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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Les Mages, Galilée et Benoît XVI

Publié par dominicanus sur 10 Janvier 2009, 02:53am

Catégories : #La vache qui rumine B 2009

Tous les nombres de la foi. Quand Ratzinger joue les Galilée

De l'étoile des Mages à la "structure intelligente" qui régit l’univers: la réponse du pape aux savants qui nient Dieu. Une enquête parmi les mathématiciens montre que beaucoup sont croyants, l'un d'eux étant même théologien

par Sandro Magister



ROMA, le 9 janvier 2008 – Dans son homélie de la fête de l'Epiphanie, Benoît XVI est revenu sur un sujet qui lui est très cher: le rapport entre la foi et la science.

Le pape s’est inspiré de l’étoile des Mages qui – a-t-il noté – "étaient selon toute probabilité des astronomes" comme le fut Galilée. Mais il a conseillé de ne pas limiter le regard à une pure contemplation du ciel étoilé. "Les étoiles, les planètes, l’univers entier – a-t-il dit – ne sont pas gouvernés par une force aveugle, ils n’obéissent pas aux dynamiques de la seule matière". Au-dessus de tout, il n’y a pas "un moteur froid et anonyme", mais ce Dieu que Dante a défini, au dernier vers de la Divine Comédie, comme "l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles", ce Dieu qui s’est incarné au milieu des hommes et leur a donné la vie. Dans la "symphonie" de la création – a continué le pape – il y a un "solo" qui donne sens au tout: ce "solo", c’est Jésus.

2009, année du quatrième centenaire des premières observations de Galileo Galilei au télescope, sera célébrée partout dans le monde comme l’année de l’astronomie. Elle sera aussi consacrée spécialement à Charles Darwin et aux théories cosmologiques qu’il a inspirées. A ce double rendez-vous, le pape donne l'impression d’arriver bien équipé.

C’est ce qu’a aussi fait comprendre un passage-clé du discours-programme qu’il a adressé à la curie romaine le 22 décembre:

"La foi en l’Esprit créateur est un contenu essentiel du Credo chrétien. Le fait que la matière porte en elle-même une structure mathématique et soit pleine d’esprit est la base sur laquelle reposent les sciences de la nature modernes. C’est seulement parce que la matière est structurée de manière intelligente que notre esprit peut l’interpréter et la remodeler activement. Le fait que cette structure intelligente provienne du même Esprit créateur qui nous a donné l’esprit à nous aussi, implique à la fois un devoir et une responsabilité. La foi à propos de la création est le fondement ultime de notre responsabilité envers la terre. Celle-ci n’est pas simplement pour nous une propriété que nous pouvons exploiter selon nos intérêts et nos désirs, mais plutôt un don du Créateur qui en a conçu l’organisation intrinsèque, nous donnant ainsi les orientations auxquelles nous devons nous tenir en tant qu’administrateurs de sa création. Le fait que la terre, le cosmos, reflètent l’Esprit créateur, signifie aussi que leurs structures rationnelles qui, au-delà de l'ordre mathématique, deviennent presque palpables par l'expérience, comportent aussi une orientation éthique. L’Esprit qui les a façonnés est plus que la mathématique: c’est le Bien en personne qui, à travers le langage de la création, nous indique la route de la vie droite".

Ce qui frappe, dans ce passage, c’est que le pape insiste plusieurs fois sur la structure mathématique de l'univers.

Les mathématiques sont en effet une science exacte qui, aujourd’hui, est souvent opposée à Dieu comme étant sa négation "scientifique", définitive.

Des savants de renommée mondiale comme l'anglais Richard Dawkins et l'italien Piergiorgio Odifreddi associent avec insistance les mathématiques à une profession d’athéisme. Leurs thèses, diffusées par des conférences, des articles et des livres à succès, tendent à devenir un langage et une pensée communs.

Les objections de ces mathématiciens athées ont été exprimées en mots simples par Giovanni, lycéen romain de 17 ans, lors d’un dialogue avec le pape sur une place Saint-Pierre pleine de jeunes, le 6 avril 2006:

"Saint-Père, nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi sont ennemies entre elles; que la logique mathématique a tout découvert; que le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n'ont pas découvert le théorème-Dieu c'est tout simplement parce que Dieu n'existe pas".

A ces objections, Benoît XVI a répondu textuellement ceci:

"Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous la forme du langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres: celui de l'Ecriture Sainte et celui de la nature. Et le langage de la nature - telle était sa conviction - sont les mathématiques; celles-ci sont donc un langage de Dieu, du Créateur.

"Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques: en soi, il s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui comme tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais - comme tel - c'est un système intellectuel, c'est une grande, géniale invention de l'esprit humain. La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.

"Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc: la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c'est 'une' raison qui les relie toutes les deux: notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.

"Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques - dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître - nous montrent la structure intelligente de l'univers. Certes, il existe également les théories du chaos, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver - comme on le prouve par l'expérience, dans les lois techniques - que les deux soient réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaisse réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.

"A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais: ou Dieu existe, ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options. Ou l'on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et est le principe de tout - la priorité de la raison est également la priorité de la liberté - ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel - la raison serait un produit de l'irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse 'prouver' l'un ou l'autre projet, mais la grande option du Christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.

"Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal dans le monde: on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu".

* * *


De cette argumentation de Benoît XVI ressortent deux éléments. Le premier est que la raison mathématique ne peut pas nier Dieu mais pas non plus le prouver. Mais elle rapproche de Lui. Et elle montre que Dieu est en définitive "une excellente option". C’est là que réapparaît l'invitation à vivre "veluti si Deus daretur", comme si Dieu existait, que Ratzinger a lancée plusieurs fois y compris "aux amis incroyants", comme Pascal l’avait fait avant lui.

Le second élément est que la raison mathématique ne peut pas tout dire de Dieu, parce que Dieu "est aussi Amour". Dans son dialogue de 2006 avec les jeunes, Benoît XVI s’était limité au simple énoncé de cette thèse. Mais, pour en connaître le développement, il suffit de lire en entier son homélie de l'Epiphanie de cette année.

* * *


Reste la question: la négation de Dieu est-elle vraiment si répandue chez les savants d’aujourd’hui et en particulier chez les mathématiciens?

A lire l'enquête qu’"Avvenire", le quotidien de la conférence des évêques d’Italie, publie par tranches depuis un mois, la réponse est non.

C’est justement sur "Nombres et foi", c’est-à-dire sur la compatibilité entre raison mathématique et foi en Dieu qu’"Avvenire" interroge d’éminents mathématiciens. L'image qui en résulte est celle d’un milieu scientifique beaucoup plus ouvert à la foi que ne l’affirme la "vulgate" des médias.

Jusqu’à présent, les interviewés ont été:

– le 11 décembre 2008, Antonio Ambrosetti, professeur titulaire d’analyse mathématique à l’Ecole normale supérieure de Pise pendant de nombreuses années et maintenant à l’Ecole internationale supérieure d’études avancées de Trieste;

– le 16 décembre, Lucia Alessandrini, professeur titulaire de géométrie à l'université de Parme;

– le 19 décembre, Giandomenico Boffi, professeur titulaire d’algèbre à l'université de Chieti et Pescara;

– le 24 décembre, Marco Andreatta, professeur titulaire de géométrie et doyen de la faculté des sciences à l'université de Trente;

– le 6 janvier 2009, Giovanni Pistone, professeur titulaire de probabilités à l’Ecole Polytechnique de Turin.

Ce dernier est membre de l’Eglise évangélique vaudoise et diplômé en théologie, alors que ceux qui précèdent sont catholiques. L'enquête d’"Avvenire" se limite à l'Italie, mais on trouve dans les réponses des interviewés de fréquentes références à d’autres pays. Parmi les maîtres qu’ils citent, il y a aussi des hommes à la foi fervente, notamment Ennio De Giorgi, l’un des plus éminents mathématiciens du XXe siècle.

L'enquête continue. On peut parier sans grand risque que l’un des prochains interviewés sera Giorgio Israel, juif et professeur titulaire de mathématiques complémentaires à l'Université de Rome "La Sapienza", grand admirateur de Benoît XVI.
> Avvenire



L'homélie de Benoît XVI pour l'Epiphanie de cette année:

> "Cari fratelli e sorelle, l’Epifania..."



Traduction française par
Charles de Pechpeyrou.




Le journal de la conférence des évêques d’Italie avec l'enquête sur "Nombres et foi", sous la direction de Luigi Dell'Aglio:



(www.chiesa)


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