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Publié par dominicanus

Une "nouvelle Pentecôte de l'Eglise en Amérique": c'est le rêve de Benoît XVI. Pour l'expliquer, il s'inspire du "pur style gothique" de l'église où il dit la messe. Et aux jeunes, il donne cette consigne: suivez l'exemple des saints

par Sandro Magister

 



ROMA, le 21 avril 2008 – Le cinquième jour de Benoît XVI aux Etats-Unis a été marqué par deux temps forts: la célébration de la messe à la cathédrale Saint-Patrick, à New York, et la rencontre avec des milliers de jeunes gens candidats au sacerdoce et à la vie religieuse, au tout proche séminaire Saint-Joseph.

Des trois messes publiques de Benoît XVI pendant son voyage aux Etats-Unis, c’est la seule qui ait été célébrée dans une église. Un choix inhabituel: lors des voyages pontificaux, les célébrations ont presque toujours lieu à l’extérieur, en raison des grandes foules qui y assistent. Mais l'exception a été voulue par le pape lui-même. Et il a évoqué les raisons de ce choix dans son homélie.

Le pape, s’adressant aux prêtres, religieux et religieuses qui remplissaient l’église – il a souhaité leur présence à la célébration en tant qu’acteurs de la "nouvelle Pentecôte de l’Eglise en Amérique" qu’il appelle de ses vœux – a construit une bonne partie de son homélie en se référant au "pur style gothique" de la cathédrale historique de New York: à ses vitraux, à son architecture, à son élan vertical. Ces éléments architecturaux l’ont inspiré pour l’appel à un engagement renouvelé à se convertir et à évangéliser qu’il a adressé à l’assistance.

Dans un passage de son homélie, Benoît XVI a parlé pour la quatrième fois de la tragédie des abus sexuels sur mineurs commis par des hommes d’Eglise, invitant l’assistance à prier avec lui "pour que cette période soit un temps de purification [...] et de guérison".

A ce sujet, quelques détails ont filtré sur la rencontre – le 17 avril, dans la chapelle de la nonciature à Washington – entre le pape et cinq hommes et femmes victimes d’abus. Volontairement, la rencontre n’avait pas été annoncée et a eu lieu à l’abri des caméras de télévision. Mais certains participants ont ensuite indiqué qu’ils avaient eu une opinion très positive du geste du pape. L’un d’eux, Olan Horne, a dit s’être rendu à la rencontre plein de rancœur mais en être sorti rasséréné. "Aujourd’hui mon espérance a été régénérée", a-t-il déclaré à Radio Vatican.

Dans l’après-midi du samedi 19 avril, Benoît XVI s’est ensuite rendu au séminaire Saint-Joseph, à Yonkers, dans la banlieue de New York, pour parler à des milliers de jeunes candidats au sacerdoce et à la vie religieuse. Cette rencontre aussi a été imposée par le pape lui-même dans le programme du voyage.

A ses jeunes auditeurs, Benoît XVI a dicté un programme de vie chrétienne très chargé, sans réductions. Et il leur a donné rendez-vous à Sydney, en juillet, pour la prochaine Journée Mondiale de la Jeunesse.

Ils ont répondu avec enthousiasme. De même, les New Yorkais s’étaient montrés très chaleureux avec le pape, le matin, lors qu’il a parcouru la Cinquième Avenue pour se rendre à la cathédrale Saint-Patrick.

Les comptes-rendus que les médias font du voyage pontifical s’avèrent également plus favorables que prévu.

Voici donc ci-dessous les principaux passages de l'homélie prononcée à la cathédrale Saint-Patrick et du discours adressé aux jeunes.


Une nouvelle Pentecôte de l’Eglise en Amérique
par Benoît XVI

New York, homélie de la messe à la cathédrale Saint-Patrick, samedi 19 avril 2008


Chers frères et sœurs dans le Christ, [...] je voudrais attirer votre attention sur quelques caractéristiques de cette magnifique église. Je crois que cela peut servir de point de départ pour une réflexion sur nos vocations particulières au sein de l’unité du Corps mystique.

La première caractéristique concerne les vitraux historiés qui inondent l’intérieur d’une lumière mystique. Vus de l’extérieur, ces vitraux paraissent sombres, lourds, et même lugubres. Mais quand on entre dans l’église, ils prennent vie d’un seul coup; grâce à la lumière qui les traverse, ils révèlent toute leur splendeur. Beaucoup d’écrivains – ici en Amérique on peut penser à Nathaniel Hawthorne – ont utilisé l’image des vitraux pour expliquer le mystère de l’Eglise elle-même. Ce n’est que de l’intérieur, par l’expérience de la foi et de la vie ecclésiale, que nous voyons l’Eglise comme elle est vraiment: inondée de grâce, éblouissante de beauté, ornée des multiples dons du Saint-Esprit. En conséquence, nous, qui vivons la vie de grâce dans la communion de l’Eglise, nous sommes appelés à attirer le monde entier à l’intérieur de ce mystère de lumière.

Ce n’est pas une tâche facile dans un monde qui peut être enclin à regarder l’Eglise, comme ces vitraux, “de l’extérieur”: un monde qui ressent un besoin profond de spiritualité, mais trouve difficile d’“entrer dans” le mystère de l’Eglise. Même pour certains d’entre nous qui sommes à l’intérieur, la lumière de la foi peut être affaiblie par la routine et la splendeur de l’Eglise être obscurcie par les péchés et les faiblesses de ses membres. [...]

Mais la parole de Dieu nous rappelle que, par la foi, nous voyons les cieux ouverts et la grâce de l’Esprit Saint qui éclaire l’Eglise et apporte une espérance certaine à notre monde. “Seigneur, mon Dieu”, chante le psalmiste, “si tu envoies ton Esprit, ils sont créés et tu renouvelles la face de la terre” (Ps 104,30). Ces mots évoquent la création initiale du monde, quand “l’Esprit de Dieu planait sur les eaux” (Gn 1,2). Et ils dirigent notre regard vers la nouvelle création, à la Pentecôte, quand le Saint-Esprit est descendu sur les Apôtres et a instauré l’Eglise comme prémices de l’humanité rachetée (cf. Jn 20,22-23). Ces mots nous exhortent à une foi de plus en plus profonde dans le pouvoir infini qu’a Dieu de transformer toute situation humaine, de créer de la vie à partir de la mort et d’éclairer même la nuit la plus obscure. Et ils nous font penser à une autre phrase, très belle, de saint Irénée: “Là où est l’Eglise, là est l’Esprit de Dieu; là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Eglise et toute grâce” (Adv. Haer. III, 24,1).

Cela me conduit à une autre réflexion sur l’architecture de cette église. Comme toutes les cathédrales gothiques, c’est une structure très complexe, dont les proportions précises et harmonieuses symbolisent l’unité de la création de Dieu. Les artistes médiévaux représentent souvent le Christ, Parole créatrice de Dieu, comme un “géomètre” céleste, tenant le compas en main, qui ordonne le cosmos avec infiniment de sagesse et de détermination. Est-ce qu’une telle image ne nous fait pas penser à notre besoin de voir toutes les choses avec les yeux de la foi, pour pouvoir les comprendre dans leur perspective la plus vraie, dans l’unité du plan éternel de Dieu? Cela demande, comme on le sait, une conversion constante et l’engagement de “nous renouveler par une transformation spirituelle de notre jugement” (cf. Ep 4,23), pour acquérir une mentalité nouvelle et spirituelle. Cela exige aussi de développer ces vertus qui permettent à chacun de nous de progresser dans la sainteté et de porter des fruits spirituels dans notre vie personnelle. Cette conversion “intellectuelle” constante n’est-elle pas aussi nécessaire que la conversion “morale” pour que nous progressions dans la foi, pour que nous discernions les signes des temps et pour que nous contribuions personnellement à la vie et à la mission de l’Eglise? [...]

Ici, dans le contexte de notre besoin d’une perspective fondée sur la foi ainsi que d’unité et de collaboration dans le travail d’édification de l’Eglise, je voudrais dire un mot des abus sexuels qui ont provoqué tant de souffrances. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler ainsi que des dommages qui en résultent pour la communauté des fidèles. Je voudrais simplement vous assurer, chers prêtres et religieux, que je suis proche de vous spirituellement, tandis que vous cherchez à répondre avec une espérance chrétienne aux défis continus que crée cette situation. Je m’unis à vous dans la prière pour que cette période soit un temps de purification pour chacun de vous et pour chaque Eglise ou communauté religieuse, pour que ce soit un temps de guérison. Je vous encourage aussi à collaborer avec vos Evêques qui continuent à travailler efficacement pour résoudre ce problème. Que le Seigneur Jésus-Christ donne à l’Eglise en Amérique un sens renouvelé de l’unité et de la décision, alors que tous – Evêques, clergé, religieux, religieuses et laïcs – marchent dans l’espérance et dans l’amour les uns des autres et de la vérité.

Chers amis, ces considérations me conduisent à une dernière observation à propos de cette grande cathédrale où nous nous trouvons. L’unité d’une cathédrale gothique, nous le savons, n’est pas l’unité statique d’un temple classique, mais une unité née de la tension dynamique de forces diverses qui poussent l’architecture vers le haut et l’orientent vers le ciel. Là aussi on peut voir un symbole de l’unité de l’Eglise qui est celle – comme l’a dit saint Paul – d’un corps vivant composé de nombreux membres différents, chacun d’eux ayant son rôle et sa décision. Ici encore nous voyons qu’il faut reconnaître et respecter les dons de chaque membre du corps comme “des manifestations de l’Esprit en vue du bien commun” (1 Cor 12,7). Certes, dans la structure de l’Eglise voulue par Dieu, il faut distinguer les dons hiérarchiques des dons charismatiques (cf. Lumen gentium, 4). Mais justement la variété et la richesse des grâces données par l’Esprit nous invitent constamment à discerner comme ces dons doivent être mis correctement au service de la mission de l’Eglise. [...]

Chers frères et sœurs, [...] les sommets des tours de la cathédrale Saint-Patrick sont largement dépassés par les gratte-ciel de Manhattan, mais ils sont, au cœur de cette métropole affairée, un signe vivant de la nostalgie qui pousse constamment l’esprit humain à s’élever vers Dieu. Par cette célébration eucharistique, nous voulons remercier le Seigneur parce qu’il nous permet de le reconnaître dans la communion de l’Eglise et de collaborer avec Lui, en édifiant son Corps mystique et en portant sa parole salvatrice comme une bonne nouvelle aux hommes et aux femmes de notre temps. Et quand nous sortirons de cette grande église, allons comme des hérauts de l’espérance au milieu de cette ville et dans tous les lieux où la grâce de Dieu nous a placés. De cette façon l’Eglise connaîtra en Amérique un nouveau printemps dans l’Esprit et indiquera le chemin vers cette autre ville plus grande, la nouvelle Jérusalem, dont la lumière est l’Agneau (cf. Ap 21,23). Parce que Dieu prépare maintenant un festin de joie et de vie sans fin pour tous les peuples. Amen.

"Montrez au monde la raison d’espérer qui est en vous"
par Benoît XVI

New York, aux jeunes réunis au Séminaire Saint-Joseph, samedi 19 avril 2008


Chers jeunes amis, [...] mes années de jeunesse ont été gâchées par un régime désastreux qui croyait connaître toutes les réponses; son influence a augmenté – pénétrant dans les écoles et dans les organismes civils mais aussi dans la politique et même dans la religion – avant d’être pleinement reconnu pour la monstruosité qu’il était. Il avait banni Dieu, ce qui l’a rendu inaccessible à tout ce qui était vrai et bon. Les parents et grands-parents de beaucoup d’entre vous vous auront raconté l’horreur de la destruction qui a suivi. Certains d’entre eux, d’ailleurs, sont venus en Amérique justement pour fuir cette terreur.

Remercions Dieu de ce que, aujourd’hui, beaucoup de gens de votre génération sont en mesure de jouir de libertés qui sont apparues grâce à la diffusion de la démocratie et du respect des droits de l’homme. [...]

Mais le pouvoir de détruire subsiste. Soutenir le contraire serait se mentir à soi-même. Mais il ne triomphera jamais; il a été vaincu. C’est là l’essence de l’espérance qui nous distingue en tant que chrétiens; l’Eglise le rappelle de manière très dramatique pendant le Triduum Pascal et le célèbre avec une grande joie au Temps Pascal! Celui qui nous indique le chemin au-delà de la mort est Celui qui nous indique comment surmonter la destruction et l’angoisse: c’est donc Jésus qui est le vrai maître de vie (cf. Spe salvi, 6). Sa mort et sa résurrection signifient que nous pouvons dire au Père céleste: “Tu as renouvelé le monde” (Vendredi Saint, Prière après la communion). Voilà pourquoi, il y a quelques semaines, pendant la si belle liturgie de la Veillée Pascale, ce n’est pas par désespoir ou angoisse, mais avec une foi pleine d’espérance, que nous avons crié à Dieu en faveur de notre monde: "Dissipe les ténèbres de notre cœur! Dissipe les ténèbres de notre esprit!" (cf. Prière pendant l’allumage du cierge pascal).

Que peuvent être ces ténèbres? Que se passe-t-il quand les gens, surtout les plus vulnérables, rencontrent le poing fermé de la répression ou de la manipulation au lieu de la main tendue de l’espérance?

Le premier groupe d’exemples appartient au cœur. Là, les rêves et les désirs des jeunes peuvent être très facilement brisés et détruits. Je pense à tous ceux qui sont victimes de la consommation de drogue et de stupéfiants, du manque de logement et de la pauvreté, du racisme, de la violence et de la déchéance – en particulier les jeunes filles et les femmes. Les causes de ces situations problématiques sont complexes, mais elles ont toutes en commun une attitude mentale empoisonnée qui aboutit à traiter les personnes comme de simples objets. On voit ainsi apparaître une insensibilité de cœur qui ignore d’abord et méprise ensuite la dignité donnée par Dieu à tout être humain. [...]

Bien souvent, la seconde zone de ténèbres – celles qui affectent l’esprit – n’est pas ressentie, ce qui la rend particulièrement dangereuse. [...] La liberté est une valeur délicate. Elle peut être mal comprise ou mal utilisée. Dans ce cas, elle ne conduit pas au bonheur que nous en attendons tous, mais à une sombre situation de manipulation, dans laquelle notre compréhension de nous-mêmes et du monde devient confuse ou même déformée par ceux qui ont un projet secret.

Avez-vous remarqué combien il était fréquent que la revendication de la liberté s’exprime sans jamais faire référence à la vérité de l’être humain? Aujourd’hui, il y a des gens qui affirment que le respect de la liberté de l’individu rend injuste la recherche de la vérité, y compris la vérité sur ce qu’est le bien. Dans certains milieux, parler de vérité est considéré comme générateur de discussions ou de divisions et donc à faire plutôt en privé. Et à la place de la vérité – ou plutôt de son absence – l’idée s’est répandue que, en valorisant tout indistinctement, on obtient la liberté et on libère la conscience. C’est ce que nous appelons le relativisme. Mais à quoi sert une “liberté” qui, négligeant la vérité, s’attache à ce qui est faux ou injuste? A combien de jeunes a été tendue une main qui, au nom de la liberté ou de l’expérience, les a conduits à la dépendance vis-à-vis des stupéfiants, à la confusion morale ou intellectuelle, à la violence, à la perte du respect de soi-même, jusqu’au désespoir et par là, hélas, au suicide? Chers amis, la vérité n’est pas quelque chose que l’on impose. Ce n’est pas non plus un simple ensemble de règles. C’est la découverte de Quelqu’un qui ne nous trahit jamais; de Quelqu’un à qui nous pouvons toujours faire confiance. En cherchant la vérité, nous arrivons à vivre en nous appuyant sur la foi parce qu’en définitive, la vérité est une personne: Jésus-Christ. Voilà pourquoi la vraie liberté consiste à choisir non pas de “se dégager de” mais de “s’engager à”; rien de moins que de sortir de soi-même et accepter d’entrer dans l’“être pour les autres” du Christ (cf. Spe salvi, 28).
...

(Autres passages du discours du pape seront bientôt disponibles)


Le programme et les documents du voyage de Benoît XVI, sur le site du Vatican:

> Voyage aux Etats-Unis et visite à l'ONU, 15-21 avril 2008


Le voyage du pape sur le site de la conférence des évêques des Etats-Unis:

> Christ Our Hope

Et sur le site de l’agence de presse de la conférence, Catholic News Service:

> Visit to America




Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France. (19.4.2008) (17.4.2008)

(Source : www.chiesa)
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