En cette commémoration des fidèles défunts, au lendemain de la Solennité de Tous les Saints, nous tournons le regard de notre foi vers le purgatoire. Nous ne le 'voyons' pas au sens où on entend le verbe 'voir' d'ordinaire, mais nous savons qu'il existe. Il existe, et il brûle, comme nous l'a rappelé Benoît XVI.
Les âmes du purgatoire ne peuvent rien pour atténuer ou mettre fin à ce feu. C'est l'Église souffrante. Mais cette souffrance est comme soulagée par une certitude que nous, qui sommes sur cette terre, n'avons pas: celle d'être sauvé. Au purgatoire, il n'y qu'une seule porte de sortie: celle qui va au ciel. C'est pourquoi on peut dire que les âmes du purgatoire sont les spécialistes de l'Espérance. Elles n'ont plus la foi, puisqu'elles ont vu Dieu (jugement dit particulier), et c'est en voyant Dieu, tel qu'il est, qu'elles ont vu en même temps l'énormité de leurs fautes, et donc leur indignité à entrer en pleine communion avec lui et leur besoin de purification.
Au ciel, il n'y a plus ni foi ni espérance. Il ne reste que la charité, "la plus grande des trois" (1 Co 13,13). Les saints que nous avons fêté hier, c'est l'Église triomphante. Ce sont les spécialistes de la charité.
On aimerait bien que, dès cette terre, nous puissions faire l'économie de la foi et de l'espérance, mais ce n'est pas possible. C'est une dangereuse tentation! Saint François de Sales dit à peu près ceci : "D'accord, la charité, c'est la plus grande des trois. C'est la reine. Mais cette reine ne peut pas régner sur la terre sans ses deux servantes, la foi et l'espérance."
Or, on entend de ci, de là, des personnes qui disent que Jean Paul II, c'est le Pape de l'espérance, Benoît XVI le Pape de la foi, et François celui de la charité. Je n'aime pas beaucoup cette manière de voir, parce qu'elle est réductrice et qu'elle repose sur une confusion. Oui, je sais, de tels rapprochements ont été faits pour les saints, faisant le lien entre tel saint ou telle sainte, et telle béatitude, ou tel don du Saint-Esprit ou charisme. Mais justement, la différence entre les vertus théologales et les charismes, par exemple, c'est que personne n'a tous les charismes, alors que les trois vertus théologales sont indispensables pour être sauvé dans l'Église pérégrinante. Benoît XVI a rendu hommage à son prédécesseur Jean Paul II, un homme à la "foi forte comme un roc", à l'"espérance lumineuse" et à la "charité fervente", au cours d'une messe commémorant le 5ème anniversaire de la mort du pape polonais. La vie de Jean Paul II s'est déroulée "sous le signe de la charité, de la capacité de faire généreusement don de soi, sans réserve, sans mesure, sans calcul".
Ne confondons donc pas les vertus théologales, d'une part, et les dons du Saint-Esprit et les charismes, d'autre part. Ne mettons pas tout sur le même plan.
Par contre, ce que j'ai dit à propos de la foi, de l'espérance et de la charité en lien avec l'Église de la terre, du purgatoire et du ciel est beaucoup plus éclairant. C'est cela que j'ai voulu proposer à votre méditation. Si notre espérance est malade - et elle l'est très souvent -, ayons donc recours aux âmes du purgatoire, nous souvenant qu'elles aussi ont besoin de notre supplication. Quand nous invoquons les saints, n'oublions surtout pas de leur demander une plus ardente charité. Et quand notre foi est malade? Eh bien, c'est là que le Seigneur nous a donné le Magistère de l'Église (que Martin Luther rejetait). Si notre foi chancelle, ce n'est pas vers le purgatoire ni vers le ciel qu'il faut regarder; c'est vers celui que sainte Catherine de Sienne appelait notre "doux Christ sur la terre", qu'il s'appelle Jean Paul, Benoît... , mais toujours dans la continuité du Magistère de l'Église.