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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Les bienheureux martyrs de septembre 1792

Publié par dominicanus sur 1 Septembre 2024, 23:56pm

Catégories : #révolution française, #Paris, #Marion Sigaut

Dans la foule des victimes des massacres de septembre 1792 à Paris, l’Église a retenu les noms de 3 évêques, 181 prêtres, 2 diacres, 1 clerc et 4 laïcs, dont elle a reconnu, en 1926, la mort par fidélité au Siège Apostolique.

Ces martyrs, mis à mort au couvent des Carmes, à l’abbaye Saint-Germain, au séminaire Saint-Firmin, aux 2 prisons de La Force, comprenaient 86 prêtres, 1 diacre et 1 clerc qui appartenaient au clergé diocésain. [1]

Les bienheureux martyrs de Paris, dont saint Salomon Le Clercq canonisé en 2016, sont inscrits au calendrier diocésain de Paris à la date du 2 septembre.

 

Les bienheureux martyrs de septembre 1792

 

[1] Source : Propre des Diocèses de Paris, Créteil, Nanterre et Saint-Denis – Liturgie des Heures, 2009.

En 1612, Marie de Médicis alors veuve du souverain Henri IV et fervente catholique, accueille en France des frères des Carmes déchaussés aussi appelés les Carmes Déchaux à la demande du Pape.
Plusieurs frères italiens s’implantent dans ce quartier et très vite vient le besoin bâtir une église pour accueillir la communauté qui y résidera jusqu’à la Révolution Française.

 

 

Récit de l’abbé de Lapize de la Pannonie, témoin oculaire échappé, le 2 septembre 1792, au massacre du couvent des Carmes à Paris.

 

[Le 2 septembre 1792, vers] les quatre heures, nous entendons de grandes clameurs au voisinage. Peu de temps après nous apercevons un groupe de forcenés qui nous montrent leurs piques au travers des barreaux d’une fenêtre. Nous ne doutâmes plus alors qu’ils ne vinssent pour nous égorger et nous empressâmes de nous demander et donner les uns aux autres l’absolution.

Je ne quittai point M. L’archevêque [d’Arles] ; la force et la tranquillité qu’il conservait à la vue du danger que nous courions, me soutenait au milieu de mes alarmes. Notre garde ne tarda pas à disparaître. Les assassins entrent dans le jardin armés de fusils à baïonnettes, de piques et de pistolets. Ils massacrent le premier qu’ils rencontrent. Un d’eux devance les autres et vint au-devant de M. l’archevêque et de moi. « Es-tu l’archevêque d’Arles » me dit-il en frémissant de rage. Je ne lui fis d’autre réponse que de hausser les épaules. « C’est donc toi », reprit le furieux en s’adressant cette fois à M. l’archevêque. « Oui je le suis », répondit-il aussitôt avec une contenance ferme et modeste. « C’est donc toi, reprit ce monstre, qui a fait répandre tant de sang à Arles. — Moi, répond encore M. l’archevêque, je ne sache pas avoir fait du mal à personne. – Tu n’as fait de mal à personne scélérat ! répartit encore ce misérable. Eh bien, je vais t’en faire à toi », et aussitôt il fond sur lui comme un tigre furieux et lui décharge un grand coup de sabre sur la tête. À ce premier coup, M. L’archevêque joint ses mains et s’en couvre le visage et, sans faire la moindre plainte, reçoit de ce forcené la mort à laquelle il s’était si bien préparé pendant sa captivité.

(...)

Ce qui étonnera sans doute, c’est que je n’ai pas entendu se plaindre aucun de ceux que je vis massacrer. Plusieurs de ceux qui avaient été se réfugier dans la chapelle [du jardin] reçurent la mort en offrant à Dieu le sacrifice de leur vie. Après avoir un peu assouvi leur rage, les assassins nous ordonnent de rentrer dans l’église sans cesser de nous tirer des coups de fusils. (...) Nous restâmes là quelque temps à prier et à gémir de tous les blasphèmes et de toutes les horreurs que vomissaient ces forcenés.

(...) On nous ordonne de cesser nos prières et de nous lever ce que nous fîmes aussitôt. Un d’eux nous demande alors d’un ton terrible et menaçant : « avez-vous prêté le serment ? » Comme je me trouvais le plus près d’eux, je leur répondis que pas un de nous n’avait prêté ni ne prêterait ce serment ; que je devais seulement leur observer que la plupart d’entre nous n’y étaient pas obligés et que la loi laissait la liberté aux autre de la prêter ou non. « C’est égal, reprirent-ils alors ; passez, passez, votre compte est fait ».

 

 

Source : Propres des Diocèses de Paris, Créteil, Nanterre et Saint-Denis – Liturgie des Heures, pages 103-104.

Le manuscrit reproduit par phototypie a été édité en 1913 sous le titre Les massacres du 2 septembre 1792 à la prison des Carmes à Paris, reproduction du manuscrit de l’abbé de Lapize de la Pannonie avec introduction par Mgr de Teil aux éditions Desclée, de Brouwer & Cie. Il est consultable sur Gallica.

 

Homélie du cardinal Jean-Marie Lustiger – Messe à Saint-Joseph des Carmes pour le bicentenaire des martyrs de septembre 1792
Saint-Joseph des Carmes (6e) – Dimanche 13 septembre 1992

 

 

 

Martyrs : la joie du pardon

 

Dieu sait le nombre des victimes qu’a entraîné cette prodigieuse transformation de la France et, avec elle, de l’Europe, commencée il y a deux siècles et qui se poursuit sous nos yeux ! Il y en eut des milliers, des centaines de milliers. Des millions, si nous faisons mémoire, non seulement de la période révolutionnaire, mais aussi des guerres et des persécutions, qui ensanglantèrent notre Europe et continuent de la déchirer sous nos yeux.

Pourquoi donc choisir d’aviver le souvenir de quelques victimes exécutées il y a deux siècles, alors qu’en ce moment même, combien d’autres tombent en Bosnie ? Serait-ce par esprit partisan puisqu’il s’agit de prêtres, de religieuses, de croyants victimes de la persécution antireligieuse ? Comment pourrions-nous, en donnant un tel retentissement à ces anniversaires, prendre le risque de réveiller l’esprit de vengeance ? Car le rappel du sang appelle le sang ; trop souvent, le souvenir des victimes fait naître de nouveaux bourreaux, nous ne le savons que trop, peuples d’Europe qui ne voulons plus jamais nous considérer comme des ennemis héréditaires. Si nous vous invitons aujourd’hui à prêter attention à cette poignée d’hommes et de femmes et à entendre leur message, c’est qu’ils furent des martyrs.

 

Comme à une noce

Quelle différence me direz-vous ? Je vous réponds : un martyr, c’est un témoin. Mais les victimes ne témoignent-elles pas ? Non, car pour témoigner, il faut être libre. Les cadavres torturés ne sont pas des témoins, mais des preuves qui accusent leurs bourreaux. Les villes martyres, Dubrovnik, Sarajevo... les enfants martyrs de Somalie, sont les preuves de la peur ou de la bêtise, de la cruauté ou de la haine, de l’égoïsme ou de l’indifférence des autre êtres humains. Nous ne savons pas ce qu’ont été la vie et la mort de ces victimes innombrables qui tracent, depuis deux cents ans, de sanglants sillons dans la chair de la France et de l’Europe. Personne ne peut imaginer leur désespoir ou leur acceptation, leur sérénité ou leur résignation. Elle sont des victimes. Et cela suffit pour que leur sang répandu crie de la terre vers Dieu, comme le premier sang versé, le sang d’Abel. Dans cette chapelle, aujourd’hui, ce ne sont pas les premières victimes de la Révolution dont nous faisons mémoire. Au même moment, dans Paris, et plus tard dans toute la France, il y en eut bien d’autres. Dans cette chapelle d’où ils sortirent pour être exécutés, nous fêtons des témoins de la foi.

En quel sens ? Nous connaissons tous de ces êtres dont les convictions sont tellement fortes, obstinées, diront certains, qu’ils préfèrent mourir plutôt que d’y être infidèles. Des hommes et des femmes de cette trempe nous font mesurer la grandeur et la dignité de notre condition. Mais cela ne serait pas encore assez pour reconnaître qu’il sont des martyrs, des témoins de la foi. Le commissaire Violette, qui assista aux massacre des Carmes, a probablement entrevu l’ultime vérité. Il déclara que ces gens l’étonnaient car ils allaient à la mort comme vers une noce.

Comme vers une noce. Dans leur détresse, dans leur peur, non seulement ils surent faire preuve de dignité, mais ils manifestèrent une autre force, une force nouvelle qui les habitait. Ils n’étaient pas grisés par l’entraînement héroïque au sacrifice de soi, par le tragique aveuglement qui défie la mort. Les récits nous l’attestent : en dépit de tout, nous devons reconnaître, en eux, la joie.

 

Le pardon fort comme la mort

Quelle joie ? Celle dont vient de nous parler l’Évangile, la joie de Dieu, que les hommes sont invités à partager. La joie du pardon qui est résurrection et vie. Dieu, parfois, accorde cette joie à ses enfants massacrés à cause de Lui. La joie de ceux qui aiment Dieu et leurs frères les hommes plus que leur propre vie. Cette joie est plus puissante que la violence dont ils sont les victimes. Dans ce moment de leur mort, apparaît la puissance de l’amour qui habite leur vie. La puissance de l’amour ouvre les portes du pardon. Car si comme le dit le Cantique des Cantiques (8, 6), l’amour est fort comme la mort, le pardon l’est aussi.En proclamant que ces victimes-là sont des martyrs et donc des saints, l’Eglise nous invite à découvrir comment ils ont vécu leur mort. Dans cet instant ultime, apparaît en eux la force surhumaine qui peut transfigurer la condition des hommes et renverser la fatalité de la violence. Ils se sont avancés comme vers une noce. Non dans la révolte du blasphème, ni dans l’amertume de la haine. Ils ont voulu aller jusqu’au bout, conscients de leurs faiblesses et de leurs péchés, en priant pour leurs frères les hommes, pour ces frères aussi qui, méconnaissables, étaient devenus leurs bourreaux. Ainsi, en ces grands mouvements d’espérance blessée par la violence qui ont transformé notre pays et toute l’Europe, ces martyrs nous font voir le seul fondement possible de la paix. D’avance, au milieu de cette crise, ils ont ouvert pour nous le chemin messianique puisque le Christ nous dit qu’Il est, lui-même, le chemin, la vérité et la vie.

 

Ce qui échappe au pouvoir des politiques

Cette période fut pour les catholiques et pour bien d’autres croyants le début d’une longue et durable épreuve : persécutions violentes, déni de leurs droits civils. Ces martyrs des premières années n’ont pas apporté les recettes d’un compromis politique ou d’un arrangement. Ils ont apporté infiniment plus. Ils ont d’avance renoué le seul lien de toute société humaine, en partageant la miséricorde qu’ils ont reçue de Dieu.

Peu d’années plus tard, le sens politique de l’empereur Napoléon contribua à réconcilier le clergé et les catholiques dont les divisions coïncidaient avec les déchirements de la nation. Le Pape lui-même y consentit, fidèle à la mission du berger qui va chercher la brebis perdue, du père qui va au devant aussi bien de l’enfant prodigue que du frère aîné. À la fin du XIXe siècle, un autre pape voulut achever la réconciliation des Français en demandant au cardinal Lavigerie d’appeler en son nom les catholiques à se rallier à la République. Et pourtant, une nouvelle vague de mesures anticléricales marqua le début de ce siècle avant que les drames des grandes guerres n’invitent à les reléguer au second plan.

Au regard de ces décisions politiques qui déterminent la vie de l’Église et son rapport à la France, que pèse le sacrifice des martyrs ? Ne furent-ils pas d’inutiles victimes, les dupes de l’histoire dont les cyniques sont toujours prêts à se servir ? Mais les marchandages et les compromis ne peuvent tenir s’il ne sont pas scellés par ce qui échappe au pouvoir des politiques : l’amour fidèle de la vérité, le respect pour tout homme aimé de Dieu, la miséricorde qui nourrit le désintéressement. Grâce à ces martyrs, la mission à laquelle doit répondre l’Église au sein de notre nation apparaît en pleine clarté : partager ce qu’elle reçoit de Dieu, cette puissance d’amour et de pardon qui, je le répète, est le seul lien indestructible de la vie des hommes entre eux. Personne ne peut lui enlever le pouvoir de le faire alors même que le droit d’exister selon sa vocation lui est refusé.

 

Quelle sainteté, aujourd’hui cachée... ?

Il en va de même entre les nations. Au mois de décembre 1991, à Rome, au Synode des évêques d’Europe, nous avons entendu le témoignage des Églises qui sortaient de la persécution. Les croyants jusque là méprisés et pourchassés ont apporté à leurs nations, sans vouloir en tirer de profit politique, l’irremplaçable sel de la terre, la seule flamme que l’on ne peut cacher ni éteindre. Dans cette Europe, si des peuples anciennement ennemis se sont aujourd’hui réconciliés, ils ne le doivent pas seulement à la sagesse et au réalisme des politiques, mais à cette force secrète qui échappe aux politiques : l’amour de la vérité et de la liberté, le respect absolu des autres êtres humains, la puissance de pardon que Dieu répand dans le cœur de ses fidèles. Les hommes d’Etat qui réconcilièrent la France et l’Allemagne, la Pologne et l’Allemagne, et demain la nation polonaise et la nation russe, se fondent, le sachant ou non, sur l’amour capable de guérir toute les blessures.

Quelle sainteté, aujourd’hui cachée par l’ampleur du mal, inspirera bientôt la miséricorde, la compassion et la volonté de compromis nécessaires pour ramener la paix entre les nations de l’ancienne Yougoslavie ! Quelle force spirituelle faudra-t-il pour que cesse enfin l’inexpiable guerre qui déchire l’Irlande ! Ne pensons pas que l’Église en ce domaine politique agisse comme une puissance politique. Elle doit être le témoin fidèle de l’amour qui la fait vivre. Cet amour qui est nourri par la vérité est le vrai moteur de l’histoire. Voilà ce que nous rappellent ces martyrs. Leur offrande est comme le grain enfoui dans l’existence des peuples. Il porte une surabondante moisson pour notre pays, pour l’Europe et aussi, bien au-delà, pour notre commune responsabilité à l’égard du reste du monde. Mais où donc est cet amour, si nous n’en vivons pas ? Où donc est cet amour, si vous aussi vous ne commencez pas d’aimer.

Jean-Marie Cardinal Lustiger,
archevêque de Paris

 

Source : Paris Notre-Dame du 17 septembre 1992 in http://institutlustiger.fr

 

Les massacres de 1792 s'inscrivent dans une des périodes les plus sanglantes de l'Histoire de France. Durant ce court laps de temps, près de 1300 personnes ont perdues la vies aux noms d'idéaux politiques et religieux.

 

Marion SIGAUT - La naissance de la république - épisode 7 de 8

 

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