TROISIÈME PARTIE
LA PAROLE DE DIEU DANS LA MISSION DE L'ÉGLISE
« Il vint à Nazareth où il avait été élevé, entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : ‘L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur'. Il replia le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : ‘Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture' » (Lc 4,16-21).
Mission de l'Église
42. Dans son annonce de la Bonne Nouvelle, la mission de l'Église est étroitement liée à l'expérience de la Parole de Dieu dans la vie. À l'école de la Parole incarnée elle-même, l'Église a conscience que, conformément au commandement du Seigneur, sa fréquentation du Christ est une parole, une expérience de vie devant être communiquée à tous les hommes. Aujourd'hui, la mission de l'Église, au service de la Parole de Dieu, s'adresse à différents milieux : peuples et groupes humains, contextes socio-culturels où le Christ et son Évangile sont encore inconnus ou n'ont pas encore pris racines ; il y a aussi des communautés chrétiennes ferventes de foi et de vie ; et la situation de groupes entiers de baptisés qui ne se reconnaissent plus comme membres de l'Église et conduisent une existence loin du Christ et de son Évangile.[69] Aussi devient-il nécessaire de réfléchir de manière appropriée sur ce dynamisme missionnaire diversifié de la Parole de Dieu dans l'Église.
Chapitre VI
Pour « que l'accès à la Sainte Écriture soit largement ouvert » (DV 22)
La mission de l'Église est de proclamer la Parole et de construire le Royaume de Dieu
43. En ce début de nouveau millénaire, la mission de l'Église est de se nourrir de la Parole, pour la servir en s'engageant dans l'évangélisation.[70]
La raison d'être de l'Église et de sa mission est sans aucun doute d'annoncer l'Évangile. Ce qui implique qu'elle doit vivre ce qu'elle prêche. C'est là le chemin décisif pour qu'apparaisse crédible ce qu'elle proclame, nonobstant les faiblesses et les pauvretés. Lorsqu'il répondait à la Parole de Dieu, le peuple d'Israël disait : « Tout ce que [le Seigneur] a dit, nous le ferons et nous y obéirons » (Ex 24,7) ; Jésus aussi invitait ses disciples à répondre de cette façon à la fin du Discours sur la Montagne (cf. Mt 7,21-27).
La force intime et le contenu de l'annonce de la Parole de Dieu, à l'école de Jésus, sont le Royaume de Dieu (cf. Mc 1,14-15). Le Royaume de Dieu est la Personne même de Jésus qui, par les mots et par les œuvres, offre le salut à tous les hommes. En prêchant Jésus-Christ, l'Église participe donc à la construction du Royaume de Dieu, elle en éclaire la dynamique de semence qui germe (cf. Mc 4,27) et invite tous les hommes à l'accueillir.
« Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile » (1 Co 9,16) : cette phrase de Saint Paul résonne aujourd'hui encore dans l'Église de façon urgente et devient pour tous les chrétiens non pas une simple information, mais une vocation au service de l'Évangile pour le monde. En effet, comme le dit Jésus, « la moisson est abondante » (Mt 9,37) et variée : nombreux sont ceux qui n'ont jamais entendu l'Évangile et attendent d'en recevoir la première annonce, en particulier dans les continents de l'Afrique et de l'Asie ; et il y en aussi beaucoup qui ont oublié l'Évangile et attendent une nouvelle évangélisation. Un critère indispensable de vérification de la mission de l'Église consiste à apporter le témoignage clair et partagé d'une vie selon la Parole de Dieu, attestée par Jésus.
En vérité, sur le chemin de l'annonce de l'Évangile et de l'écoute du Seigneur, les difficultés ont été nombreuses et elles continuent de l'être. Et ce pour différents motifs : la culture contemporaine qui, pour diverses raisons, est portée au relativisme et au sécularisme; les nombreuses sollicitations du monde et l'activisme qui étouffent l'esprit, ce pourquoi on remarque une certaine difficulté à intérioriser le message évangélique ; dans de nombreuses régions, le manque de matériels bibliques entrave l'utilisation du Texte biblique, sa traduction et sa diffusion. En outre, on se heurte aussi en particulier à l'obstacle des sectes et du fondamentalisme qui empêche une interprétation correcte de la Bible. Apporter la Parole de Dieu est une mission forte qui implique une compréhension profonde et convaincue cum Ecclesia.
L'une des premières conditions d'une annonce évangélique efficace est la confiance dans la puissance transformatrice de la Parole dans le cœur de celui qui écoute. Car, « vivante, en effet, est la Parole de Dieu, efficace, [...] elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4,12). Une deuxième condition, particulièrement ressentie et crédible aujourd'hui, est d'annoncer la Parole de Dieu comme une source de conversion, de justice, d'espérance, de fraternité et de paix. Les autres conditions sont la franchise, le courage, l'esprit de pauvreté, l'humilité, la cohérence et la cordialité, de la part de ceux qui servent la Parole de Dieu. Saint Augustin a écrit : « Tout ce que nous avons pu dire jusqu'alors en traitant des choses, se résume à établir cette grande vérité, que la plénitude et la fin de la loi et de toutes les divines Écritures, consiste dans l'amour [...]. C'est donc à tort qu'on se flatterait de comprendre les divines Écritures en tout ou en partie, si cette connaissance ne sert pas à établir le double amour de Dieu et du prochain : c'est ne pas en avoir encore la moindre intelligence ».[71] En résumé, comme l'affirme le Saint-Père Benoît XVI, lorsqu'on reçoit la Parole de Dieu, qui est amour, il s'en suit qu'on ne peut véritablement annoncer le Seigneur si on ne pratique pas l'amour, dans l'exercice de la justice et de la charité.[72]
La mission de l'Église se réalise dans l'évangélisation et dans la catéchèse
44. Dans l'histoire du Peuple de Dieu, depuis toujours la Parole est annoncée à travers l'évangélisation et la catéchèse. À partir du Concile Vatican II, on se rend compte que le rapport entre la Bible et l'évangélisation sous ses différentes formes - depuis la première annonce jusqu'à la catéchèse permanente - est très étroit. Partout, les Catéchismes nationaux et les Directoires qui les inspirent présentent les qualités bibliques requises et mettent à la première place la Parole de Dieu puisée dans les Écritures. Souvent, des explications sont demandées sur un thème central : l'intégration de l'intelligence de foi que proposent la Tradition et le Magistère avec le Texte biblique.
Pour ce qui est du principe, il faut rappeler dans toute sa clarté l'affirmation conciliaire suivante : « C'est aussi de la même parole de l'Écriture que le ministère de la parole, autrement dit la prédication pastorale, la catéchèse et toute l'instruction chrétienne, dans laquelle il faut que l'homélie liturgique ait une place privilégiée, est nourri de façon salutaire et trouve sa sainte vigueur » (DV 24). Le Pape Jean-Paul II a affirmé qu' « il y a l'évangélisation et la catéchèse qui prennent une nouvelle vigueur précisément lorsqu'on est attentif à la Parole de Dieu ».[73] Le Directoire général pour la catéchèse précise le sens de la « Parole de Dieu, source de la catéchèse » en affirmant : « La catéchèse puisera toujours son contenu à la source vivante de la Parole de Dieu, transmise dans la Tradition et dans les Écritures ».[74]
Il est important de recommander de ne pas réduire la Parole de Dieu dans la catéchèse à un simple objet qu'il convient de connaître, comme une matière scolaire. À la lumière de la Révélation, il faudra être attentif à ce que la rencontre avec les Écritures dans la catéchèse soit un acte par lequel Dieu lui-même s'adresse aux personnes, tout comme il en est dans la célébration liturgique. Il s'agit, grâce aux textes bibliques, de faire ressentir la présence réelle et bienveillante de Dieu, qui ne cesse jamais de se manifester aux hommes. Dans une telle perspective, la catéchèse est étroitement liée à la Lectio Divina, du fait qu'elle est une expérience d'écoute et de prière de la Parole de Dieu, dès les premières années de la vie.
45. Pour ce qui est de l'application, il faut avoir présent à l'esprit les différentes formes de communication de la Parole de Dieu, en même temps que les exigences toujours nouvelles des fidèles selon la diversité des âges et des conditions spirituelles, culturelles et sociales, comme l'indiquent le Directoire général de la catéchèse et les Directoires catéchétiques des différentes Églises particulières.[75]
L'évangélisation a lieu suivant des canaux privilégiés tels que le parcours de l'Année liturgique, le cheminement d'initiation chrétienne, la formation permanente.[76] La catéchèse catéchuménale et mystagogique conduit à une mentalité biblique féconde, qui permet aussi d'éclairer efficacement la religiosité populaire grâce à la Parole de Dieu à laquelle elle puise souvent. Un rôle important est celui de la rencontre directe avec les Saintes Écritures qui constitue un objectif premier. La catéchèse « doit s'imprégner et se pénétrer de la pensée, de l'esprit et des attitudes bibliques et évangéliques par un contact assidu avec les textes eux-mêmes ».[77]
En raison de son importance culturelle particulière, l'enseignement de la Bible doit être valorisé dans les écoles et plus spécialement lors de l'enseignement de la religion, afin de proposer un itinéraire complet de découverte des grands textes bibliques mais aussi des méthodes d'interprétation adoptées par l'Église. Pour ce faire, le Catéchisme de l'Église catholique est « un instrument valable et autorisé au service de la communion ecclésiale et [...] une norme sûre pour l'enseignement de la foi ».[78] L'intention n'est nullement qu'il remplace la catéchèse biblique, mais plutôt qu'il l'insère dans la vision plus complète de l'Église.
Étant donné les importants changements culturels et sociaux survenus, une catéchèse qui aide à expliquer les « pages difficiles » de la Bible devient nécessaire. On remarque ce type de difficultés pour ce qui touche à l'histoire, à la science et à la vie morale, et en particulier pour ce qui concerne certaines représentations de Dieu et certains comportements éthiques de l'homme, plus spécialement dans l'Ancien Testament. Une solution sera recherchée à partir d'une réflexion organique de caractère exégétique et théologique, mais aussi anthropologique et pédagogique.
Enfin, la prédication dans ses formes les plus variées reste l'un des principaux moyens pour communiquer la foi dans l'Église, mais aussi la forme la plus exposée au jugement des fidèles. Il faut penser à un projet stratégique de formation à la prédication de la Parole (cf. DV 25). Quant au processus de communication, l'Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi du Pape Paul VI garde toute son actualité, en particulier lorsqu'elle déclare qu'il faut reconnaître la première place au témoignage personnel dans l'annonce de la Parole de Dieu et à sa transmission dans les structures familiales ou dans les milieux habituellement fréquentés.
[69] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Enc. Redemptoris missio (07.12.1990), 33 : AAS 83 (1991) 277-278.
[70] Cf. Ioannes Paulus II, Litt. Apost. Novo millennio ineunte (06.01.2001), 40 : AAS 93 (2001) 294.
[71] S. Augustinus, De doctrina christiana, I, 35,39-36,40 : PL 34,34.
[72] Cf. Benedictus XVI, Litt. Enc. Deus caritas est (25.12.2005) : AAS 98 (2006) 217-252.
[73] Ioannes Paulus II, Litt. Apost. Novo millennio ineunte (06.01.2001), 39 : AAS 93 (2001) 293.
[74] Congregatio pro Clericis, Directorium generale pro catechesi (15.08.1997), 94 : Enchiridion Vaticanum 16, EDB, Bologna 1999, pp. 738-740; Ioannes Paulus II, Adhort Apost. Catechesi tradendæ (16.10.1979), 27 : AAS 71 (1979) 1298.
[75] Cf. Congregatio de Culto Divino et Disciplina Sacramentorum, Directoire sur la Piété populaire et la Liturgie (09.04.2002), 87-89, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican 2002, pp. 81-82.
[76] Cf. Congregatio pro Clericis, Directorium generale pro catechesi (15.08.1997), I, 2 : Enchiridion Vaticanum 16, EDB, Bologna 1999, pp. 684-708.
[77] Ibidem, 127, p. 794; Ioannes Paulus II, Adhort Apost. Catechesi tradendæ (16.10.1979), 27 : AAS 71 (1979) 1298.
[78] Ioannes Paulus II, Const. Apost. Fidei depositum (11.10.1992), IV : AAS 86 (1994) 117.