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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Saint Augustin, Jésus et la Samaritaine (3)

Publié par dominicanus sur 27 Février 2008, 18:04pm

Catégories : #La vache qui rumine (Année A)

 14. Le Seigneur lui parle de cette eau vive en termes plus clairs. Cette femme lui avait dit: "Etes-vous plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits; et lui-même en a bu, et ses enfants, et ses troupeaux?" En d'autres termes: vous ne pouvez me donner de cette eau vive, car vous n'avez pas de vase pour en puiser; sans doute celle que vous me promettez a sa source ailleurs. Pensez-vous donc valoir mieux que notre père, qui a creusé ce puits pour son usage et celui des siens? C'est le moment que le Seigneur lui explique ce qu'il entend par eau vive. "Jésus lui répondit: Quiconque boira de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante jusqu'à la vie éternelle". Ici le langage de Notre-Seigneur est plus clair: "Cette eau deviendra en lui une source jusqu'à la vie éternelle. Celui qui boira de cette eau n'aura jamais soif". Etait-il possible de marquer plus clairement que s'il promettait de l'eau, c'était une eau invisible, et non pas une eau visible; qu'il parlait selon l'esprit et non selon la chair?

15. Néanmoins cette femme comprend encore les choses dans un sens charnel; heureuse de penser qu'elle n'aurait plus soif, elle supposait que le Sauveur lui avait fait une pareille promesse dans le sens matériel: sans doute cette promesse se réalisera un jour, mais au jour de la résurrection des morts. La Samaritaine voulait la voir s'accomplir immédiatement. Aussi bien Dieu avait autrefois donné à son serviteur Elie de demeurer quarante jours sans éprouver ni faim, ni soif (1). Celui qui a pu accorder une pareille grâce pendant quarante jours, ne peut-il pas l'accorder toujours? Elle soupirait donc, ne voulant ni manquer d'eau, ni s'en procurer avec tant de fatigue. Venir continuellement à cette fontaine, s'en retourner chargée de la provision nécessaire pour subvenir à ses besoins; puis, cette provision épuisée, se voir de nouveau contrainte à revenir, c'était là son travail de tous les jours, parce que cette eau qui soulageait la soif -ne l'éteignait pas. Joyeuse de la promesse que lui fait le Christ de cette eau vive, elle demande au Seigneur de la lui donner.

16. Toutefois, n'oublions pas que le Sauveur lui promettait un don spirituel. Qu'est. ce à dire: "Celui qui boira de cette eau aura encore soif?" Parole véritable, si on l'applique à cette eau véritable encore, si un l'applique à ce dont elle était la figure. L'eau, au fond de ce puits, c'est la volupté du siècle dans sa ténébreuse profondeur. La cupidité des hommes, voilà le vase qui leur sert à y puiser. Leur cupidité les fait pencher vers ces profondeurs jusqu'à ce qu'ils en touchent le fond et y puisent le plaisir; mais toujours la cupidité marche et précède. Car celui qui ne fait pas d'abord marcher la cupidité ne peut arriver au plaisir. Supposez donc que la cupidité est le vase avec lequel on puise, et que l'eau que l'on doit tirer du puits c'est le plaisir lui-même, et le plaisir mondain que l'on goûte, c'est le boire, le manger, le bain, les spectacles, l'impureté; celui qui s'y adonne n'en sera-t-il plus désormais altéré? Donc Jésus dit avec raison: "Celui qui boira de cette eau aura encore soif"; mais si je lui donne de mon eau, "il n'aura jamais soif". Nous serons rassasiés, a dit le Prophète, "de l'abondance des biens de votre maison (2)". De quelle eau donnera donc le Sauveur, sinon de celle dont il est écrit: "En vous est la source de vie?" Comment, en effet, auront soif "ceux qui seront enivrés de l'abondance de votre maison (3)?"

17. Ce que promettait donc Notre-Seigneur, c'était la plénitude et la satiété dont le Saint-Esprit est l'auteur. La Samaritaine ne le comprenait pas encore, et dans son intelligence que répondait-elle? "Cette femme lui dit . "Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour en tirer". Travail pénible auquel la contraignaient ses besoins et qui rebutait sa faiblesse. Si seulement elle entendait ces paroles: "Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai (4)!" Car ce que lui promettait Jésus, c'était la délivrance de sa peine; mais elle ne le comprenait pas encore.

18. Aussi, pour lui donner l'intelligence, "Jésus lui dit: Va, appelle ton mari, viens ici". Qu'est-ce à dire: "Appelle ton mari?" Voulait-il lui donner de cette eau par l'entremise de son mari? Ou bien voulait-il, par l'intermédiaire de celui-ci, lui enseigner ce qu'elle ne comprenait pas encore? Peut-être parlait-il dans le même sens que l'Apôtre, lorsqu'il dit des femmes: "Si elles veulent apprendre quelque chose, qu'elles interrogent leurs maris dans leurs maisons?" Mais Paul fait aux femmes cette recommandation: "Qu'elles interrogent leurs maris dans leurs maisons", pour le cas où Jésus n'est pas là afin de les instruire lui-même; d'ailleurs l'Apôtre s'adressait aux femmes à qui il défendait de parler dans l'Église (5). Mais le Seigneur était là, et il parlait directement à la Samaritaine: y avait-il dès lors nécessité de se servir de son mari pour l'instruire? Etait-ce par l'intermédiaire de son mari qu'il parlait à Madeleine, au moment où celle-ci, assise à ses pieds, l'écoutait attentivement, et où Marthe, tout entière à la multitude des soins de son ministère hospitalier, murmurait cependant de la félicité de sa soeur (6)? Donc, mes frères, prêtons l'oreille et tâchons de comprendre ce que Notre-Seigneur dit à cette femme: "Appelle ton mari". Ce mari de notre âme, cherchons à le connaître. Pourquoi Jésus ne serait-il pas le véritable époux de notre âme? Puissiez-vous me bien comprendre! car ce que j'ai à dire ne peut être compris, même par les personnes attentives, que dans une faible mesure. Puissiez-vous me comprendre et l'intelligence de mes paroles sera peut-être l'époux de vos âmes.

19. Voyant que cette femme ne le comprenait pas, et voulant lui faire saisir sa pensée, Jésus lui dit: "Appelle ton mari". Tu ne comprends pas encore ce que je dis, parce que ton intelligence n'est pas encore ouverte; je parle selon l'esprit et tu m'entends selon la chair. Ce que je dis ne flatte ni les oreilles, ni les yeux, ni l'odorat, ni le goût, ni le sens du toucher; l'esprit seul le saisit, l'entendement seul peut en faire sa propriété. Or, cet entendement tu ne l'as pas encore; comment donc pourrais-tu comprendre mes paroles? "Appelle ton mari"; amène ici ton entendement. Car à quoi te servirait d'avoir seulement une âme? Il n'y aurait là rien de merveilleux, car les bêtes en ont aussi une. D'où vient ta prééminence sur elles? De l'entendement que tu as et qu'elles n'ont pas. Quel est donc le sens de ces paroles: "Appelle ton mari?" Tu ne m'entends pas, tu ne me comprends pas; je te parle du don de Dieu, tu penses à ton corps; tu ne veux plus que ton corps ait soif, je m'adresse à l'esprit: ton entendement n'y est pas, "appelle ton mari". Ne sois pas comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence (7). Donc, mes frères, avoir une âme et n'avoir point d'entendement, ou en d'autres termes l'avoir inutilement et n'en pas faire la règle de notre vie, c'est mener une vie de bête. Car il y a en nous quelque chose qui tient de la bête, et fait vivre notre corps; ce quelque chose, l'entendement doit le régir. Ainsi l'esprit doit imprimer une direction plus noble aux mouvements de l'âme quand elle se laisse influencer par le corps et qu'elle désire se précipiter sans mesure dans les plaisirs de la chair. Qui est-ce qui doit être appelé le mari? Celui qui se laisse conduire ou celui qui dirige? Evidemment, dans toute vie bien réglée, le guide de l'âme, c'est l'entendement qui fait partie de l'âme. Car il n'est pas différent d'elle-même, il en est une partie; comme l'oeil n'est pas chose différente du corps, mais en est une portion. Cependant, bien qu'il soit une portion du corps, l'oeil seul jouit de la lumière; les autres membres peuvent en recevoir les rayons. mais ils sont incapables de les percevoir, l'oeil seul en est pénétré et en jouit. Ainsi dans notre âme il est une faculté qui s'appelle entendement, Cette faculté appelée esprit, intelligence, reçoit les rayons d'une lumière supérieure. Or, cette lumière supérieure dont l'intelligence humaine se trouve éclairée, c'est Dieu. En effet, "il était la lumière véritable qui éclairé tout homme venant en ce monde (8)". Cette lumière, c'était le Christ, cette lumière s'entretenait avec la Samaritaine, mais cette femme était absente par son entendement; son intelligence ne pouvait être éclairée par cette lumière; elle était incapable, non pas d'en recevoir les rayons, mais de les percevoir. Aussi, comme pour lui dire: je veux éclairer quelqu'un, mais ce quelqu'un me manque, il lui adresse ces paroles: "Appelle ton mari", appelle ton entendement afin qu'il t'instruise et te gouverne. Représente-toi donc l'âme séparée de l'entendement sous l'emblème d'une femme, et l'entendement sous l'emblème de son mari. Toutefois le mari ne dirige bien sa femme qu'autant qu'il obéit lui-même à une direction venant de plus haut, Car le chef de la femme, c'est l'homme; et le chef de l'homme, c'est le Christ (9). Le chef de l'homme parlait avec la femme, et l'homme n'y était pas, et, comme si le Sauveur disait à la femme: Fais venir ton chef afin qu'il se soumette au sien, il prononce ces mots; "Appelle donc ton mari et viens ici avec lui", ou en d'autres termes: viens ici; mets-toi devant moi; tu es comme absente aussi longtemps que tu n'entends pas la voix de la vérité qui se trouve devant toi. Mets-toi devant moi, mais n'y viens pas seule; que ton mari s'y présente avec toi.

20. Mais comme cette femme n'a pas encore appelé son mari, elle n'entend pas, ses pensées demeurent charnelles. En effet, son mari est absent. "Je n'ai pas", dit-elle, "de mari". Cependant le Seigneur continue à lui parler en mystère. Véritablement cette femme n'avait pas alors de mari; mais, ainsi que tu le devines, elle vivait dans je ne sais quel commerce honteux et illégitime, dans le commerce non pas d'un mari, mais d'un adultère. Aussi le Seigneur lui répondit-il: "Tu as bien parlé, tu n'as pas de mari". Pourquoi donc me disiez-vous: "Appelle ton mari?" Remarque-le bien, Notre-Seigneur savait parfaitement qu'elle n'avait pas de mari. En voici la preuve: "Et il lui dit, etc." Aussi, pour ne vas laisser à cette femme la pensée qu'il lui avait répondu: "Tu as bien parlé, tu n'as pas de mari", uniquement parce qu'elle venait de l'en instruire, et non parce que la lumière de sa divinité le lui avait fait découvrir, il lui réplique: Voici ce que tu ne m'as pas dit: "En effet, tu as eu cinq maris et celui que tu as n'est point ton mari; ce que tu as dit est vrai".

21. Par là Notre-Seigneur nous contraint de chercher avec plus d'attention quelque sens caché touchant ces cinq maris. Plusieurs ont cru, non sans fondement et même avec une certaine probabilité, voir dans les cinq maris de cette femme les cinq livres de Moïse. En effet, ils étaient reçus des Samaritains et formaient leur loi comme celle des Juifs: voilà sans doute pourquoi la circoncision était en usage chez ces deux peuples; mais à cause de la difficulté que présentent les paroles sui. vantes "Et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari", nous pouvons plus aisément comprendre, ce me semble, que, sous l'emblème des cinq premiers maris, les cinq sens du corps sont désignés comme les époux de l'âme. Car à sa naissance, et avant d'avoir l'usage de son esprit et de sa raison, chaque homme n'a pour le régir que ses sens corporels. Ce qui tombe sous le sens de l'ouïe, de la vue, de l'odorat, du goût, du toucher, voilà chez le petit enfant tout l'objet de ses répugnances ou de ses désirs. Ce qui flatte ses sens, il le recherche, il repousse ce qui les blesse; car ce qui les flatte est plaisir,ce qui les blesse est douleur. C'est donc sous l'influence de ces cinq sens comme d'autant de maris que l'âme vit d'abord, parce que c'est par eux qu'elle est régie. Pourquoi leur donne-t-on le nom de maris? Parce qu'ils sont légitimes. C'est Dieu qui les a formés, c'est Dieu qui les a donnés à l'âme. Elle est infirme tant qu'elle demeure sous la loi des sens et qu'elle agit sous l'autorité de ces cinq maris; mais aussitôt que le temps est venu de délivrer la raison de leur influence, si l'âme se laisse diriger par une règle de conduite supérieure, et par les leçons de la sagesse, alors succèdent à l'empire et à l'influence des sens l'empire et l'influence d'un seul véritable et légitime mari, meilleur que les autres; et ce mari la gouverne mieux, la dirige, la cultive, la prépare dans le sens de l'éternité. Loin de nous imprimer une direction qui aboutisse à l'éternité, les sens ne nous portent que vers les choses du temps, soit pour nous les faire désirer, soit pour nous en inspirer le dégoût. Mais dès que l'entendement pénétré par la sagesse a pris le gouvernement de l'âme, il ne lui apprend plus uniquement à éviter les fossés et à suivre le chemin droit que les yeux indiquent à son âme débile, ou à écouter avec plaisir les sons mélodieux et à fermer les oreilles aux sons discordants, à se complaire aux odeurs agréables et à repousser les odeurs nauséabondes, à aimer le miel et à détester le vinaigre, à toucher avec plaisir ce qui est poli et à éprouver une sensation désagréable au contact des aspérités. Toutes ces connaissances, l'âme infirme en avait besoin. Dans quel sens l'entendement y ajoute-t-il sa direction? Il vient discerner, non plus le blanc du noir, mais le juste de l'injuste, le bien du mal, l'utile de l'inutile, la chasteté de l'impudicité, l'une pour l'aimer, l'autre pour la fuir; la charité de la haine, la première pour y demeurer, la seconde pour s'en garantir.

22. Chez cette femme, les cinq premiers maris n'avaient pas encore cette sorte de successeur; car, où l'entendement ne succède pas aux sens, là règne l'erreur, elle domine en maître. En effet, dès qu'elle commence à devenir capable de raisonner, l'âme se laisse conduire par la sagesse ou par l'erreur. Or, l'erreur ne gouverne pas, elle conduit aux abîmes. Après avoir subi l'empire de ses sens, cette femme était donc encore en butte à l'erreur, et l'erreur la ballottait comme aurait fait un vent violent. Cette erreur n'était pas un mari légitime, mais un adultère; c'est pourquoi le Seigneur lui répond: "Tu as dit avec justesse: Je n'ai pas de mari, car tu as eu cinq maris". Les cinq sens de ton corps ont été tes maîtres; tu es parvenue à l'âge de raison, mais non à la sagesse; tu es tombée dans l'erreur: aussi, "après ces cinq maris, celui que tu as maintenant n'est pas ton mari". Mais s'il n'était pas le mari, qu'était-il donc, sinon un adultère? "Appelle-le", non "l'adultère,", mais "ton mari", afin de m'entendre selon l'Esprit, et non selon l'erreur qui te donnerait de moi de fausses idées. En effet, c'était de la part de cette femme une erreur de penser à l'eau du puits de Jacob, quand c'était du Saint-Esprit que lui parlait le Seigneur. Pourquoi se trompait-elle, sinon parce qu'elle vivait avec un adultère, au lieu de vivre avec son mari légitime? Débarrasse-toi donc de cet adultère qui te corrompt: "va, et appelle ton mari". Appelle-le et reviens, et tu me comprendras.



1. 1 R 19, 8.
2. Ps 114, 5.
3. Ps 35, 10-9.
4. Mt 11, 28.
5. 1 Co 14, 34-35.
6. Lc 10, 39-40.
7. Ps 21, 9.
8. Jn 1, 9.
9. 1 Co 11, 3.
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