D'abord il fait mention des frères et des sœurs de Jésus. Comment Jésus peut-il avoir des frères et des sœurs si Marie est « toujours vierge » ? A cette question il est assez facile de répondre : dans la tradition hébraïque, c'est tout simplement une référence à la parenté de Jésus, cousins, neveux et nièces, etc.
La seconde difficulté est la suivante. Saint Marc nous raconte que quand Jésus prêche pour la première fois dans son pays (Nazareth), il s'étonne du manque de foi de ses compatriotes. Ceux-ci étaient étonnés par son éloquence, mais peu enclins à croire et à obéir. Ils avaient, comme le peuple d'Israël dans la première lecture de ce dimanche, « le visage dur, et le cœur obstiné ». Dans les deux cas, par les prophètes de l'Ancien Testament et par Jésus dans le Nouveau Testament, Dieu parlait clairement à son peuple, mais le peuple a refusé d'écouter.
Ceci est assez étonnant, car, après tout, Dieu est tout-puissant, et il nous a créés pour vivre en communion avec lui. L'on serait donc en droit de penser que nous pouvons répondre automatiquement et correctement quand Dieu nous parle, et que nous sommes attirés par lui comme le fer par l'aimant. Pourquoi les choses ne se passent-elles pas ainsi ? Pour la raison toute simple que Jésus ne s'impose à qui que ce soit. En lui, Dieu met pour ainsi dire un frein à sa toute-puissance par respect de la liberté humaine. Il multiplie les signes et les indications pour attester qu'il est digne de foi, qu'il est ce qu'il dit être, mais il se refuse à nous donner des preuves qui ne laisseraient aucune place à la confiance, à la foi. Dieu invite, il ne contraint pas. Il est comme un roi qui mène des guerres en faisant appel à notre cœur, en montrant son amour, et en disant la vérité. Mais si nous refusons ses avances, il nous laisse libres de choisir notre propre chemin. Il veut des disciples qui soient des amis, et non pas des esclaves, un royaume de liberté, et non pas de servitude.
Voilà pourquoi l'Eglise a publiquement fait repentance, demandant solennellement pardon pour toutes les fois où des catholiques ont essayé de contraindre des non-catholiques à se convertir. Cette repentance publique a été faite par Jean Paul II au nom de tous les catholiques lors du Grand Jubilé de l'An 2000. La cérémonie eut lieu le 12 mars 2000 sur la Place Saint-Pierre. On avait placé un grand crucifix et allumé un cierge chaque fois que le Saint-Père implorait le pardon de Dieu pour les péchés passés des membres de l'Eglise. Certains de ces péchés ont été commis pour avoir oublié que Dieu respecte la liberté de chacun et de chaque peuple, et que Dieu ne veut pas des disciples qui soient des esclaves, mais des amis.
Cependant, le fait de forcer des gens à devenir catholiques n'a jamais été la politique officielle de l'Eglise. Mais au cours de l'histoire, il est arrivé qu'individuellement, des catholiques, et même des évêques et des prêtres, ont adopté cette politique, lors de l'Inquisition espagnole au Moyen Age, par exemple. Certains membres des Chevaliers Teutoniques, un ordre de soldats chrétiens qui florissait au Moyen Age, commirent également ce péché.
Quand le Saint-Père a fait repentance pour ces péchés, il ne les a pas énumérés les uns après les autres. Au lieu de cela, après que le cardinal Ratzinger eut invité chacun à la repentance, Jean Paul II est allé droit à l'essentiel. Voici ce qu'il a dit :
Cardinal Ratzinger:
Prions pour que chacun de nous,
reconnaissant que des hommes d'Eglise
au nom de la foi et de la morale,
ont parfois eu recours, eux aussi,
à des méthodes non évangéliques
en accomplissant leur devoir de défendre la vérité,
sache imiter le Seigneur Jésus, doux et humble de coeur.
Prière en silence.
Jean Paul II:
Seigneur, Dieu de tous les hommes,
à certaines époques de l'histoire,
les chrétiens se sont parfois livrés à des méthodes d'intolérance
et n'ont pas observé le grand commandement de l'amour,
souillant ainsi le visage de l'Eglise, ton épouse.
Montre ta miséricorde à tes enfants pécheurs
et accueille notre ferme propos
de chercher et de promouvoir la vérité dans la douceur de la charité,
sachant bien que la vérité
ne s'impose qu'en vertu de la vérité elle-même.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.
R. Amen.
Jésus veut donc des amis, et non des esclaves. Ceci nous permet de comprendre une autre difficulté de l'évangile de ce jour. Saint Marc nous dit que le manque de foi des compatriotes est la raison pour laquelle Jésus ne pouvait accomplir que peu de miracles. Parfois nous pensons que les miracles, les grâces, les consolations spirituelles nous sont donnés pour nous permettre de croire, comme pour neutraliser le risque que comporte le fait de suivre Jésus. Or, c'est tout le contraire. Au début, Jésus nous adresse la parole à un niveau personnel, comme un ami, nous invitant à le suivre, pour nous engager à travailler au Royaume de Dieu et à le laisser travailler dans nos cœurs. Ensuite, dès que nous avons fait ce premier pas, dans la confiance, il nous montre des signes qui confirment notre foi et des grâces qui stimulent notre confiance. Demander à Dieu des assurances avant même de le suivre, cela reviendrait à vouloir traiter avec lui comme des commerçants avant de signer un contrat, et non comme des amis au moment de conclure une alliance, un pacte d'amitié. Si Dieu voulait des disciples qui soient des esclaves, il les convaincrait en faisant étalage de sa puissance. Mais, au lieu de cela, il désire que nous le suivions pas amour, et non par peur.
Aujourd'hui nous devrions donc nous demander quelles sont les invitations que Dieu nous a adressées, et comment nous y avons répondu. A-t-il parlé à notre conscience, pour nous inviter à nous débarrasser de tel péché, de telle mauvaise habitude de péché, pour accepter son pardon dans le sacrement de la confession ? Nous a-t-il parlé par certaines circonstances de notre vie, ou par des inspirations, pour nous inviter à le suivre plus étroitement dans un vocation sacerdotale ou consacrée ? Nous a-t-il suggéré de faire quelque chose pour l'Eglise ou pour notre prochain ?
Aujourd'hui, au moment où Jésus renouvelle son engagement envers nous au cours de cette Eucharistie, écoutons attentivement sa voix dans nos cœurs, et suivons-le courageusement où que ce soit, étant certains qu'il nous y conduira par la puissance de sa grâce.