« Moi, Paul, lié de chaînes pour le Christ, je veux vous raconter les tribulations dans lesquelles je suis chaque jour enseveli, afin qu'embrasés de l'amour divin, vous bénissiez avec moi le Seigneur, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde (cf. Ps 135 [136], 3). Cette prison est vraiment une vive figure de l'enfer éternel. Aux liens, aux cangues et aux entraves viennent s'ajouter des colères, des vengeances, des malédictions, des conversations impures, des rixes, des actes mauvais, des serments injustes, des médisances, auxquels se joignent aussi l'ennui et la tristesse. Mais celui qui a déjà délivré les trois enfants des flammes ardentes est aussi demeuré avec moi ; il m'a délivré de ces maux et il me les convertit en douceur, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde. Par la grâce de Dieu, au milieu de ces supplices qui ont coutume d'attrister les autres, je suis rempli de gaieté et de joie, parce que je ne suis pas seul, mais le Christ est avec moi [...]. Comment puis-je vivre, voyant chaque jour les tyrans et leurs satellites infidèles blasphémer ton saint nom, toi, Seigneur, qui es assis au milieu des Chérubins (cf. Ps 79 [80], 2) et des Séraphins ? Vois ta croix foulée aux pieds des mécréants. Où est ta gloire ? À cette vue, enflammé de ton amour, j'aime mieux mourir et que mes membres soient coupés en morceaux en témoignage de mon amour pour toi, Seigneur. Montre ta puissance, délivre-moi et aide-moi, afin que, dans ma faiblesse, ta force se fasse sentir et soit glorifiée devant le monde [...]. En entendant ces choses, vous rendrez, remplis de joie, d'immortelles actions de grâces à Dieu, auteur de tous les dons, et vous le bénirez avec moi, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde [...]. Je vous écris ces choses pour que nous unissions votre foi et la mienne: au milieu de ces tempêtes, je jette une ancre qui va jusqu'au trône de Dieu; c'est l'espérance qui vit toujours en mon cœur » . [28]
C'est une lettre de l'enfer. S'y manifeste toute l'horreur d'un camp de concentration, dans lequel, aux tourments de la part des tyrans, s'ajoute le déchaînement du mal dans les victimes elles-mêmes qui, de cette façon, deviennent ensuite des instruments de la cruauté des bourreaux. C'est une lettre de l'enfer, mais en elle se réalise la parole du psaume :
« Je gravis les cieux : tu es là ; je descends chez les morts : te voici... J'avais dit : “Les ténèbres m'écrasent...”, “...même les ténèbres pour toi ne sont pas ténèbres, et la nuit comme le jour est lumière” » (138 [139], 8-12, voir aussi Ps 22 [23], 4).
Le Christ est descendu en « enfer » et ainsi il est proche de celui qui y est jeté, transformant pour lui les ténèbres en lumière. La souffrance, les tourments restent terribles et quasi insupportables. Cependant l'étoile de l'espérance s'est levée – l'ancre du cœur arrive au trône de Dieu. Le mal n'est pas déchaîné dans l'homme, mais la lumière vainc : la souffrance – sans cesser d'être souffrance – devient malgré tout chant de louange.
[28] Bréviaire romain, Office des Lectures, 24 novembre.