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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Thierry Boutet, Jugement de conscience et bulletin de vote

Publié par Walter Covens sur 17 Avril 2007, 17:43pm

Catégories : #actualités

    À deux mois du premier tour de l’élection présidentielle, les Français hésitent encore sur le choix de leur candidat préféré. Chez les catholiques, le doute n’est pas moindre que pour l’ensemble de la population. Leurs intentions de vote s’éparpillent au premier tour sur un éventail qui va du centre gauche à l’extrême-droite. Le regroupement nécessaire du second tour ne sera pas sans provoquer de douloureuses questions. Aucun des vainqueurs possibles du second tour, François Bayrou, Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, n’avancent des programmes conciliables avec la vision de l’homme et de l’agir humain enseignés par le magistère de l’Église.

    Si l’on s’en tient à une interprétation rigoriste et formelle des principes humains et moraux considérés comme non négociables, les catholiques sont en situation de ne pouvoir voter pour aucun de ces candidats.

Les exigences éthiques de l’électeur

    L'hebdomadaire Famille chrétienne aborde cette épineuse question dans un entretien avec le Père Jean-Miguel Garrigues qui vient de paraître (24 février). Pour le théologien, qui développera sa pensée dans nos colonnes prochainement, les catholiques risquent de se trouver au second tour devant des exigences éthiques aux conséquences redoutables :

« Aujourd'hui, on constate déjà de graves divergences entre la législation en vigueur et certains principes éthiques non négociables. Il appartiendra à chacun d’apprécier, en prudence, si le programme d'un des deux candidats en lice est susceptible d'améliorer quelque peu la situation. C’est dans l’appréciation de ce moindre mal que sera engagée la responsabilité morale de l'électeur. On peut voter pour un programme moralement imparfait mais seulement à condition que celui-ci atténue de quelque manière les imperfections éthiques de la législation actuelle. »

    Pour éclairer le jugement des catholiques confrontés à cet « exercice périlleux », la Fondation de service politique va publier un Guide de l’électeur chrétien dans le prochain numéro de Liberté politique. Ce Guide sera lui-même complété par un livre de Thierry Boutet sur l’Engagement des chrétiens en politique (Ed. Privat) rédigé à partir d’une enquête menée auprès de 60.000 correspondants de la Fondation, et qui a donné lieu à près de 9.000 réponses détaillées. Le fil directeur de ces documents, à paraître mi-mars, repose sur la Note Ratzinger consacrée à l’engagement politique des catholiques, d’où se dégagent deux axes forts :

1/ Les catholiques ne peuvent pas se désengager de l’action politique même si leur poids et les circonstances rendent cet engagement « périlleux » du point de vue éthique. C’est un enseignement constant de l’Église, spécialement depuis le concile Vatican II.

2/ Cet engagement les oblige à exercer leur jugement de prudence dans un contexte totalement inédit et les place de plus en plus en situation d’objection de conscience, dans la continuité de l’enseignement de Jean Paul II (Christifideles laici, Evangelium vitæ et Veritatis splendor).

    Voici ce qu’écrivait le cardinal Ratzinger en 2002 :

« La conscience chrétienne bien formée ne permet à personne de favoriser par son vote, la mise en acte d'une loi ou d'un programme politique, dans lequel les contenus fondamentaux de la foi et de la morale sont détruits par la présence de propositions qui leurs sont alternatives ou opposées. Parce que la foi est constituée comme une unité infrangible, il n'est pas logique d'isoler un de ses éléments au détriment de la totalité de la doctrine catholique. L'engagement politique en faveur d'un aspect isolé de la doctrine sociale de l'Église ne suffit pas à épuiser la responsabilité pour le bien commun. Le catholique ne peut penser non plus à déléguer à d'autres l'engagement chrétien qu'il a reçu de l'Évangile de Jésus-Christ, pour que la vérité sur l'homme et sur le monde puisse être annoncée et rejointe. »

    Il n’est donc pas possible pour un chrétien, notamment à un parlementaire, de donner son assentiment à une loi ou un programme qui transgresse un principe éthique non négociable, sauf dans deux cas :

1/ si la mesure proposée réduit le champ d’application de cette transgression,

2/ si lui-même est connu dans son opposition à cette transgression et fermement engagé dans une démarche qui tend à la faire cesser. Exemple, il lui serait possible d’acquiescer à une mesure, qui sans abroger la loi sur l’avortement, prendrait des dispositions pour informer les femmes sur son danger ou leur proposer une alternative.

    Voici, en effet ce qu’écrit encore la Note Ratzinger :

« Comme l'a enseigné le Pape lui-même, dans la lettre encyclique Evangelium vitæ, à propos du cas où il ne serait pas possible de conjurer ou d'abroger complètement une loi abortiste déjà en vigueur ou mise aux voix, cela n'empêche pas qu'un parlementaire dont l'opposition personnelle absolue à l'avortement serait manifeste et connue de tous, puisse licitement apporter son soutien à des propositions visant à “limiter les préjudices d'une telle loi et à en diminuer les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique. »

    La Note considère le cas de l’élu en situation de voter une loi. Mais qu’en est-il d’un citoyen appelé à voter pour un candidat qui soutient un programme contenant des éléments contraire aux droits de l’homme ? Doit-il se replier dans une abstention, quelle qu’en soit la motivation, qui l’exilerait à l’intérieur de sa propre société ? Non sans aucun doute, en raison du devoir qui est le sien et auquel il ne peut renoncer, devoir qui l’oblige à exercer son jugement de prudence autant qu’il exerce son jugement de conscience.


Exil intérieur ou résolution à l’action ?

    Alors ? Dans un memorandum aux évêques américains portant sur les conditions exigées pour recevoir la communion, le cardinal répond :

« Un catholique serait coupable de coopération formelle avec le mal, et serait donc indigne de recevoir la sainte communion, s'il devait délibérément voter pour un candidat précisément en raison de la position permissive du candidat sur l'avortement et/ou l'euthanasie. Quant un catholique ne partage pas la position d'un candidat en faveur de l'avortement et/ou de l'euthanasie, mais vote pour ce candidat pour d'autres raisons, on considère cet acte comme une coopération matérielle [ie. accidentelle ou indirecte, Ndlr] éloignée, permise en vertu de raisons proportionnées » (juillet 2004).

    Quelles sont alors les « raisons proportionnées » qui permettent de voter pour tel ou tel candidat ?

    Si l’on suit ces deux textes, la Fondation de service politique soutient qu'il est possible de voter pour un candidat ou un programme qui comporte des points contraires à l’enseignement de l’Église, mais à deux conditions, et deux conditions infrangibles :

1/Si et seulement si ce programme est moins mauvais que les autres, ou plus exactement meilleur que les autres au regard du bien commun de la société tout entière ;

2/ et si et seulement si l’électeur s’engage lui-même pour que la ou les mesures contraires à la loi naturelle soit un jour ou l’autre interdite.

    Dans cette perspective, on comprend que le bulletin de vote ne peut pas être le seul acte politique du citoyen adulte. Il ne prend son sens que s’il s’inscrit dans une volonté d’agir répondant à la totalité de sa responsabilité de chrétien dans la cité. Le choix du « moindre mal », ou plutôt du « meilleur bien possible » selon l’heureuse expression du Père Jean-Miguel Garrigues, dans le soutien d’un candidat ou d’un programme qui transgresse un droit fondamental, n’est acceptable, en prudence, que si par son action sociale, culturelle ou politique l’électeur s’engage lui même dans un combat résolu, public et missionnaire pour la culture de vie.

    Si le vote ne s’accompagne pas d’une résolution à soutenir tout moyen d’exprimer son objection de conscience, il perd non seulement son efficacité politique, mais aussi sa pertinence morale puisqu’il deviendrait une sorte de renoncement. Au final, c’est cette résolution à assumer toute sa responsabilité qui donnera au chrétien l’intelligence morale de la situation au moment du vote.

    La Note Ratzinger, elle même nous rappelle en effet, que

« la foi en Jésus-Christ, qui s'est défini lui-même comme “la voie, la vérité et la vie” (Jn 14,6), demande aux chrétiens un effort pour s'insérer, avec un engagement majeur, dans la construction d'une culture qui, sous l'inspiration de l'Évangile, propose à nouveau le patrimoine de valeurs et le contenu de la Tradition catholique »

    Dans les conditions politiques qui sont aujourd’hui les nôtres, cela signifie que quel que soit le pluralisme de nos options temporelles, nous ne pouvons, comme chrétiens, nous abstenir de cet engagement en faveur du respect de la dignité de la personne et du bien commun. C’est le message central que Fondation de service politique entend porter durant cette campagne électorale, et donc au-delà des prochains scrutins, présidentiel et législatifs. Il justifie son existence et explique le soutien que de plus en plus de catholiques lui apportent.

    Dans le cadre de cet engagement résolu, le vote de conscience est un acte politique qui s’inscrit dans un engagement global au service de la culture de vie et du respect de l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.


POUR LA FONDATION DE SERVICE POLITIQUE,
Thierry Boutet
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