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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Saint Augustin, Jésus et la Samaritaine (1)

Publié par dominicanus sur 25 Février 2008, 18:02pm

Catégories : #La vache qui rumine (Année A)

Jésus, baptisant par lui-même ou par ses disciples plus que Jean, et sachant que les Pharisiens prendraient de là occasion de le persécuter, s'en alla en Galilée et passa par Samarie. A six heures, il se trouva près d'un puits, et la fatigue du voyage l'y fit asseoir. Ce voyage figurait son Incarnation; sa fatigue, la faiblesse où il s'est réduit pour nous rendre forts; l'heure indiquait le sixième âge du monde, et le puits marquait la profondeur de nos misères. Une femme, image de l'Eglise des Gentils, vint puiser de l'eau et le rencontra. Après lui avoir demandé un peu d'eau pour se rafraîchir, le Sauveur offrit à cette femme une eau qui étancherait sa soif pour toujours; mais, avec des idées toutes charnelles, elle ne pensait qu'à un breuvage ordinaire, signe trop fidèle des voluptés mondaines, et non à cette boisson spirituelle qui est la vérité. Alors le Christ lui dit d'appeler son mari, c'est-à-dire d'employer toute son intelligence à l'écouter. Je n'en ai point. C'est vrai, car tu en as cinq, et celui que tu as n'est pas le tien; en d'autres termes, tu as eu pour guides tes sens corporels, et rien, sinon l'erreur, n'est venu les remplacer. Appelle donc ton intelligence à ton aide. Et elle l'appela, et elle comprit qu'à la venue du Messie toute séparation cesserait entre les Juifs et les Samaritains ou Gentils, et elle reconnut le Messie dans celui qui lui parlait, et elle crut en lui, et elle devint l'apôtre des Samaritains dont plusieurs crurent à ses paroles.

1. Ce n'est point chose nouvelle pour vous d'entendre dire que, pareil à l'aigle, Jean prend son vol dans les hauteurs, qu'il s'élance au-dessus des ténèbres de la terre, et fixe sur la lumière de la vérité des regards pleins d'assurance. (...) On vous a lu, et c'est ce que nous avons entre les mains pour en faire la matière de notre instruction, on vous a lu l'entretien de Jésus-Christ avec la Samaritaine auprès du puits de Jacob. En cet entretien se trouvent résumés de grands mystères; le Sauveur y fait allusion à de grandes choses, bien propres à nourrir les âmes affamées et à ranimer celles qui languissent.

2. Notre-Seigneur "ayant donc su que les Pharisiens avaient appris qu'il faisait un plus grand nombre de disciples et baptisait plus de personnes que Jean (bien que Jésus ne baptisât point par lui-même, mais par ses disciples), il quitta la Judée et alla de nouveau en Galilée". Ici pas n'est besoin de longs développements. Car, en nous arrêtant à ce qui est clair, nous nous trouverions enfermés dans un espace de temps trop étroit, lorsqu'il s'agirait d'exprimer et d'expliquer les passages obscurs. Si le Seigneur avait prévu que les Pharisiens, apprenant qu'il avait plus de disciples, et qu'il baptisait plus de personnes que Jean, en profiteraient pour leur salut et se rangeraient à sa suite pour devenir ses disciples et se faire baptiser par lui, certainement il n'aurait pas quitté la Judée, il y serait plutôt resté à cause d'eux. Toutefois, et ce n'était pas pour lui un mystère, ils savaient ce qu'il en était de lui; mais ils étaient animés à son égard d'un grand mauvais vouloir; ils avaient appris à le connaître, mais pour le poursuivre, au lieu de le suivre. Il quitta donc le pays: non pas que, même en y demeurant, il n'eût pu éviter d'être pris et tué par eux contre son bon vouloir; car il pouvait ne pas naître s'il l'avait voulu, mais parce qu'en total ce qu'il faisait comme homme, il avait dessein de servir d'exemple aux hommes qui devaient croire en lui. En effet, aucun serviteur de Dieu ne pèche en passant d'un lieu dans un autre, lorsqu'il voit que certaines gens le persécutent avec fureur, ou cherchent à l'entraîner au mal. Il craindrait néanmoins d'offenser Dieu en agissant de la sorte, s'il n'avait pour s'y autoriser l'exemple du Seigneur. Car cette conduite, le bon Maître l'a tenue dans l'intention de nous instruire, et non par un motif de crainte personnelle.

3. Peut-être quelqu'un s'étonnera-t-il de ce que l'Evangéliste ait dit: "Jésus baptisait plus de personnes que Jean", et qu'après ces paroles: "Jean baptisait", il ait ajouté: "Quoique Jésus ne baptisât pas par lui-même, mais par ses disciples?" Quoi donc? Etait-ce d'abord une assertion fausse, redressée ensuite par cette addition: "Quoique Jésus ne baptisât pas par lui-même, mais par ses disciples?" Ou plutôt, est-il également vrai que Jésus baptisait, et ne baptisait pas? Il baptisait parce qu'il purifiait les âmes, et il ne baptisait point parce qu'il ne répandait pas l'eau sur les corps. Les disciples prêtaient le concours de leur ministère corporel; pour lui, il les aidait de sa puissance. Comment, en effet, peut cesser de baptiser Celui qui ne cesse pas de purifier, et dont l'Evangéliste nous dit en répétant les paroles rapportées de Jean-Baptiste: "C'est celui-là qui baptise (1)?" Donc Jésus baptise encore, et tant qu'il y aura des hommes pour recevoir le baptême, c'est Jésus qui le leur donnera. Approchons-nous donc avec confiance du serviteur malgré son infériorité, parce qu'il a le Maître au-dessus de lui.

4. Mais, dira quelqu'un, à la vérité, le Christ confère le baptême en esprit, mais il ne le donne pas extérieurement: par là, quiconque reçoit visiblement et corporellement le sacrement de baptême, semble le tenir d'un autre que de lui. Veux-tu une preuve qu'il baptise non-seulement en esprit, mais encore avec l'eau? Ecoute l'Apôtre: "Comme Jésus-Christ", dit-il, "a aimé l'Eglise et s'est livré à la mort pour elle, afin de la sanctifier en la .purifiant dans le baptême de l'eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien qui y ressemble" (2). En la purifiant de quelle manière? "Dans le baptême de l'eau par la parole de vie". Qu'est-ce que le baptême du Christ? Un baptême d'eau uni à la parole. Ote l'eau, il n'y a plus de baptême; ôte la parole, le baptême n'existe plus.

5. Après ces préliminaires qui conduisent l'Evangéliste à l'entretien de Jésus-Christ avec la Samaritaine, voyons, le reste: il est rempli de vérités cachées et de gros mystères. "Il fallait", dit l'Ecrivain sacré, "qu'il passât par Samarie. Il vint donc en une ville du pays de Samarie, nommée Sichar, près de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph. Là était la fontaine de Jacob". C'était un puits: tout puits est une fontaine; mais toute fontaine n'est pas un puits. Car dès qu'une eau sort de terre et qu'on la puise pour en faire usage, on l'appelle une fontaine; toutefois, s'il est facile de la voir et qu'elle se trouve â la surface de la terre, elle s'appelle simplement une fontaine. Si, au contraire, elle se voit dans les profondeurs de la terre, on l'appelle un puits, bien qu'alors le nom de fontaine puisse encore lui convenir.

6. "Jésus donc, fatigué du chemin, s'assit sur la fontaine. C'était vers la sixième heure". Déjà commencent les mystères. Ce n'est pas sans raison que Jésus se fatigue: ce n'est pas sans raison que nous voyons accablée de lassitude la vertu même de Dieu, celui qui calme nos fatigues, celui dont l'absence est pour nous une cause d'épuisement et dont la présence restaure nos forces. Cependant Jésus est fatigué, il est fatigué sur le chemin et il s'assied, il s'assied au bord d'un puits, et c'est à la sixième heure du jour. Autant de circonstances significatives, qui nous donnent à penser et nous indiquent quelque chose: elles nous rendent attentifs et nous engagent à frapper. Qu'il ouvre donc a vous et à moi, celui qui a daigné nous encourager à frapper, en nous disant: "Frappez, et il vous sera ouvert (3)". C'est pour toi, mon frère, que Jésus est fatigué du chemin. Nous voyons en Jésus, et la force et la faiblesse: il nous apparaît tout à la fois puissant et anéanti. Il est puissant, car "au commencement il était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; au commencement était en Dieu". Veux-tu savoir quelle est la puissance de ce Fils de Dieu? "Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n'a été fait" Y a-t-il rien de plus fort que celui qui a fait toutes choses sans éprouver de lassitude? Veux-tu t'assurer qu'il a été faible? "Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous (4)". Par sa puissance, le Christ t'a créé; il t'a donné une nouvelle vie, en s'anéantissant; par sa puissance, il a fait ce qui n'était pas; en devenant faible, il a empêché ce qui était de périr. C'est en sa force qu'il nous donne l'être; c'est en son infirmité qu'il nous a attirés à lui.


1. Jn 1,33.
2. Ep 5,25-27.
3. Mt 7,7.
4. Jn 1,1-3 ; Jn 1,14
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