constante mais modérée. Ce n’est pas pour rien que l’encyclique "Caritas in veritate", qui est certainement un texte en faveur de la vie, parle de la nécessité de "prêter l’attention due à une procréation responsable " (n. 44), c’est-à-dire qui n’est pas pratiquée au petit bonheur la chance.

Une chute drastique et irrésistible de la démographie a toujours accompagné les périodes de déclin des diverses civilisations. À moins – si un grand pays n’arrive pas à trouver en lui-même la foi en l’avenir et les conditions qui l’incitent à faire plus d’enfants, ne serait-ce que pour conserver l’équilibre démographique – qu’il ne s’ouvre de façon humaine et correcte à l’immigration d’autres peuples, comme cela se produit en Italie, de façon assez contradictoire et spontanée pour le moment. Mais même cette solution n’est pas indolore, comme nous avons cherché à le démontrer, et elle demande une prévoyance et un courage, que nous, Italiens, n’avons pas été capables de trouver jusqu’à présent.



La revue des jésuites de Rome qui a publié le compte-rendu :

> La Civiltà Cattolica

Et le texte intégral de celui-ci, reproduit avec l’aimable autorisation de la revue :

> Declino demografico e immigrazione in Italia


Parmi les articles d’Ettore Gotti Tedeschi publiés dans "L'Osservatore Romano" celui-ci, du 31 janvier 2010, portait en particulier sur le rapport entre crise économique et migrations :

> Un piano Marshall per lo sviluppo globale

Tandis que celui-là, publié dans le "Corriere della Sera" du 9 août 2010, est la dernière attaque du professeur Giovanni Sartori contre l’Église catholique en raison des prises de position de celle-ci en faveur de la natalité :

> La crescita demografica non fa bene all'economia


Le message, diffusé le 26 octobre dernier, de Benoît XVI pour la journée mondiale du migrant et du réfugié qui aura lieu le 16 janvier 2011 :

> "Une seule famille humaine"


Le rapport pour 2010 de Caritas-Migrantes sur l'immigration en Italie, diffusé le 26 octobre comme le message pontifical : 

> www.dossierimmigrazione.it


Deux articles de www.chiesa sur l’Église et le contrôle des naissances, avec une étude du professeur Gianpiero Dalla Zuanna :

> "Ego te absolvo". La voie catholique du contrôle des naissances 
(8.9.2010)


> Un cas de conscience. Les confesseurs et la contraception (15.9.2010)

www.chiesa
Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

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