L'ouvrage que Joseph Ratzinger a consacré à l'enfance du Messie dans les Évangiles arrive dans les librairies. C'est une "histoire vraie", affirme le pape, et pas une pure construction théologique
par Sandro Magister
ROME, le 20 novembre 2012 – "L'enfance de Jésus" de Joseph Ratzinger-Benoît XVI sera en vente à partir de demain, en
allemand - c’est le texte original - et en huit autres langues : italien, anglais, français, espagnol, portugais, brésilien, polonais, croate. Le tirage global de lancement est de plus d’un
million d’exemplaires. Au cours des mois à venir, l’ouvrage sera traduit en onze autres langues et diffusé dans 72 pays.
C’est un livre court et écrit sous une forme simple et linéaire. Plus facile à lire que les deux autres tomes, plus
volumineux, du "Jésus de Nazareth". Il est publié en dernier, mais l’auteur a déclaré que, selon son intention, l’ouvrage "est une sorte de petite 'entrée' qui introduit aux deux ouvrages
précédents, consacrés à la figure et au message de Jésus de Nazareth".
Avant la publication du livre, la grande inconnue était la manière dont Benoît XVI allait répondre à la question de
savoir si la naissance virginale, l'adoration des Mages et les autres récits de l'enfance de Jésus, dans les Évangiles de Matthieu et de Luc, sont "vraiment une histoire qui a eu lieu" ou bien
"seulement une méditation théologique exprimée sous forme d’histoires".
L'auteur penche nettement en faveur de la première des deux réponses. Mais sans refuser le droit de cité dans l’Église à
la seconde manière de voir.
À la fin du chapitre consacré aux Mages, Benoît XVI donne raison à Jean Daniélou qui écrivait dans "Les Évangiles de
l'Enfance" :
"A la différence du récit de l'annonciation à Marie, l'adoration des Mages ne touche à aucun aspect essentiel pour la
foi. Elle pourrait être une création de Matthieu, inspirée par une idée théologique : dans ce cas, rien ne s’écroulerait".
"Cependant Daniélou lui-même – ajoute le pape Ratzinger – arrive à la conviction qu’il s’agit d’événements historiques
dont la signification a été interprétée théologiquement par la communauté judéo-chrétienne et par Matthieu".
Et il poursuit :
"Pour dire les choses simplement : c’est aussi ma conviction".
Benoît XVI reconnaît que, "au cours des cinquante dernières années", la tendance à ne pas admettre l’historicité de
l'adoration des Mages s’est affirmée chez les exégètes. Cette opinion – note le pape – "ne se fonde pas sur de nouvelles connaissances historiques, mais sur une attitude différente envers la
Sainte Écriture et envers le message chrétien dans son ensemble".
Pour prouver ce changement, le pape fait remarquer que, alors qu’en 1942, à l’entrée "Mágos" du "Theologisches Wörterbuch
zum Neuen Testament", le protestant Gerhard Delling "considérait l’historicité du récit consacré aux Mages comme encore assurée de manière convaincante", par la suite "même des exégètes à
l’orientation ecclésiale claire" comme les catholiques Ernst Nellessen ou Rudolf Pesch se sont déclarés "opposés à l’historicité" ou tout au moins ils ont "laissé cette question
ouverte".
En tout cas, face à toutes ces remarques, Benoît XVI conseille de "prendre en considération de manière attentive" la
manière de voir d’un autre exégète catholique contemporain, Klaus Berger, qui, dans le commentaire qu’il a consacré au Nouveau Testament en 2011, écrit :
"Il faut supposer – jusqu’à preuve du contraire – que les évangélistes n’ont pas l’intention de tromper leurs lecteurs,
mais qu’ils veulent raconter des faits historiques. Contester, par pure suspicion, l’historicité de ce récit va au-delà de tout ce que l’on peut imaginer comme compétence d’historien".
Et il conclut :
"Je ne peux qu’être d’accord avec cette affirmation. Les deux chapitres du récit de l'enfance dans Matthieu ne sont pas
une méditation exprimée sous forme d’histoires. Au contraire : Matthieu nous raconte la véritable histoire, qui a été méditée et interprétée théologiquement et, par là, il nous aide à comprendre
plus profondément le mystère de Jésus".
On peut lire ci-dessous la dernière page du livre, à la fin du chapitre consacré à Jésus âgé de douze ans, perdu et
retrouvé au temple.
LE MYSTÈRE DU VRAI HOMME ET VRAI DIEU
[...] Ce que dit Luc à propos de Jésus qui grandissait non seulement en âge mais aussi en sagesse est également
important. D’une part, d’après la réponse de l’enfant de douze ans, il est évident qu’Il connaît le Père – Dieu – de l’intérieur. Lui seul connaît Dieu, pas seulement à travers des être humains
qui témoignent de celui-ci, mais Il le reconnaît en lui-même. En tant que Fils, Il est intimement lié au Père. Il vit en sa présence. Il le voit. Jean dit qu’Il est l’Unique qui «est dans le sein
du Père» et qui, pour cette raison, peut le faire connaître (Jn 1,18). C’est justement cela qui devient évident dans la réponse de l’enfant de douze ans : Il est auprès du Père, Il voit les
choses et les hommes à sa lumière.
Toutefois il est également vrai que sa sagesse augmente. En tant qu’homme, Il ne vit pas dans une omniscience abstraite,
mais Il est enraciné dans une histoire concrète, dans un lieu et dans un temps, dans les différentes phases de la vie humaine, et c’est de celà qu’Il tire la forme concrète de son savoir. Il
apparaît donc ici, de manière très claire, qu’Il a pensé et appris de manière humaine.
Il devient vraiment clair qu’Il est vrai homme et vrai Dieu, pour reprendre l’expression de la foi de l’Église. Le lien
profond entre une dimension et l’autre, en dernière analyse, nous ne pouvons pas le définir. Il reste un mystère et, pourtant, il apparaît de manière très concrète dans le bref récit consacré à
l’enfant de douze ans – un récit qui ouvre ainsi, en même temps, la porte à l’ensemble de sa personne, qui nous est ensuite raconté par les Évangiles.
Le livre :
Joseph Ratzinger - Benoît XVI, "L'enfance de Jésus", Editions Flammarion, 2012.
Traduction française par Charles de
Pechpeyrou.