Chers frères et sœurs !
Nous célébrons aujourd’hui la grande solennité de la Pentecôte. Si, en un certain sens, toutes les solennités liturgiques de l’Eglise sont grandes, celle de la Pentecôte l’est d’une manière particulière, parce qu’elle marque, au bout de cinquante jours, l’accomplissement de l’événement de la Pâque, de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus, à travers le don de l’Esprit du Ressuscité. L’Eglise nous a préparés à la Pentecôte dans les jours précédents, à travers sa prière, avec l’invocation répétée et intense à Dieu pour obtenir une effusion renouvelée de l’Esprit Saint sur nous. L’Eglise a revécu ainsi ce qui est advenu à ses origines, lorsque les Apôtres, réunis au Cénacle de Jérusalem, « étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1, 14). Ils étaient réunis dans l’attente humble et confiante que s’accomplisse la promesse du Père qui leur avait été communiquée par Jésus : « C’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours... vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous » (Ac 1, 5.8).
Dans la liturgie de la Pentecôte, au récit des Actes des Apôtres sur la naissance de l’Eglise (cf. Ac 2, 1-11), correspond le Psaume 103 que nous avons écouté, une louange de toute la création, qui exalte l’Esprit Créateur qui a fait toute chose avec sagesse : « Que tes œuvres sont nombreuses, Seigneur ! toutes avec sagesse tu les fis, la terre est remplie de ta richesse... A jamais soit la gloire du Seigneur, que le Seigneur se réjouisse en ses œuvres ! » (Ps 103, 24.31). Ce que veut nous dire l’Eglise est ceci : l’Esprit créateur de toutes les choses, et l’Esprit Saint que le Christ a fait descendre du Père sur la communauté des disciples, sont un et identique : création et rédemption s’appartiennent réciproquement et constituent, en profondeur, un unique mystère d’amour et de salut. L’Esprit Saint est avant tout Esprit Créateur et donc la Pentecôte est aussi fête de la création. Pour nous chrétiens, le monde est le fruit d’un acte d’amour de Dieu, qui a fait toute chose et duquel Il se réjouit parce que « cela est bon », « cela est très bon », comme le dit le récit de la création (cf. Gn 1, 1-31). Dieu n’est pas le totalement Autre, innommable et obscur. Dieu se révèle, il a un visage, Dieu est raison, Dieu est volonté, Dieu est amour, Dieu est beauté. La foi dans l’Esprit Créateur et la foi dans l’Esprit que le Christ Ressuscité a donné aux Apôtres et donne à chacun de nous, sont alors inséparablement liées.
La deuxième lecture et l’Evangile d’aujourd’hui nous montrent ce lien. L’Esprit Saint est Celui qui nous fait reconnaître en Christ le Seigneur, et nous fait prononcer la profession de foi de l’Eglise : « Jésus est Seigneur » (cf. 1 Co 12, 3b). Seigneur est le titre attribué à Dieu dans l’Ancien Testament, titre qui dans la lecture de la Bible prenait la place de son nom imprononçable. Le Credo de l’Eglise n’est rien d’autre que le développement de ce qui est dit à travers cette simple affirmation : « Jésus est Seigneur ». De cette profession de foi, saint Paul nous dit qu’il s’agit précisément de la parole et de l’œuvre de l’Esprit. Si nous voulons être dans l’Esprit Saint, nous devons adhérer à ce Credo. En le faisant nôtre, en l’acceptant comme notre parole, nous accédons à l’œuvre de l’Esprit Saint. L’expression « Jésus est Seigneur » peut se lire dans les deux sens. Elle signifie : Jésus est Dieu, et dans le même temps : Dieu est Jésus. L’Esprit Saint éclaire cette réciprocité : Jésus a une dignité divine et Dieu a le visage humain de Jésus. Dieu se montre en Jésus et il nous donne ainsi la vérité sur nous-mêmes. Se laisser éclairer en profondeur par cette parole, tel est l’événement de la Pentecôte. En récitant le Credo nous entrons dans le mystère de la première Pentecôte : après le désordre de Babel, de ces voix qui crient l’une contre l’autre, a lieu une transformation radicale : la multiplicité se fait unité multiforme, à travers le pouvoir unificateur de la Vérité grandit la compréhension. Dans le Credo qui nous unit de tous les coins de la Terre, qui, à travers l’Esprit Saint, fait en sorte que l’on se comprenne même dans la diversité des langues, à travers la foi, l’espérance et l’amour, se forme la nouvelle communauté de l’Eglise de Dieu.
Le passage évangélique nous offre ensuite une merveilleuse image pour éclairer le lien entre Jésus, l’Esprit Saint et le Père : l’Esprit Saint est représenté comme le souffle de Jésus Christ ressuscité (cf. Jn 20, 22). L’évangéliste Jean reprend ici une image du récit de la création, là où il est dit que Dieu souffla dans les narines de l’homme une haleine de vie (cf Gn 2, 7). Le souffle de Dieu est vie. Aujourd'hui, le Seigneur souffle dans notre âme la nouvelle haleine de vie, l’Esprit Saint, son essence la plus intime, et il l’accueille de cette manière dans la famille de Dieu. A travers le baptême et la confirmation nous est fait ce don de manière spécifique, et à travers les sacrements de l’Eucharistie et de la pénitence, il se répète continuellement : le Seigneur souffle dans notre âme une haleine de vie. Tous les sacrements, chacun à leur manière, communiquent à l’homme la vie divine, grâce à l’Esprit Saint qui œuvre en eux.
Dans la liturgie d’aujourd’hui nous saisissons encore un lien supplémentaire. L’Esprit Saint est Créateur, il est en même temps Esprit de Jésus Christ, mais de façon à ce que le Père, le Fils et l’Esprit Saint soient un seul et unique Dieu. Et à la lumière de la première Lecture nous pouvons ajouter : l’Esprit Saint anime l’Eglise. Elle ne dérive pas de la volonté humaine, de la réflexion, de l’habileté de l’homme ou de sa grande capacité d’organisation, car s’il en était ainsi, elle se serait déjà éteinte depuis longtemps, comme toute chose humaine passe. L’Eglise en revanche est le Corps du Christ, animé par l’Esprit Saint. Les images du vent et du feu, utilisées par saint Luc pour représenter la venue de l’Esprit saint (cf. Ac 2, 2-3), rappellent le Sinaï, où Dieu s’est révélé au peuple d’Israël et lui avait concédé son alliance ; « la montagne du Sinaï était toute fumante – lit-on dans le Livre de l’Exode –, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu » (19, 18). En effet, Israël fêta le cinquantième jour après Pâques, après la commémoration de la fuite d’Egypte, comme la fête du Sinaï, la fête du Pacte. Quand saint Luc parle de langues de feu pour représenter l'Esprit Saint, on rappelle l'antique Pacte, établi sur la base de la Loi reçue par Israël sur le Sinaï. Ainsi, l’événement de la Pentecôte est représenté comme un nouveau Sinaï, comme le don d’un nouveau Pacte où l’alliance avec Israël est étendue à tous les peuples de la Terre, où tombent toutes les barrières de l’ancienne Loi et apparaît son cœur le plus saint et immuable, c’est-à-dire l’amour, que l’Esprit Saint justement communique et diffuse, l’amour qui embrasse toute chose. Dans le même temps, la Loi s’élargit, s’ouvre, tout en devenant plus simple : c’est le Nouveau Pacte, que l’Esprit « écrit » dans les cœurs de ceux qui croient dans le Christ. L’extension du Pacte à tous les peuples de la Terre est représentée par saint Luc à travers une énumération de populations considérables pour l’époque (cf. Ac 2, 9-11). A travers une chose très importante nous est ainsi communiquée que l’Eglise est catholique dès le premier moment, que son universalité n’est pas le fruit de l’agrégation successive de différentes communautés. Dès le premier instant, en effet, l’Esprit Saint l’a créée comme l’Eglise de tous les peuples ; elle embrasse le monde entier, dépasse toutes les frontières de race, de classe, de nation : elle abat toutes les barrières et unit les hommes dans la profession du Dieu un et trine. Dès le début, l’Eglise est une, catholique et apostolique : c’est sa vraie nature et elle doit être reconnue comme telle. Elle est sainte non pas grâce à la capacité de ses membres, mais parce que Dieu lui-même, avec son Esprit, la crée, la purifie et la sanctifie toujours.
Enfin l’Evangile d’aujourd’hui nous offre cette très belle expression : « Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur » (Jn 20, 20). Ces paroles sont profondément humaines. L’Ami perdu est à nouveau présent, et qui était jusque là bouleversé se réjouit. Mais celle-ci nous dit bien davantage. Parce que l’Ami perdu ne vient pas d’un lieu quelconque, mais de la nuit de la mort : et Il l’a traversée ! Il n’est plus un parmi d’autres, mais il est l’Ami et en même temps Celui qui est la Vérité qui fait vivre les hommes ; et ce qu’il donne n’est pas une joie quelconque, mais c’est la joie même, don de l’Esprit saint. Oui, il est bon de vivre parce que je suis aimé, et c’est la Vérité qui m’aime. Les disciples furent remplis de joie, en voyant le Seigneur. Aujourd’hui, à la Pentecôte, cette expression nous est destinée aussi, parce que dans la foi nous pouvons Le voir ; dans la foi Il vient parmi nous et à nous aussi Il nous montre ses mains et son côté, et nous en sommes remplis de joie. C’est pourquoi nous voulons prier : Seigneur, montre-toi ! Fais-nous le don de ta présence, et nous aurons le don le plus beau : ta joie. Amen !
© Copyright du texte original plurilingue : Libreria Editrice Vaticana
Traduction : Zenit