DÉCLARATION CONJOINTE
SUR LA DOCTRINE DE LA JUSTIFICATION
de la Fédération Luthérienne Mondiale
et de l’Eglise catholique
La Déclaration sur la Doctrine de la Justification est le résultat de plus de trente ans de dialogue
luthérien-catholique. Cette déclaration exprime avec concision les aspects essentiels de cette vision commune de la Doctrine de la Justification qui a été développée précédemment par les
dialogues luthérien-catholique internationaux et nationaux.
La Doctrine de la Justification fut l’un des principaux sujets de discussion entre Martin Luther et les
autorités de l’Église au XVIe siècle. Selon le Cardinal Edward Idris Cassidy, le consensus atteint sur cette doctrine et exprimé dans la Déclaration Commune «résoud virtuellement, en cette fin
du XXe siècle et à la veille du nouveau millénaire, une question longtemps discutée».
Préambule
1. La doctrine de la justification était centrale pour la Réforme luthérienne du XVIe siècle.
Elle était considérée comme « le premier article, l’article capital »[1] à la fois « guide et juge pour tous les autres domaines de la doctrine chrétienne ».[2] On y défendait et
affirmait surtout l’acception réformatrice et la valeur particulière de la doctrine de la justification face à la théologie et à l’Eglise catholique romaine de l’époque qui, de leur côté,
affirmaient et défendaient une doctrine de la justification aux accents différents. Du côté de la Réforme, on considérait cette question comme étant le point de cristallisation de toutes les
polémiques. Les confessions de foi luthériennes[3] et le Concile de Trente de l’Eglise catholique romaine ont prononcé des condamnations doctrinales qui restent en vigueur aujourd’hui et dont
les conséquences sont causes de séparation entre les Eglises.
2. Pour la tradition luthérienne, la doctrine de la justification a gardé cette fonction particulière.
C’est pour cela qu’une place importante lui revint dès le début du dialogue officiel luthérien-catholique.
3. On se référera avant tout aux rapports L’Evangile et l’Eglise (1972)[4] et Eglise et
Justification (1994)[5] de la Commission internationale catholique-luthérienne, au rapport La justification par la foi (1983)[6] du dialogue luthérien-catholique aux Etats-Unis,
et à l’étude Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?(1986)[7] du Groupe de Travail œcuménique de théologiens protestants et catholiques en Allemagne.
Certains de ces rapports de dialogue ont connu une réception officielle. Un exemple important est la réception des conclusions de l’étude sur les anathèmes du XVIe siècle.
L’Eglise évangélique luthérienne unie allemande a, avec d’autres Eglises protestantes allemandes, rédigé une prise de position à laquelle a été conférée la plus grande reconnaissance ecclésiale
possible (1994).[8]
4. Dans leurs discussions de la doctrine de la justification, tous les rapports de dialogue ainsi que
les prises de position qui s’y réfèrent montrent un haut degré d’accord dans leurs approches et leurs conclusions. Le temps est mûr pour un bilan et une récapitulation des résultats des
dialogues à propos de la justification, de telle manière que nos Eglises soient informées avec la précision et la concision qui conviennent des conclusions de ce dialogue et qu’elles soient en
mesure de prendre position de manière autorisée.
5. Telle est l’intention de la présente Déclaration commune. Elle veut montrer que désormais, sur la
base de ce dialogue, les Eglises luthériennes signataires et l’Eglise catholique romaine[9] sont en mesure d’énoncer une compréhension commune de notre justification par la grâce de Dieu au
moyen de la foi en Christ. Cette déclaration ne contient pas tout ce qui est enseigné dans chacune des Eglises à propos de la justification; elle exprime cependant un consensus sur des vérités
fondamentales de la doctrine de la justification et montre que des développements qui demeurent différents ne sont plus susceptibles de provoquer des condamnations
doctrinales.
6. Notre déclaration n’est pas une présentation nouvelle et autonome qui s’ajouterait aux rapports des
dialogues et aux documents précédents ; elle ne veut en rien les remplacer. Elle se réfère, comme le montre l’annexe sur ses sources, à ces textes et à leurs argumentations.
7. Tout comme les dialogues, cette déclaration commune est portée par la conviction que le dépassement
des condamnations et des questions jusqu’alors controversées ne signifie pas que les séparations et les condamnations soient prises à la légère ou que le passé de chacune de nos traditions
ecclésiales soit désavoué. Elle est cependant portée par la conviction que de nouvelles appréciations adviennent dans l’histoire de nos Eglises et y génèrent des évolutions qui non seulement
permettent mais exigent que les questions séparatrices et les condamnations soient vérifiées et réexaminées sous un angle nouveau.
[1]Les articles de Smalkalde, II,
1 (n. 370 in : La foi des Eglises luthériennes. Confessions et catéchismes, Paris 1991).
[2]«Rector et iudex super omnia genera doctrinarum». WA 39 I, 205. Edition de Weimar
des œuvres de Luther.
[3]Il faut signaler qu’un certain nombre d’Eglises luthériennes ne considèrent que la Confession
d’Augsbourg et le petit catéchisme de Luther comme étant leur référence doctrinale autorisée. A propos de la doctrine de la justification, ces écrits symboliques ne contiennent
aucune condamnation doctrinale à l’encontre de l’Eglise catholique romaine.
[4]Rapport de la Commission internationale catholique-luthérienne : L’Evangile et l’Eglise
(Rapport de Malte) 1972, dans Face à l’unité. Tous les textes officiels (1972-1985), Paris 1986, pp. 21-59.
[5]Commission internationale catholique-luthérienne, Eglise et Justification. La compréhension de
l’Eglise à la lumière de la doctrine de la justification, in : La Documentation catholique 2101/1994, pp. 810-858, et in : Accords et Dialogues œcuméniques Ed. A. Birmelé
et J. Terme. Paris 1996, VIII 93-201.
[6]Dialogue luthérien-catholique aux États-Unis : La justification par la foi (1983),
in : La Documentation catholique 1888/1985, pp. 126-162.
[7]Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?Propositions soumises
aux Eglises. (Ed.K. Lehmann et W. Pannenberg) Paris 1989.
[8]Prise de position commune de la Conférence d’Arnoldshain, de l’Église évangélique
luthérienne unie et du Comité national de la Fédération Luthérienne à propos du texte « Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?» in :
Oekumenische Rundschau 44/1995, pp. 99-102, ainsi que les documents préparant cette décision. Cf. à ce propos : Lehrverurteilungen im Gespräch. Die ersten
offiziellen Stellungnahmen aus den evangelischen Kirchen in Deutschland, Göttingen 1993.
[9]Dans la présente déclaration, le terme « Eglise» est utilisé
dans le sens de l’auto-compréhension de chaque partenaire, sans intention de résoudre les questions ecclésiologiques qui y sont liées.