DEUXIEME JOUR
Vendredi 1 juin 2007
S. JUSTIN, martyr. Mémoire
Si 44, 1.9-13 ; Ps 149 ; Mc 11, 11-26
Le culte spirituel – logiké latreía (Rm 12, 1)
70. Parlant du don de sa vie, le Seigneur Jésus, qui s'est fait pour nous nourriture de vérité et d'amour, nous assure que « si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jn 6, 51). Mais cette « vie éternelle » commence déjà en nous en ce temps, à travers le changement que le don eucharistique engendre en nous: « Celui qui me mangera vivra par moi » (Jn 6, 57). Ces paroles de Jésus nous font comprendre que le mystère « auquel on croit » et « qui est célébré » possède en lui-même un dynamisme qui en fait le principe de la vie nouvelle en nous et la forme de l'existence chrétienne. En communiant au Corps et au Sang de Jésus Christ, nous sommes en effet rendus participants de la vie divine de façon toujours plus adulte et plus consciente. Cela vaut aussi de ce que saint Augustin, dans ses Confessions, disait du logos éternel, nourriture de l'âme; mettant en relief le caractère paradoxal de cette nourriture, le saint Docteur imagine s'entendre dire: « Je suis la nourriture des grands. Grandis, et tu me mangeras, tu ne me transformeras pas en toi, telle la nourriture de ta chair; mais c'est en moi que tu te transformeras » (198). De fait, ce n'est pas l'aliment eucharistique qui se transforme en nous, mais c'est nous qui sommes mystérieusement changés par lui. Le Christ nous nourrit en nous unissant à lui; « il nous attire en lui ». (199) La célébration eucharistique apparaît ici, dans toute sa force, en tant que source et sommet de l'existence chrétienne, étant en même temps le commencement et l'accomplissement du culte nouveau et définitif, la
logiké latreía. (200) Les paroles de saint Paul aux Romains à ce sujet sont la formulation la plus synthétique de la façon dont l'Eucharistie transforme toute notre vie en culte spirituel agréable à Dieu: « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir vos corps en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu: c'est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Rm 12, 1). Dans cette exhortation, apparaît l'image du culte nouveau comme offrande totale de la personne en communion avec toute l'Église. L'insistance de l'Apôtre sur l'offrande de nos corps souligne le caractère concret et humain d'un culte qui n'a rien de désincarné. À ce sujet, le saint d'Hippone nous rappelle encore que dans « le sacrifice des chrétiens, tout nombreux que nous sommes, nous ne formons dans le Christ qu'un seul corps, et c'est ce sacrifice-là – connu des fidèles – que chaque jour renouvelle l'Église, se découvrant offerte dans cela même qu'elle offre ». (201) La doctrine catholique affirme de fait que l'Eucharistie, en tant que sacrifice du Christ, est également le sacrifice de l'Église, et donc des fidèles. (202) L'insistance sur le sacrifice – « rendre sacré » – dit ici toute la densité existentielle impliquée dans la transformation de notre réalité humaine saisie par le Christ (cf. Ph 3, 12).
Efficacité intégrale du culte eucharistique
71. Le nouveau culte chrétien englobe tous les aspects de l'existence, en la transfigurant: « Tout ce que vous faites: manger, boire, ou n'importe quoi d'autre, faites-le pour la gloire de Dieu » (1 Co 10, 31). En tout acte de la vie, le chrétien est appelé à exprimer le vrai culte rendu à Dieu. C'est ici que prend forme la nature intrinsèquement eucharistique de la vie chrétienne. Puisqu'elle implique la réalité humaine du croyant dans le concret du quotidien, l'Eucharistie rend possible, jour après jour, la transfiguration progressive de l'homme, appelé par grâce à être à l'image du Fils de Dieu (cf. Rm 8, 29s). Il n'y a rien d'authentiquement humain – pensées et sentiments, paroles et actes – qui ne trouve dans le sacrement de l'Eucharistie la forme appropriée pour être vécu en plénitude. Ici apparaît toute la valeur anthropologique de la nouveauté radicale apportée par le Christ dans l'Eucharistie: le culte rendu à Dieu dans l'existence humaine ne peut pas être cantonné à un moment particulier et privé, mais il tend de par sa nature à envahir chaque aspect de la réalité de la personne. Le culte agréable à Dieu devient ainsi une nouvelle façon de vivre toutes les circonstances de l'existence où toute particularité est exaltée en tant qu'elle est vécue dans la relation avec le Christ et offerte à Dieu. « La gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme c'est la vision de Dieu». (203)
(198) VII, 10, 16 : PL 32, 742;
Œuvres I, Paris (1998), p. 918.
(199) Benoît XVI,
Homélie sur l'esplanade de Marienfeld, (21 août 2005):
AAS 97 (2005), p. 891;
La Documentation catholique 102 (2005), p. 910;
Homélie de la veille de la Pentecôte (3 juin 2006):
AAS 98 (2006), p. 505;
La Documentation catholique 103 (2006), p. 623.
(200) Cf.
Relatio post disceptationem, 6.47:
L'Osservatore Romano en langue française, n. 46 (2005), p. 10; Proposition 43.
(201)
De civitate Dei, X, 6: PL 41, 284;
Œuvres II, Paris (2000), p. 379.
(202) Cf.
Catéchisme de l'Église catholique, n. 1368.
(203) S. Irénée,
Adversus Haereses IV, 20, 7:
PG 7, 1037;
SCh 100/2 (1965), p. 649.