Chapitre X
Conclusion : Des défis dans l’Esprit
A l’heure de la proposition de la foi, une démarche éthique en pastorale de la confirmation prend tout son sens car elle tient compte de « … l’histoire personnelle de chacun, de son itinéraire et de son devenir ». Une telle démarche apparaît comme une « … proposition d’un chemin à prendre plus que du terme d’un voyage, un commencement plus que l’achèvement d’une initiation ou d’une formation »1. Elle s’avère possible à condition que les ados s’y engagent avec enthousiasme et dynamisme, avec joie de vivre et considération pour ce qui leur est proposé - ce qui est le cas la plupart du temps, ainsi que nous avons pu le constater. Pour se mettre en place, elle exige également l’engagement responsable d’accompagnateurs qui y mettent tout leur cœur, en se rendant disponibles pour les jeunes, et qui persévèrent dans la mesure où ils sont reconnus dans leur générosité et leur témoignage, soutenus au milieu de leurs doutes, entourés et écoutés : eux aussi ont besoin du groupe pour se sentir solidaires les uns des autres, pour se former et se ressourcer. Une pareille démarche éthique permet de relever un certain nombre de défis2 dans l’Esprit que nous souhaitons énumérer en conclusion.
10.1 Le défi du pluralisme
Nous avons parlé de « catégories » de jeunes, en lien avec la parabole de semeur3, car les adolescents ont des trajectoires de vie extrêmement multiples et des itinéraires très diversifiés. Peu importe finalement la difficulté d’homogénéiser un groupe : l’intérêt pour le choix du projet pousse à un agir commun dans un esprit d’ensemble ; il demeure surtout important que le confirmand se sache unique aux yeux de Dieu et aimé du Seigneur tel qu’il est, et qu’il se laisse emplir par l’Esprit qui fait l’unité dans la diversité.
10.2 Le défi de l’identité personnelle
Quel que soit le désir qui anime les adultes engagés dans une telle démarche, « il y a des choses impossibles » à réaliser avec les jeunes :
« Par exemple, on ne peut pas transmettre son expérience. On a beau savoir, pour l’avoir vécu, et pour le vivre encore, quel bonheur et quelle force donnent la foi, la présence à Jésus-Christ, la référence à l’Evangile, on ne peut pas communiquer ce qu’on a trouvé. On peut tout juste en dire quelque chose à l’occasion et indiquer ses sources. […]
Entre le tout et le rien, il reste beaucoup de possibles. Le premier service à rendre aux adolescents est de rester soi-même en face d’eux : en l’occurrence, d’être soi-même un chrétien convaincu, crédible et estimable avec ses limites, enviable parce que réellement et visiblement heureux dans sa foi. »4
L’adolescent en quête d’identité a besoin de s’identifier à des personnes qui assument vraiment les valeurs auxquelles elles adhèrent, il recherche des témoins. Certes, son parcours de confirmation, sa vie de baptisé devraient le mettre toujours davantage en relation avec Jésus-Christ, le témoin par excellence, avec ses apôtres, avec les personnages bibliques et les saints, mais il est aussi nécessaire qu’il rencontre des témoins d’aujourd’hui, qui oeuvrent pour la paix et la justice, qui manifestent la pertinence de leurs convictions par leurs actes d’amour, comme Sœur Emmanuelle du Caire, l’Abbé Pierre ou Mère Teresa. Mais il a besoin, ô combien, de rencontrer un leader, un « modèle » proche de lui à qui il puisse s’identifier et qui rayonne d’un bonheur authentique. C’est le rôle qu’il pourrait attendre (espérer ?) de son parrain ou de sa marraine. C’est l’expérience qu’il peut faire auprès d’un animateur particulièrement percutant, ou de l’une des personnes croisées à l’occasion du projet choisi.
« Le plus précieux, l’indispensable, c’est le témoignage que donne une façon de vivre. […] Il ne suffit pas de "dire" à des adolescents. Ils attendent que nous partagions avec eux : […] l’accès aux Ecritures où nous trouvons notre nourriture, la mémoire du Peuple dont ils font partie, l’initiation à la prière et aux rites chrétiens, une part active dans la construction de la communauté. »5
Au-delà de cette personne-relais recherchée comme un trésor précieux, il est cependant indispensable que le confirmand découvre lui-même son chemin, trouve ce qui le fait vivre et réalise ses propres expériences en vue de son épanouissement. L’Esprit Saint l’y pousse.
10.3 Le défi de la liberté
Si la liberté mature n’est pas encore l’apanage de l’adolescent, la démarche éthique l’y incite peu à peu : elle lui offre l’opportunité de choisir un projet, de s’y engager et d’y cheminer. Il s’agit d’un premier pas vers de plus larges espaces de responsabilité où l’accomplissement de soi parvient à se concrétiser en pleine possession de ses orientations de vie. Car l’Esprit est souffle de liberté, il la fait éclore comme l’un de ses beaux fruits.
10.4 Le défi de la participation
Dans chaque projet, les confirmands se trouvent sans cesse placés devant des options à prendre, des décisions à poser, en position donc de « répondance » mutuelle ; ils se voient sollicités en qualité de membres engagés à part entière, en vue d’un consensus actif, le groupe ayant besoin des talents, des capacités de chacun. Comme l’Eglise dont chaque équipe forme comme une cellule vivante. Et l’Esprit Saint s’offre telle la source des sept dons et des multiples charismes qui les habitent.
10.5 Le défi de la fraternité
C’est grâce au groupe que les ados se construisent et mûrissent. Une démarche éthique privilégie particulièrement la vie d’équipe, malgré la diversité de ses membres. Jésus n’a-t-il pas connu pareille multiplicité avec les douze apôtres ? Avec un Pierre très impulsif, un Matthieu attaché à l’argent, un Thomas qui doute, un Judas qui trahit, … ? Et pourtant, quel bel esprit de fraternité a animé ce « collège », bien au-delà de la mort et de la résurrection du Christ ! La démarche vers la confirmation permet de toucher du doigt quelque chose de l’amitié profonde qui animait la première communauté chrétienne : « Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42). C’est l’Esprit qui rassemble des frères et des sœurs.
10.6 Le défi de l’éducation citoyenne
La démarche éthique relève ce défi qui attend que l’agir des chrétiens ait un impact sur la vie sociale. Chaque projet suscite une action concrète mettant les confirmands en relation avec différentes communautés et organisations, chrétiennes ou non. D’autre part, les aumôneries confessionnelles en milieu scolaire s’inscrivent de plus en plus dans une telle perspective en favorisant le dialogue et la collaboration avec l’école en tant qu’institution. Car l’Esprit engage dans la cité et la société.
10.7 Le défi de la créativité
Sur ce registre, il faut bien le constater, nous demeurons fort modestes en pastorale de la confirmation, comme d’ailleurs en toute démarche en Eglise. Il s’avère pourtant nécessaire de nous renouveler, de faire preuve de créativité pour redonner vie au message du Christ et des sacrements. A l’heure de l’informatique, comment ne pas utiliser des moyens médiatiques modernes pour présenter une « image » de l’Eglise qui donne goût, non seulement dans les filières paroissiales, mais surtout en dehors ? Nous avons à ré-inventer du neuf, tout en puisant avec discernement dans la Tradition. Car l’Esprit renouvelle la face de la terre.
10.8 Le défi des « événements »6
Osons faire « bouger les choses », provoquer l’événement, susciter la surprise. L’Evangile demeure si étonnant, si détonnant, si « politiquement incorrect » ! N’ayons pas peur d’agir, de créer, pour changer, pour avancer. Accordons plus de place aux jeunes, laissons-nous bousculer par les confirmés, ils sont l’avenir de l’Eglise !
« Les chrétiens à venir donneront à la foi un visage unique. Ils n’ont pas moins d’atouts au départ que leurs aînés, mais il n’ont pas les mêmes. Nous avons à "être" des adultes chrétiens. Ils ont à "être", eux aussi, avec leurs rêves qui nous échappent, avec leurs fragilités qui nous impressionnent, avec des ressources que, souvent, nous ne soupçonnons pas. »7
Jésus n’a-t-il pas fait une confiance absolue aux douze apôtres, malgré leurs hésitations, en leur transmettant leur mission ?
« Et quand ils le virent ils se prosternèrent ; d’aucuns cependant doutèrent. S’avançant, Jésus leur dit ces paroles : "Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom de Père et Fils et du Saint Esprit, en leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin des âges". » (Mt 28,17-20)
Cette vocation a été remise à l’homme dès sa création. La terre est belle : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. » (Gn 1,31). Le Créateur la confie à l’homme et à la femme : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la… » (Gn 1,28). Et l’Esprit Saint ne cesse de nous communiquer à chacun notre mission.
10.9 Le défi de la beauté
Toute démarche éthique met en mouvement le corps, le cœur et la mémoire, elle engage la responsabilité de chacun envers lui-même, envers autrui, envers Dieu et envers l’ensemble du cosmos, pour qu’advienne la beauté qui sauvera l’univers.
« Dans un monde appelé à la beauté, l’homme, qui a été constitué responsable du créé, a la responsabilité de la beauté du monde et de sa propre vie, de soi et des autres. […] La beauté est [une promesse de bonheur] à instaurer dans les relations, pour faire de l’Eglise une communauté où l’on vive réellement des rapports fraternels, inspirés par la gratuité, la miséricorde et le pardon. »8
Et l’Esprit de la confirmation engendre la beauté, comme promesse de bonheur…
Être confirmé : un chemin de bonheur, Myriam Stocker et François-Xavier Amherdt, coll. Perspectives pastorales, Éditions Saint-Augustin, 2007, 205 pages, prix € 20.00, CHF 38.00, isbn 978-2-88011-406-0