Par principe et en fait, le matérialisme exclut radicalement la présence et l'action de Dieu, qui est esprit, dans le monde et par-dessus tout dans l'homme, pour la raison fondamentale qu'il n'accepte pas son existence, puisqu'il est, en soi et dans son programme, un système athée. L'athéisme est le phénomène impressionnant de notre temps: le Concile Vatican II lui a consacré quelques pages significatives (Cf. Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, GS 19-21). Même si l'on ne peut parler de l'athéisme de manière univoque, et si l'on ne peut le réduire exclusivement à la philosophie matérialiste, étant donné qu'il existe diverses formes d'athéisme et que l'on peut dire sans doute que ce mot est souvent employé dans un sens équivoque, il est toutefois certain qu'un matérialisme véritable, au sens propre du terme, a un caractère athée, lorsqu'on l'entend comme une théorie qui explique la réalité et lorsqu'on l'adopte pour premier principe de l'action personnelle et sociale. L'horizon des valeurs et des fins de l'agir que le matérialisme détermine est étroitement lié à l'interprétation de la totalité de la réalité comme "matière". Si, parfois, il parle encore de l'"esprit" et des "questions de l'esprit", par exemple dans le domaine de la culture ou de la morale, il le fait seulement en considérant certains faits comme dérivés (épiphénomènes) de la matière, qui est, selon ce système, la forme unique et exclusive de l'être. Il s'ensuit que, selon cette interprétation, la religion ne peut se comprendre que comme une sorte d'"illusion idéaliste", à combattre selon les manières et les méthodes les plus appropriées aux lieux et aux circonstances historiques, pour l'éliminer de la société et du coeur même de l'homme.
On peut donc dire que le matérialisme est le développement systématique et cohérent de la "résistance" et de l'opposition dénoncées par saint Paul lorsqu'il dit: "La chair ... s'oppose à l'esprit". Cette réalité conflictuelle est cependant réciproque, comme le souligne l'Apôtre dans la seconde partie de son aphorisme: "L'esprit s'oppose à la chair". Celui qui veut vivre selon l'Esprit, en acceptant son action salvifique et en s'y conformant, ne peut pas ne pas repousser les tendances et les prétentions de la "chair", qu'elles soient intérieures ou extérieures, y compris dans leur expression idéologique et historique de "matérialisme" antireligieux. Sur cette toile de fond si caractéristique de notre temps, il faut souligner les "désirs de l'esprit" dans la préparation du grand Jubilé: ils sont des appels qui résonnent dans la nuit d'une nouvelle période d'Avent, au terme de laquelle, comme il y a deux mille ans, "toute chair verra le salut de Dieu" (Lc 3,6 cf. Is 40,5). Voilà une possibilité et une espérance que l'Eglise confie aux hommes d'aujourd'hui. Elle sait que la rencontre, l'affrontement entre, d'une part, les "désirs contraires à l'Esprit", qui caractérisent tant d'aspects de la civilisation contemporaine spécialement en certains domaines, et, d'autre part, les "désirs contraires à la chair" - avec le fait que Dieu s'est rendu proche de nous, avec son Incarnation, avec la communication toujours nouvelle qu'il fait de lui-même dans l'Esprit Saint -, peut présenter en certains cas un caractère dramatique et aboutir peut-être à de nouvelles défaites humaines. Mais l'Eglise croit fermement que, pour sa part, Dieu ne cesse de se donner lui-même pour le salut, de venir pour le salut, et, au besoin, de "manifester le péché" pour le salut, par l'Esprit.