En ce huitième dimanche de l'Année C nous arrivons à la fin du chapitre 6 de l'évangile selon saint Luc. Rappelons-nous: après avoir choisi les Douze (Luc 6, 12-16), Jésus descend de la montagne et s'arrête sur un plateau. C'est là qu'il rencontre une foule nombreuse de disciples et une grande multitude de gens qui étaient venus de toute la Judée, de Jérusalem et du littoral de Tyr et de Sidon (Luc 6, 17). Il prononce alors ce qu'il est convenu d'appeler le "Discours inaugural" (Luc 6, 17-49). Dans ses grandes lignes, ce discours répond au Sermon sur la Montagne selon Mathieu 5-7. C'est dans ce discours inaugural que l'on retrouve le passage 6, 39-45 qui fournit à la liturgie l'évangile de ce huitième dimanche.
Attention ! Pas plus dans Matthieu que dans Luc, ces discours ne redonnent les paroles dans leur enchaînement originel, telles que Jésus les a prononcées. Il est donc difficile, voire impossible, de retrouver le contexte primitif précis de ces paraboles:
- - des deux aveugles, du maître et du disciple;
- - de la paille et de la poutre;
- - de l'arbre et de ses fruits;
- - du trésor du coeur.
Soyons attentifs plutôt au contexte dans lequel Luc les a placés. À la différence de Matthieu, il ne s'engage pas dans la polémique anti-pharisienne. Les aveugles conducteurs d'aveugles, les porteurs de poutres qui prétendent enlever la paille dans l'oeil de leur voisin, les arbres pourris, les coeurs méchants, comme aussi les filtreurs de moucherons et les avaleurs de chameaux, Luc ne les voit pas d'abord chez "ceux du dehors" (Marc 4, 11), pharisiens de tout poil et de tout pelage. Il préfère au contraire que la communauté des disciples s'examine elle-même et écarte d'abord de son propre milieu tout ce qui est contraire à l'Évangile. Il nous invite à découvrir dans les paroles de l'Évangile non les défauts des autres, mais ce en quoi elles nous invitent à nous convertir. Il est bon de nous en souvenir à l'approche du Carême !
« Ce n’est pas du dehors de l’Église, en effet […], c’est du dedans qu’ils trament sa ruine, écrivait saint Pie X dans son encyclique Pascendi Dominici Gregis sur les erreurs du modernisme le 8 septembre 1907; le danger est aujourd’hui presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Église. »
Dix ans plus tard, le 13 juillet 1917, la Vierge Marie mettra cette ruine sous les yeux de Lucie, François et Jacinthe. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Benoît XVI dans l'avion au retour de son voyage au Portugal du 11 au 14 mai 2010. Un journaliste lui pose une question au sujet du fameux troisième secret de Fatima qui, outre l'attentat contre Jean Paul II, annonce, selon Benoît XVI les actuelles souffrances de l'Église comme, par exemple, les abus sexuels jusque dans les plus hautes sphères de la hiérarchie.
“On y lit également l'avenir de l'Église dont peu à peu les contours se dessinent. Au delà de l'épisode décrit par la vision, on entrevoit une nécessaire passion de l'Église qui se reflète naturellement dans la personne du Pape. Mais Pape signifiant Église ce sont les souffrances de celle-ci qui sont annoncées... Un autre fait nouveau se dégage du message : les attaques contre l'Église et le Pape ne viennent pas simplement de l'extérieur. Ces souffrances viennent de l'intérieur de l'Église, du péché qui réside au sein de l'Église. Si on l'a toujours su, aujourd'hui c'est visible de manière terrifiante. La plus grande persécution ne vient pas d'ennemis extérieurs à l'Église mais naît de péchés internes. L'Église a donc le plus grand besoin de pénitence, d'accepter de se purifier, de pratiquer le pardon mais aussi d'apprendre que la justice est indispensable. Le pardon ne saurait remplacer la justice”.
Ce sont là des choses extrêmement graves ... Mais gardons-nous bien de toute réaction de haine ! Car alors, ces choses extrêmement graves ne seraient qu'une paille en comparaison de la haine qui gangrène notre coeur :
« Comment dites-vous à votre frère, » c'est-à-dire dans quelle intention ? Est-ce par charité, pour assurer son salut ? Non, car alors vous chercheriez tout d'abord à vous sauver vous-même. Ce que vous vous proposez, ce n'est donc pas de guérir les autres, mais de vous servir de la saine doctrine comme d'un manteau pour couvrir vos actions coupables ; vous recherchez auprès des hommes une vaine réputation de science, et non pas la récompense que Dieu accorde à celui qui édifie. Aussi écoutez ce que vous dit le Sauveur : « Hypocrite, enlevez plutôt la poutre de votre oeil. » (saint Jean Chrysostome)
Il est du devoir du chrétien de dénoncer les cas d'abus sexuels, tout comme les dérives modernistes, mais sans haine et sans orgueil, pour préserver de l'enfer toutes les âmes, surtout celles qui ont précisément le plus besoin de la miséricorde de Celui qui a tout fait pour sauver Judas dont la trahison est bien le plus grand scandale de l'histoire, selon la prière de Celle qui a révélé aux trois enfants "le troisième secret".
Pour finir, tout ceci ne doit pas nous faire perdre de vue que parmi toutes les institutions, l'Église catholique, sous la conduite du cardinal Ratzinger/Benoît XVI est celle qui a le plus fait pour faire le ménage interne, bien plus que, par exemple, l'Éducation Nationale, au sein de laquelle les abus sont pourtant plus nombreux... et que l'Église catholique est, malgré cela, l'institution la plus décriée dans les médias et par la vindicte populaire de la meute qui hurle avec les loups. Cela aussi est de l'hypocrisie. Mais n'est-ce pas ainsi que l'Église-disciple ressemble à son divin Maître, contre qui ces foules, vingt siècles plus tôt, criaient: "Crucifie-le ! Crucifie-le !" Ou avons-nous déjà oublié la béatitude des persécutés ?