Sur la conscience de l’électeur chrétien, clarifications
Fr. Jean-Miguel Garrigues, op
L’hebdomadaire Famille chrétienne et Libertepolitique.com ont publié chacun un article du Fr. Jean-Miguel Garrigues sur le vote des catholiques en conscience. Ceux-ci ont soulevé une controverse de bon aloi avec Thierry Boutet et François de Lacoste-Lareymondie (cf. infra). De divers côtés des catholiques ont demandé des précisions au théologien qui a voulu clarifier, sans polémique, son interprétation théologique de la Note Ratzinger à propos de l’engagement des catholiques dans la vie politique (2002).
Nous sommes heureux de publier ses clarifications, pensant pour notre part que les positions respectives des protagonistes ne sont pas incompatibles, et sont plutôt les deux faces d’une même interprétation, au service des valeurs non négociables de l’ordre politique qui, par définition, ne relèvent pas de l’élection démocratique.
À LA SUITE des controverses qu’ont soulevées mes articles parus dans la revue Famille chrétienne et sur le site Internet Libertepolitique.com de la Fondation de Service politique, on me demande de divers côtés de répondre pour clarifier ma position sur certains points contestés. Je voudrais le faire brièvement ici avant les prochaines élections.
Tout d’abord je ne crois pas qu’une interprétation stricte de la Note sur le comportement et l’engagement des catholiques en politique, publiée en 2002 par la Congrégation de la doctrine de la foi sous la signature de l’alors cardinal Joseph Ratzinger, fasse de ses partisans des « émigrés de l’intérieur ». Le refus de voter pour des candidats dont le programme politique comporte des transgressions de valeurs éthiques fondamentales, que le Magistère de l’Eglise considère comme « non-négociables », ne signifie pas pour autant que l’on considère le régime politique qui est le nôtre et son gouvernement comme illégitimes. Ce qui l’est en revanche et qui réclame notre objection de conscience, ce sont certains points des programmes politiques de candidats à une élection et les lois correspondantes qu’ils feront voter s’ils sont élus. S’ils indiquent explicitement de tels projets dans leurs programmes de gouvernement, ma responsabilité d’électeur chrétien est engagée par mon vote et je ne pourrai pas, au moment du vote des lois qui en découleront, me défausser de ma responsabilité morale sur les élus qui rédigeront la loi en disant : « Je ne savais pas ; je n’avais pas voulu cela ».
En démocratie le Législateur c’est à la base le corps électoral, lui qui donne la première détermination aux lois à travers les programmes électoraux qu’il choisit, car il est le premier représentant du peuple, ce peuple qui aura à porter les conséquences des décisions politiques. Déresponsabiliser moralement les électeurs serait extrêmement grave car cela irait dans le sens de cet amoralisme procédural que la Note dénonce comme la corruption même de la démocratie. Pour cette raison la Note, même quand elle s’adresse en premier aux élus, prend soin d’ajouter « comme pour tout catholique » (n°4 alinéa 2), ou « programme politique » à « loi » (n°4 alinéa 3), et de formuler son interdit de manière universelle en disant à deux reprises « personne » (n°4 alinéa 2 et 3).
Raisons proportionnées
Mais l’électeur n’est responsable que des choix programmésqui sont soumis à son vote. En conséquence, le fait qu’un candidat s’accommode tant bien que mal d’un statu quo législatif déjà voté, alors que celui-ci transgresse des valeurs éthiques fondamentales, peut être considéré comme un moindre mal et ne pas empêcher en conscience de voter pour lui. C’est ce que le cardinal Ratzinger a reconnu dans une réponse de juillet 2004 aux évêques américains. « Quand un catholique ne partage pas la position d’un candidat en faveur de l’avortement et/ou de l’euthanasie, mais vote pour ce candidat pour d’autres raisons, on considère cet acte comme une coopération matérielle éloignée, permise en vertu de raisons proportionnées » [1].
Il faut bien comprendre que la responsabilité morale de l’électeur n’est pas engagée de la même manière face à une simple position personnelle d’un candidat et face à un choix programmé qu’il propose explicitement. En décidant de ne pas considérer dans son vote la position personnelle d’un candidat, l’électeur peut invoquer le moindre mal, car l’opinion personnelle du candidat n’engage pas de manière nécessaire le vote d’une loi immorale. En revanche, s’il accepte par son vote un choix programmé qui porte atteinte aux principes éthiques fondamentaux, l’électeur participe de manière effective à la loi qui sera votée ensuite. Dans le premier cas on n’est en présence que d’une intention, on reste dans le domaine du possible. Dans le second on pose un acte de coopération avec le mal, qui est bel et bien réel. C’est pourquoi dans ce cas l’objection de conscience s’impose moralement.
Je ne crois donc pas, comme théologien qui se sait faillible et ne demande pas mieux que d’être rectifié par le Magistère, qu’un catholique cohérent qui souhaite « voter utile » au second tour des prochaines élections présidentielles puisse invoquer en conscience soit l’irresponsabilité de son acte, soit la « coopération matérielle éloignée ». Le pape Benoît XVI vient de mettre de nouveau en garde les Européens contre la tentation « d'adopter un comportement pragmatique, aujourd'hui largement diffusé, qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines essentielles, comme si celui-ci était l'inévitable acceptation d'un prétendu moindre mal. Ce pragmatisme, présenté comme équilibré et réaliste, au fond ne l'est pas » (Discours de mars 2007 à l’occasion des cinquante ans de l’Union européenne).
L’application prudentielle de sa conscience
En revanche, il y a un point où va devoir s’exercer en prudence la responsabilité incommunicable de chaque électeur : dans l’application prudentielle de leur conscience chrétienne au cas particulier des programmes qui sont soumis à son choix. Il revient à chacun de nous de discerner si oui ou non il y a, dans les programmes des candidats qui nous sont présentés, des points qui portent atteinte à des principes éthiques fondamentaux et en conséquence non-négociables.
Chacun devra faire soigneusement la différence entre des positions énoncées par les candidats comme une intention encore vague et le projet explicitement formulé de faire voter une nouvelle loi (par exemple sur les unions homosexuelles, sur l’euthanasie ou sur la manipulation génétique). C’est dans cette application de leur conscience au choix particulier que des personnes également droites moralement pourront faire des appréciations prudentielles divergentes et ne devront pas se juger les uns les autres. Seul l’avenir dira qui avait fait le choix juste. Laissons à Dieu d’éclairer chacun dans l’application effective de sa conscience à ses actes.
“Être digne de recevoir la Sainte Communion”, principes généraux. Memorandum aux évêques américains
À l'occasion des élections de 2004 aux États-Unis, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi a adressé un memorandum au Cardinal McCarrick, président de la conférence des évêques américains, pour rappeler six principes généraux au sujet des conditions pour recevoir la sainte communion, particulièrement s'il s'agit d'hommes politiques favorables à l'avortement et à l'euthanasie.
Voici le texte du cardinal sous forme de réponses introduites par des questions, dans la traduction de la Documentation catholique. À signaler, le Nota bene qui porte précisément non sur le cas des élus, mais des électeurs.
1- Quelles questions devrait se poser le chrétien catholique avant de s'approcher de la Sainte Communion ?
Se présenter pour recevoir la sainte communion devrait être l'objet d'une décision prise en son âme et conscience, fondée sur la question de savoir si l'on est digne d'un tel acte, selon les critères objectifs de l'Église. Il faudrait se poser des questions telles que :
- Suis-je en pleine communion avec l'Église catholique ?
- Suis-je en état de péché grave ?
- Suis-je l'objet d'une sanction (ex. excommunication, interdit) qui m'empêche de recevoir la sainte communion ?
- Me suis-je préparé à la communion en jeûnant au moins une heure auparavant ?
Se présenter sans discernement à la sainte communion, tout simplement parce qu'on est à la messe, constitue un abus devant être corrigé (cf. Instruction Redemptionis sacramentum, 81, 83)
2 - L'avortement et l'euthanasie sont-ils des péchés graves qui empêchent de recevoir la Communion eucharistique ? Y a-t-il des circonstances exceptionnelles qui excusent ?
L'Église enseigne que l'avortement ou l'euthanasie est un péché grave. La lettre encyclique Evangelium vitæ, en se référant aux décisions de justice ou aux lois civiles qui autorisent ou font la promotion de l'avortement et de l'euthanasie déclare que celles-ci entraînent "une obligation grave et précise de s'y opposer par l'objection de conscience [...]”. Dans le cas d'une loi intrinsèquement injuste comme celle qui admet l'avortement ou l'euthanasie, il n 'est donc jamais licite de s'y conformer, "ni de participer à une campagne d'opinion en faveur d'une telle loi, (de) donner à celle-ci son suffrage" (n. 73). Les chrétiens "sont appelés, en vertu d'un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu'admises par la législation civile, sont en opposition avec la loi de Dieu. En effet, du point de vue moral, il n'est jamais licite de coopérer formellement au mal. [...] Cette coopération ne peut jamais être justifiée en invoquant le respect de la liberté d'autrui, ni en prenant appui sur le fait que la loi civile la prévoit et la requiert" (n. 74).
3. Le recours à la peine capitale ou la décision de faire la guerre rendent-ils indigne de recevoir la communion eucharistique ?
Toutes les questions morales n'ont pas le même poids que l'avortement et l'euthanasie. Par exemple, si un catholique n'était pas d'accord avec le Saint-Père sur l'application de la peine capitale ou sur la décision de faire la guerre, il ne serait pas considéré, pour cette raison, indigne de recevoir la sainte communion. Alors que l'Église exhorte les autorités à rechercher la paix, et non la guerre, et à faire preuve de retenue et d'indulgence dans l'application de punitions aux criminels, il peut toujours être permis de prendre les armes pour repousser un agresseur ou avoir recours à la peine capitale. Il peut légitimement exister une grande diversité d'opinions, même parmi les catholiques en ce qui concerne la décision de faire la guerre ou l'application de la peine de mort, mais pas pour ce qui est de l'avortement ou de l'euthanasie.
4. La question de la dignité pour se présenter à la Sainte Communion relève-t-elle de la seule appréciation personnelle ? Les pasteurs de l'Église ont-ils le droit porter un jugement à ce sujet ?
Outre l'évaluation personnelle de chacun sur la dignité de se présenter ou non à la sainte Eucharistie, il se peut que le ministre de la sainte communion se trouve dans la situation de refuser de donner la sainte communion à une personne qui fait l'objet d'une excommunication ou d'un interdit ou qui persiste avec obstination dans un péché grave et manifeste (cf. canon 915) ?
5. Que doit faire un pasteur (prêtre ou évêque) dont un fidèle, confié à son ministère, se présente à la Communion alors qu'il est publiquement en état de péché grave ?
En ce qui concerne le grave péché de l'avortement, ou de l'euthanasie, lorsque la coopération formelle d'une personne est manifeste (cas d'un homme politique catholique faisant ouvertement campagne en faveur de lois permissives sur l'avortement et l'euthanasie), son pasteur doit le rencontrer, l'instruire de l'enseignement de l'Église, lui dire qu'il n'est pas censé se présenter à la sainte communion avant d'avoir mis fin à la situation de péché objective dans laquelle il se trouve et le prévenir que, dans le cas contraire, l'Eucharistie lui serait refusée. Au cas où "ces précautions n'auraient pas eu d'effet ou n'auraient pas pu être prises" et que la personne en question, persiste, de manière obstinée, à se présenter pour recevoir la sainte Eucharistie, "le ministre de la sainte communion doit refuser de la donner" (cf. Déclaration du Conseil pontifical pour l'interprétation des textes législatifs : "La sainte communion et les catholiques divorcés ou remariés civilement", 2002, 3-4).
6. La sanction portée par le ministre de l'Église n'est-elle pas un jugement sur la conscience d'un homme ?
Cette décision, à proprement parler, n'est pas une punition ou une sanction. Le ministre de la sainte communion n'émet pas ici non plus de jugement sur la culpabilité subjective mais réagit plutôt au déficit de dignité public de la personne pour recevoir la sainte communion en raison d'une situation de péché objective.
(Nota bene)
7. Un catholique peut-il voter pour un candidat catholique favorable à l'avortement, sans s'exclure lui-même à son tour de la communion eucharistique ?
Un catholique serait coupable de coopération formelle avec le mal, et serait donc indigne de recevoir la sainte communion, s'il devait délibérément voter pour un candidat précisément en raison de la position permissive du candidat sur l'avortement et/ou l'euthanasie [if he were to deliberately vote for a candidate precisely because of the candidate’s permissive stand on abortion and/or euthanasia]. Quand un catholique ne partage pas la position d'un candidat en faveur de l'avortement et/ou de l'euthanasie, mais vote pour ce candidat pour d'autres raisons, on considère cet acte comme une coopération matérielle éloignée [remote material cooperation], permise en vertu de raisons proportionnées.
Source : site du diocèse de Belley-Ars, traduction Documentation catholique, 17 octobre 2004, n° 2322.
Puce "Apostasie" : l’Europe se renie elle-même en niant les valeurs universelles ?
26 mars 2007
Discours de Benoît XVI à l’occasion des cinquante ans des Traités de Rome au congrès de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE), Salle clémentine, 24 mars 2007.
Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l’épiscopat,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous recevoir en si grand nombre à cette audience, qui a lieu à la veille du cinquantième anniversaire de la signature des Traités de Rome, advenue le 25 mars 1957. Une étape importante se réalisait alors pour l’Europe, sortie exsangue du deuxième conflit mondial et désireuse d’édifier un avenir de paix et de plus grand bien-être économique et social, sans éliminer ni nier les diverses identités nationales. Je salue Mgr Adrianus Herman van Luyn, évêque de Rotterdam, Président de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne, et je le remercie des paroles aimables qu’il m’a adressées. Je salue les autres prélats, les éminentes personnalités, ainsi que tous ceux qui prennent part au Congrès promu ces jours-ci par la COMECE pour réfléchir sur l’Europe.
Depuis le mois de mars d’il y a cinquante ans, ce continent a parcouru un long chemin, qui a conduit à la réconciliation des deux "poumons" - l’Occident et l’Orient - liés par une histoire commune, mais séparés de façon arbitraire par un rideau d’injustice. L’intégration économique a encouragé l’intégration politique et a favorisé la recherche, encore péniblement en cours, d’une structure institutionnelle adéquate pour une Union européenne qui compte désormais 27 pays et aspire à devenir un acteur international dans le monde.
Racines et vocation de l’Europe
Au cours des dernières années, l’on a ressenti toujours plus l’exigence d’établir un équilibre sain entre la dimension économique et la dimension sociale, à travers des politiques capables de produire des richesses et d’accroître la compétitivité, sans toutefois négliger les attentes légitimes des pauvres et des exclus. Sous l’aspect démographique, on doit malheureusement constater que l’Europe semble avoir emprunté une voie qui pourrait la conduire à disparaître de l’histoire. Outre le fait de menacer la croissance économique, cela peut également provoquer d’immenses difficultés à la cohésion sociale, et surtout, favoriser un individualisme dangereux, qui n’est pas attentif aux conséquences pour l’avenir. On pourrait presque penser que le continent européen perd effectivement confiance dans son avenir. En outre, en ce qui concerne, par exemple, le respect de l’environnement ou l’accès réglementé aux ressources et aux investissements en matière d’énergie, la solidarité a du mal à être promue, non seulement dans le domaine international, mais également dans celui strictement national. Le processus d’unification européenne lui-même n’est pas partagé par tous, en raison de l’impression diffuse que divers "chapitres" du projet européen ont été "écrits" sans tenir assez compte des attentes des citoyens.
Tout cela fait apparaître clairement que l’on ne peut pas penser édifier une authentique "maison commune" européenne en négligeant l’identité propre des peuples de notre continent. Il s’agit en effet d’une identité historique, culturelle et morale, avant même d’être géographique, économique ou politique ; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique, mais fondateur à l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent l’âme du continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme un "ferment" de civilisation. Si elles devaient disparaître, comment le "vieux" continent pourrait-il continuer de jouer le rôle de "levain" pour le monde entier ?
Si, à l’occasion du 50 anniversaire des Traités de Rome, les gouvernements de l’Union désirent s’"approcher" de leurs citoyens, comment pourraient-ils exclure un élément essentiel de l’identité européenne tel que le christianisme, dans lequel une vaste majorité d’entre eux continue de s’identifier ?
Apostasie ? Le danger du pragmatisme
N’est-il pas surprenant que l’Europe d’aujourd’hui, tandis qu’elle vise à se présenter comme une communauté de valeurs, semble toujours plus souvent contester le fait qu’il existe des valeurs universelles et absolues ? Cette forme singulière d’"apostasie" d’elle-même, avant même que de Dieu, ne la pousse-t-elle pas à douter de sa propre identité ? De cette façon, on finit par répandre la conviction selon laquelle la "pondération des biens" est l’unique voie pour le discernement moral et que le bien commun est synonyme de compromis. En réalité, si le compromis peut constituer un équilibre légitime d’intérêts particuliers différents, il se transforme en mal commun chaque fois qu’il comporte des accords qui nuisent à la nature de l’homme.
Une communauté qui se construit sans respecter la dignité authentique de l’être humain, en oubliant que chaque personne est créée à l’image de Dieu, finit par n’accomplir le bien de personne. Voilà pourquoi il apparaît toujours plus indispensable que l’Europe se garde d’adopter un comportement pragmatique, aujourd’hui largement diffusé, qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines essentielles, comme si celui-ci était l’inévitable acceptation d’un prétendu moindre mal. Ce pragmatisme, présenté comme équilibré et réaliste, au fond ne l’est pas, précisément parce qu’il nie la dimension de valeur et d’idéal qui est inhérente à la nature humaine.
De plus, lorsque s’ajoutent à ce pragmatisme des tendances et des courants laïcistes et relativistes, on finit par nier aux chrétiens le droit même d’intervenir en tant que tels dans le débat public ou, tout au moins, on dévalorise leur contribution en les accusant de vouloir sauvegarder des privilèges injustifiés. A l’époque historique actuelle, et face aux nombreux défis qui la caractérisent, l’Union européenne, pour être le garant valide de l’Etat de droit et le promoteur efficace de valeurs universelles, ne peut manquer de reconnaître avec clarté l’existence certaine d’une nature humaine stable et permanente, source de droits communs à toutes les personnes, y compris celles-là mêmes qui les nient. Dans ce contexte, il faut sauvegarder le droit à l’objection de conscience, chaque fois que les droits humains fondamentaux sont violés.
Appel aux chrétiens
Chers amis, je sais combien il est difficile pour les chrétiens de défendre inlassablement cette vérité de l’homme. Mais ne vous lassez pas et ne vous découragez pas ! Vous savez que vous avez le devoir de contribuer à édifier, avec l’aide de Dieu, une nouvelle Europe, réaliste mais non pas cynique, riche d’idéaux et libre de toute illusion ingénue, inspirée par la vérité éternelle et vivifiante de l’Evangile. Pour cela, soyez présents de façon active dans le débat public européen, conscients que celui-ci fait désormais partie intégrante du débat national, et unissez à cet engagement une action culturelle efficace. Ne vous pliez pas à la logique du pouvoir pour lui-même ! Que l’avertissement du Christ soit pour vous un encouragement et un soutien constant : si le sel vient à s’affadir, il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens (cf. Mt 5, 13). Que le Seigneur rende fécond chacun de vos efforts et qu’il vous aide à reconnaître et à valoriser les éléments positifs présents dans la civilisation actuelle, en dénonçant toutefois avec courage tout ce qui est contraire à la dignité de l’homme.
Je suis certain que Dieu ne manquera pas de bénir l’effort généreux de tous ceux qui, dans un esprit de service, œuvrent pour construire une maison commune européenne où chaque contribution culturelle, sociale et politique vise au bien commun. A vous, qui participez déjà de diverses façons à cette importante entreprise commune, j’exprime mon soutien et j’adresse mon plus vif encouragement. Et surtout, je vous assure de mon souvenir dans la prière et, tandis que j’invoque la protection maternelle de Marie, Mère du Verbe incarné, je vous donne de tout cœur, ainsi qu’à vos familles et communautés, une Bénédiction affectueuse.