L'invitation a été adressée aussi aux non-croyants et la prière se fera dans le secret des chambres. Ce sont les deux nouveautés de la nouvelle édition de ce meeting. En arrière-plan: l'année de la foi et le martyre des chrétiens dans le monde
ROME, le 26 octobre 2011 – Benoît XVI a introduit deux nouveautés dans la "journée de réflexion, de dialogue et de prière
pour la paix et la justice dans le monde" qu’il a ordonnée pour demain à Assise, vingt-cinq ans après la première édition, très discutée, qu’avait organisée le pape précédent.
La première nouveauté est que l’invitation a été adressée non seulement à des représentants des religions du monde entier
mais également à des non-croyants. Du fait de leur présence, la journée d’Assise prendra la forme d’un "parvis des gentils" symbolique, animé non seulement par "ceux qui craignent Dieu" mais
aussi par ceux qui ne croient pas en Dieu sans pour autant renoncer à le chercher.
Les non-croyants qui ont accepté de prendre part à la journée d’Assise sont le philosophe italien Remo Bodei, le
philosophe mexicain Guillermo Hurtado, l'économiste autrichien Walter Baier et la philosophe et psychanalyste française Julia Kristeva. Celle-ci sera la dernière à prendre la parole lors de la
phase initiale de la rencontre, après une série de huit interventions confiées à des responsables religieux parmi lesquels le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier et le rabbin
David Rosen du Grand Rabbinat d’Israël.
Après Julia Kristeva, c’est Benoît XVI qui parlera, pour ce qui sera son unique discours de la journée.
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La seconde nouveauté est qu’il n’y aura aucun moment de prière visible et organisée pour les personnes présentes, ni en
commun ni en parallèle, contrairement à ce qui avait été fait en 1986, où les différents groupes religieux s’étaient réunis pour prier en divers endroits de la ville de saint François.
Demain, simplement, après le "repas frugal" pris au couvent Sainte-Marie-des-Anges, les quelque trois cents invités se
verront attribuer autant de chambrettes individuelles, à l’hôtellerie adjacente au couvent, pour un "temps de silence, pour la réflexion et/ou la prière personnelles".
Ce temps de silence durera environ une heure et demie. Il fait penser à ce passage du Discours sur la Montagne dans
lequel Jésus dit : "Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te
récompensera" (Matthieu 6, 6).
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Ces deux nouveautés font que la journée d’Assise décidée par Benoît XVI sera différente de la première - celle qui avait
été organisée par Jean-Paul II - et des reprises ultérieures de celle-ci, qu’elles aient été dues au pape, en 1993 et en 2002, ou à la Communauté de Sant'Egidio, presque une par an, la dernière
ayant eu lieu à Munich au mois de septembre dernier.
Joseph Ratzinger, qui était alors cardinal, n’avait pas participé à la rencontre d’Assise en 1986. Il ne l’a jamais
critiquée en public, mais son absence a été interprétée comme une prise de distance par rapport aux équivoques que cette initiative avait incontestablement produites, à l’intérieur comme à
l’extérieur de l’Église catholique.
La rencontre de 1986 a fait naître une formule qui a provoqué l’enthousiasme d’une partie du monde catholique, mais
également de sérieuses réserves chez beaucoup d’autres : "l’esprit d’Assise".
Jean-Paul II a employé cette formule pour la première fois peu de temps après la première rencontre d’Assise et il l’a
réutilisée à de nombreuses reprises par la suite.
Benoît XVI, au contraire, en a fait un usage extrêmement contrôlé : sauf erreur, pas plus de deux fois, et la première
fois justement pour la débarrasser de mauvaises interprétations.
C’était en septembre 2006 et la Communauté de Sant'Egidio avait organisé sa réunion interreligieuse annuelle précisément
à Assise, à l’occasion du huitième centenaire de la mort de saint François.
Benoît XVI, qui avait été invité à y participer, avait décliné l’invitation. Mais il avait fait parvenir une lettre à
l’évêque d’Assise, au moment même de l’ouverture de la journée.
À un moment donné, on peut lire dans cette lettre :
"Pour ne pas se méprendre sur le sens de ce que, en 1986, Jean-Paul II voulut réaliser et que l’on a l'habitude de
qualifier, en reprenant l'une de ses expressions même, d’'esprit d'Assise', il est important de ne pas oublier l'attention dont on fit alors preuve afin que la rencontre interreligieuse de prière
ne se prête à aucune interprétation syncrétiste, fondée sur une conception relativiste.
"C'est précisément pour cela que, dès ses premières paroles, Jean-Paul II déclara : 'Le fait que nous soyons venus ici
n'implique aucune intention de rechercher un consensus religieux entre nous, de mener une négociation sur nos convictions de foi. Il ne signifie pas non plus que les religions peuvent être
réconciliées sur le plan d'un engagement commun dans un projet terrestre qui les dépasserait toutes. Il n'est pas non plus une concession au relativisme des croyances religieuses'.
"Je désire réaffirmer ce principe, qui constitue le présupposé de ce dialogue entre les religions que, il y a quarante
ans, le concile Vatican II souhaita dans la Déclaration sur les Relations de l'Église avec les Religions non-chrétiennes (cf. Nostra ætate, n. 2).
"Je saisis volontiers l'occasion pour saluer les représentants des autres religions qui prennent part à l'une ou l'autre
des commémorations d'Assise. Comme nous, chrétiens, eux aussi savent que c'est dans la prière qu'il est possible de faire une expérience particulière de Dieu et d'en tirer des encouragements
efficaces dans le dévouement à la cause de la paix.
"Toutefois il est également nécessaire, ici, d'éviter les confusions inopportunes. C'est pourquoi, même lorsque l'on se
retrouve ensemble pour prier pour la paix, il faut que la prière se déroule selon les chemins distincts propres aux diverses religions. Tel fut le choix de 1986 et ce choix ne peut manquer de
demeurer valable aujourd'hui également. La convergence des différences ne doit pas donner l'impression de céder au relativisme, qui nie le sens même de la vérité et la possibilité d'y
puiser".
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Mais ce n’est pas tout. Pour comprendre la signification que Benoît XVI entend donner à la journée d’Assise, il faut
avoir au moins deux autres faits présents à l’esprit.
Le premier est que, à la veille du rendez-vous d’Assise, le pape Joseph Ratzinger a annoncé une "année de la foi". Le
pape fera coïncider celle-ci non seulement avec le cinquantenaire du début du concile Vatican II mais aussi et davantage encore avec le vingtième anniversaire du lancement de cet abécédaire de la
doctrine de la foi qu’est le Catéchisme de l’Église catholique, audacieusement voulu par Jean-Paul II et trop négligé encore aujourd’hui.
Le lancement de l’"année de la foi" est étroitement lié à une autre décision qui caractérise ce pontificat : celle de la
"nouvelle évangélisation". Celle-ci ne concerne pas uniquement les pays de vieille tradition chrétienne qui sont atteints par la vague de la sécularisation, y compris l'Amérique latine, mais
également les endroits où le christianisme n’est jamais arrivé et qui ont besoin d’un nouvel élan missionnaire.
Il est évident que cet objectif prioritaire du pontificat de Benoît XVI est incompatible avec un "esprit d’Assise" qui,
par amour de la paix, se traduirait par un abandon de l'annonce de la foi en Jésus-Christ unique sauveur.
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De plus, le rassemblement pacifique de représentants des religions à Assise ne fait pas disparaître le fait que, en
différents points du globe, les croyances soient en conflit et que les chrétiens, en particulier, soient parmi les plus menacés.
Deux faits récents symbolisent cette réalité dramatique : au Caire, le massacre de dizaines de chrétiens coptes par des
extrémistes musulmans et par l’armée elle-même ; aux Philippines, l'assassinat d’un missionnaire, le père Fausto Tentorio.
Le baiser de paix d’Assise a d’autant plus de valeur dans ce contexte.
De même qu’ont de la valeur d’autres signes de paix analogues. On a pu en voir un à Milan le 21 octobre
dernier.
Au moment même où, dans un grand nombre de villes du monde, les "indignés" étaient en ébullition, quatre mille jeunes ont
parcouru pacifiquement les rues de Milan pour demander aux États de prendre des initiatives en faveur des peuples affamés.
Et ils défilaient sous l'effigie du père Tentorio, le dernier des martyrs, dont la vie a été consacrée à l'annonce du
Royaume de Dieu aux pauvres, un saint François d’aujourd’hui.
Sandro Magister
www.chiesa
Le programme détaillé de la journée d’Assise, le 27 octobre 2011 :
> "Pèlerins de la verité, pèlerins de la paix"
> La lettre apostolique par laquelle Benoît XVI a lancé l'année de la foi :
> "Porta fidei"
Traduction française par Charles de Pechpeyrou.