9) Peut-on donner la communion à des parlementaires qui se déclarent publiquement en faveur de l'avortement ? A cette question, certains pasteurs ont donné, pratiquement ou théoriquement une réponse affirmative. Il faudrait, dit-on, avoir de la compassion pour ces parlementaires, déchirés intérieurement. Comme chrétiens, disent-ils, ils sont certes opposés à l'avortement ; mais lors du débat parlementaire, ils votent pour sa légalisation. Ces représentants, dit-on, vivent un drame de conscience et il ne faudrait pas les renvoyer s'ils se présentent pour recevoir la sainte communion. Des situations analogues se présentent, par exemple, pour des médecins avorteurs notoires, pour des magistrats, des responsables politiques, etc. Tous auraient besoin de confort spirituel et devraient pouvoir s'approcher de la Sainte Table.
Quelques prises de position récentes montrent que l'Église ne peut approuver cette pseudo-compassion. Épinglons-en deux.
a. En novembre 2009, Juan Antonio Martínez Camino, jésuite, évêque auxiliaire de Madrid et secrétaire général de la conférence épiscopale espagnole, rappelle qu'en approuvant et en votant une loi en faveur de l'avortement, les baptisés se mettent objectivement en état de péché mortel (16). Ceux qui promeuvent de telles lois pèchent publiquement et ne peuvent être admis à la Sainte Table. Pour être sûr d'avoir été bien entendu, l'évêque auxiliaire de Madrid ajoute que celui qui affirme qu'il est légitime d'ôter la vie à un être humain innocent tombe dans l'hérésie et encourt l'excommunication "latae sententiae" (17).
Le 27 novembre 2009, l'assemblée plénière de la conférence épiscopale espagnole publiait une déclaration selon laquelle les politiciens qui votent une proposition de loi libéralisant l'avortement en Espagne se placent eux-mêmes dans "un état de péché objectif et, si cette situation se prolonge, ils ne peuvent être admis à la sainte communion." (18)
b. Le dimanche 22 novembre 2009 (19), Patrick Kennedy, membre démocrate de la chambre des représentants des USA, annonce que l'évêque de Providence, Thomas J. Tobin, l'a prié de s'abstenir de recevoir la sainte communion et a invité les prêtres de son diocèse à ne pas la lui donner. Il faut rappeler que, quelque temps avant cette interdiction, le congressman Patrick Kennedy avait déclaré publiquement son opposition à l'enseignement de l'Église sur le respect de la vie.
10) Les pièges de la compassion que nous avons passés en revue ont fait l’objet de plusieurs déclarations de la plus haute importance de la part de Son Excellence Mgr Raymond L. Burke, préfet du tribunal suprême de la signature apostolique et archevêque émérite de Saint Louis MO, aux USA. Nous nous limiterons à présenter trois de ces documents.
a. Le vendredi 3 mai 2009, l’archevêque Burke prononçait le discours principal du "Déjeuner et Prière" réunissant des catholiques priant pour la nation américaine. Ce discours a pour titre "Les enseignements de l’Église catholique" (20). Le préfet y analyse les pratiques hostiles à la vie, au mariage et à la famille.
Dénonçant la fausse compassion dans l’action des pouvoirs publics, l’archevêque souligne que les attaques contre la vie, le mariage et la famille ruinent les fondements sur lesquels sont bâties la nation américaine et les nations attachées à ces mêmes fondements. Il incite les catholiques – qu’ils soient médecins, hommes politiques, hommes d’affaires, etc. – à respecter la loi naturelle et la loi divine, qui sont au cœur de l’enseignement de l’Église. L’archevêque invite à la prière, au jeûne, à la confession, à la sainte communion pour que le Seigneur éclaire les leaders. Une attention spéciale doit être réservée, dans les universités et les institutions d’éducation catholique, à la jeunesse. Celle-ci doit être préparée à reconnaître que là où Dieu est rejeté, la sécularisation et le relativisme ouvrent la voie à des lois et à des programmes politiques immoraux. Au contraire, il faut presser les législateurs et les électeurs de corriger les lois gravement injustes.
Enfin, "qu’un doctorat honoris causa ait été conféré par Notre-Dame University à un président promouvant agressivement un agenda anti-vie et anti-famille est source du plus grand scandale".
b. Le 18 septembre 2009, l’archevêque Burke prenait la parole au XIVe dîner annuel de partenariat organisé par "Inside Catholic" (21). Ce discours a été publié sous forme d’article dans "Crisis Magazine", en date du 26 septembre 2009. Il a pour titre "Reflections on the Struggle to Advance the Culture of Life."
L’archevêque nous offre ici un discours d’une force exceptionnelle. Voici, citées librement, quelques idées force de ce discours:
"Il est impossible d’être catholique pratiquant si, dans sa conduite, on soutient le droit à l’avortement ou le droit au mariage de personnes de même sexe. Nous devons reconnaître le scandale donné par des chrétiens omettant de faire respecter la loi morale naturelle dans la vie publique. Cette omission engendre la confusion et induit en erreur tous les citoyens. Par nos actions et nos omissions, nous pouvons conduire des hommes et des femmes à faire le mal et à pécher, ainsi qu’à nuire gravement aux frères, aux sœurs, à la nation. Notre-Seigneur a condamné sans équivoque ceux qui, par leurs actions, provoqueraient un vrai scandale, c’est-à-dire qui plongeraient les autres dans la confusion ou les conduiraient à pécher (22). C’est pourquoi la discipline de l’Église interdit de donner la sainte communion et d’accorder des funérailles religieuses à ceux qui persistent, après avoir été admonestés, à violer gravement la loi divine (23). Certes, l’Église confie chaque âme à la miséricorde de Dieu […], mais cela ne la dispense pas de proclamer la vérité de la loi divine. Lorsque quelqu’un a publiquement adhéré et coopéré à des actes coupables, […] sa repentance de telles actions doit elle aussi être publique".
Appelant les choses par leur nom, l’archevêque Burke n’hésite pas à aller au fond du problème :
"On voit la main du Père du Mensonge à l’œuvre dans le peu d’attention portée à la situation de scandale, ou dans le fait que sont ridiculisés ou même censurés ceux qui ressentent le scandale.".
c. Le 29 septembre 2009, l’archevêque Burke intervenait pour prendre la défense des militants pro-vie qui protestaient contre le scandale des funérailles grandioses et très médiatisées célébrées pour le sénateur Ted Kennedy (24). Ce sénateur "catholique" s’était souvent distingué par ses positions inacceptables en matière de respect de la vie et de la famille. Certains catholiques, pris de compassion pour le sénateur, s’en étaient pris vivement aux militants pro-vie et pro-famille, les accusant entre autres de briser l’unité de l’Église. La mise au point de l’archevêque ne devait pas se faire attendre :
"Une des ironies de la situation présente c’est que quelqu’un qui éprouve le scandale face à des actions publiques gravement coupables d’un autre catholique est accusé de manquer de charité et de causer une division dans l’unité de l’Église.
"Dans une société dont la pensée est gouvernée par la ‘tyrannie du relativisme’, et dans laquelle le politiquement correct et le respect humain sont les ultimes critères de ce qu’on doit faire ou de ce qu’on doit éviter, l’idée d’induire quelqu’un en erreur morale a peu de sens. […] Ce qui cause émerveillement dans une telle société, c’est le fait qu’il en est qui omettent d’observer le politiquement correct, et qui, par là-même, semblent perturber la prétendue paix de la société. Cependant, mentir ou omettre de dire la vérité n’est jamais un signe de charité".
(16) Source: http://www.elmundo.es/, dépêche du 12 novembre 2009. Voir aussi http://www.sectorcatolico.com/, dépêche du 30 décembre 2009.
(17) Cf. Code de Droit Canonique, 751; 1364, § 1; 1398.
(18) Cf. http://www.lifesitenews.com/, 27 novembre 2009. La position exempte d’ambiguïté réaffirmée par la conférence épiscopale espagnole par son secrétaire général S. Exc. Mgr Martínez Camino, a encore été réaffirmée par Isidoro Catela Marcos, directeur du bureau d’information de la CEE. Voir le site ACI Prensa : http://www.aciprensa.com/, dépêche du 4 janvier 2010, qui renvoie elle-même à http://www.conferenciaepiscopal.es
(19) Voir le site de "The Providence Journal" : http://www.projo.com/ du 23 novembre 2009, l’article de John Mulligan, "Kennedy : Barred from Communion", et les liens mentionnés.
(20) Le texte complet se trouve sur http://www.lifesitenews.com/ du 8 mai 2009.
(21) Le texte a été publié sur le site internet http://insidecatholic.com et est daté du 26 septembre 2009.
(22) Cf. Lc 17, 1-2.
(23) Code de Droit Canonique, 915; 1184, § 1, 3°.
(24) Cf. l’article de John-Henry Westen, "A Vatican Archbishop : Kennedy Funeral Critics Not Hurting Unity but Helping Church", sur LifeSiteNews.com, 29 septembre 2009. Les citations proviennent de cet article.