Depuis le péché d'Adam et d'Ève, comme nous le rappelle la 1ère lecture, Satan était le "prince de ce monde" (Jn 12, 31). La loi du péché, de l'injustice et de l'égoïsme a gouverné les relations humaines, même si la présence et la promesse de Dieu maintenaient vivants l'espérance et l'amour. Mais depuis la venue du Christ, nous sommes en présence de quelqu'un qui ne cesse de défaire Satan. Il expulse les démons sans peine, répare le mal physique (la lèpre, la paralysie, et même la mort) avec une simple parole ou un simple geste, et surtout, il pardonne les péchés, libérant les âmes de l'esclavage du démon.
Tout cela, le Christ l'a fait "en plein air", à la vue de tout le monde, si bien que les autorités religieuses de Jérusalem envoient des enquêteurs pour examiner ces affaires. Ceux-ci, en découvrant les oeuvres extraordinaires accomplies par le Seigneur, devaient fournir une explication. Mais ils ne pouvaient pas expliquer les pouvoirs exceptionnels de Jésus comme venant de Dieu, car cela impliquerait qu'ils devraient accepter également son enseignement, qui était en contradiction avec leurs propres doctrines. S'ils l'acceptaient, cela entraînerait une perte d'influence et de prestige pour eux. Alors ils ont attribué les oeuvres de Jésus à un pacte avec le démon (Béelzéboub).
Jésus met calmement en lumière l'absurdité de leur explication. Le fait qu'il remporte continuellement la victoire sur le démon atteste qu'il est non seulement en opposition avec l'ennemi, mais également plus puissant que lui. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas avoir peur du démon. Si le Christ est à nos côtés, le démon ne peut pas nous faire de mal. Le démon continue pourtant à essayer, à essayer de nous séparer de Dieu et de la protection du Christ, pour pouvoir nous asservir de nouveau au moyen de ses mensonges et de ses tromperies de toute sorte.
C'est ce qu'écrit saint Pierre dans sa 1ère lettre:
Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer.
C'est donc que le démon n'est pas une invention humaine pour faire peur aux enfants. C'est un ange déchu, à la tête d'une armée d'autres anges déchus. À ce propos on lit dans le Catéchisme de l'Église Catholique:
391 Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). L’Écriture et la Tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il a été d’abord un ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se sont rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392 L’Écriture parle d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4). Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès l’origine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn 8, 44).
En démonologie catholique, l'on distingue cinq manières dont le démon agit: la tentation, l'obsession, l'oppression, l'infestation et la possession. Laissons cette fois de côté la première et la dernière, et voyons rapidement celles dont on parle moins souvent.
Parfois Dieu permet au démon et aux anges déchus de causer des troubles physiques en certains endroits, et même dans notre corps. Ces troubles peuvent prendre la forme de bruits étranges plus ou moins forts, des portes et des fenêtres qui claquent, ou pire encore. Saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars, était traîné par le démon dans sa chambre. Une fois le démon a même mis le feu à son lit. Mais le saint curé était au confessionnal à ce moment. Quand, plus tard, on l'informe de ce qui s'est passé, il a réagi en disant: "Quand le démon ne peut pas attraper l'oiseau, il met le feu à sa cage."
Quand ces perturbations physiques se limitent à certains endroits, on les appelle des infestations. Quand elles affectent le corps de quelqu'un (de l'extérieur, et non pas de l'intérieur, car dans ce cas c'est une possession), l'on parle d'une oppression. Quand elles affectent l'esprit, c'est une obsession démoniaque. Cela arrive aussi à des saints! Beaucoup de saints, vers la fin de leur vie, ont été assaillis par des pensées blasphématoires, par exemple. Ces pensées surviennent soudain, de la manière la plus inattendue.
Mais plutôt que de s'attarder à ces phénomènes diaboliques et de s'en inquiéter, il importe de savoir comment s'en protéger. On peut avoir recours à des bénédictions, de l'eau bénite, d'autres prières et sacramentaux. Mais avant tout, ce qui est important, c'est de faire usage des moyens les plus élémentaires et fondamentaux pour approfondir des liens d'amitié avec le Christ que l'Église met à notre disposition, à savoir la prière du coeur quotidienne, les sacrements, spécialement la confession et la communion. Mais étant donné que les tentations commencent toujours dans notre esprit, avec une pensée, une envie de choisir notre volonté propre, plutôt que celle de Dieu, il est indispensable de prendre l'habitude de la réflexion, du silence intérieur, et de s'exercer au discernement de l'origine de nos diverses pensées.
Chaque fois que nous avons une pensée qui affecte notre paix intérieure, nous devons faire une pause pour nous demander: d'où m'est venue cette pensée? Le simple fait de prendre le temps de la réflexion et de se poser cette question suffit souvent pour démasquer les mensonges du démon et revenir à la lumière du Christ.
Des pensées qui ont tendance à nous décourager ou à nous déprimer, nous angoisser, ou nous pousser à la vengeance, à la révolte, à l'égoïsme, ne peuvent pas venir de l'Esprit Saint. Et si elles ne viennent pas du Saint Esprit, elles proviennent ou bien de notre nature pécheresse, ou bien de l'esprit du mal. Des pensées qui nous viennent du Saint Esprit nous portent toujours vers ce qui est noble, bon, vrai et beau, et ils nous établissent dans une paix profonde.
Mais pour apprendre la différence, il nous faut apprendre à réfléchir, tranquillement et honnêtement, sur ce qui se passe dans notre esprit et notre coeur. Pour cela il faut prendre du temps et aménager un espace dans notre vie quotidienne. Et quand, malgré notre réflection et notre discernement, nous sentons toujours une forte influence pour faire ce qui est mal, il faut regarder un crucifix, pour nous rappeler que Dieu est digne de toute notre confiance, qu'il n'y a aucune limite à sa bonté, son amour et sa miséricorde, puisqu'il a donné sa vie pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.
Si nous faisons cela, il nous sera plus facile de faire ce que Jésus veut que nous fassions, comme il le montre dans le passage de l'évangile de ce dimanche: embrasser et obéir à la volonté pleine de sagesse et tout aimante du Père.