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Publié par dominicanus

Mais la première interprétation qui fait dériver le pardon de l'amour et non plus l'amour du pardon émerge à nouveau, tandis que Jésus s'adresse à la femme : « Tes péchés sont remis. » Il ne proférerait pas une sentence aussi inutile, si Dieu avait déjà accordé sa grâce dont la femme manifestement ne ressent pas les effets ! Pourquoi pleure-t-elle et essuie-t-elle les pieds de Jésus avec sa chevelure ? En démonstration de joyeuse gratitude ? Si le pardon est déjà acquis la phrase solennelle du Christ devient absurde : « C'est pourquoi, je te le dis, ses péchés, ses nombres péchés lui sont remis, puisqu'elle a montré beaucoup d'amour. » Pour défendre sa thèse, l'exégète est alors obligé de malmener la syntaxe est ainsi amène-t-il la phrase à la signification convoitée : « Ses péchés lui sont remis, la preuve c'est qu'elle a montré beaucoup d'amour. » Le grec gémit, sous un pareil traitement. Et à quoi bon ? C'est réduire Jésus à un rôle d’huissier qui lui va fort mal : il vient dresser constat d'une situation déjà acquise. Le texte est privé de son nerf. L'essentiel se serait passé avant, dans un passé indéfini, l'intérêt de la rencontre s'efface, dépouillé de ses enjeux, de sa pointe, de son souffle, de sa puissance purificatrice, de son élan dramatique. Il en resterait qu'un bilan, une évaluation, une morale. Enfin la question des pharisiens deviendrait incompréhensible, quand ils disent entre eux : « Quel est cet homme qui va jusqu'à remettre les péchés ? » puisqu'il n'aurait rien remis du tout. Et pourquoi Jésus aurait-il, exceptionnellement, proféré deux fois l'annonce du pardon, au pharisien puis à la pécheresse, si la chose s'était faite sans lui, on ne sait trop quand ? La hauteur du ton n'autorise guère le doute : c'est bien à cet instant-là, non dans une antériorité brumeuse, que Jésus a posé l'acte majestueux du pardon.

 

Mais cette thèse ne peut se soutenir seule, sans que les contradictions recommencent. La parabole des deux débiteurs et le commentaire qu’en tire Jésus formeraient alors, dans le repas du pharisien, un hors-d'œuvre bien indigeste, ou plutôt un plat de résistance qui résiste diablement sous la dent des lecteurs. Il faudrait, pour que le texte reprît son intelligibilité, supprimer cette étrange digression sur l’amour entre les versets 41 et 47. En a-t-on le droit ?

 

Sacrifions le goût de la logique plutôt que la superbe richesse du texte ! Celui-ci est à prendre comme il est, avec ses combinaisons d'idées, ces raisons disjointes, son foisonnement d’intentions.

 

 

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