■ Cette semaine la presse s’est fait l’écho de révélations sur la mort des moines de Tibéhirine. À l’origine du drame : une machination, et une bavure de l’armée algérienne. « Les sept moines français séquestrés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, à Tibéhirine, par un groupe islamique infiltré par la sécurité militaire, furent tués depuis un hélicoptère de l’armée algérienne. » La révélation, a été faite au quotidien italien La Stampa par un haut fonctionnaire d’un gouvernement occidental qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de sécurité. L’information a été publiée dans son édition de dimanche dernier. Il s’agirait d’un « faux enlèvement ».
Selon Ouest France, « ce faux enlèvement aurait été planifié par des cellules parallèles des services de sécurité, afin de montrer le danger que représentait la déferlante islamique. Dans l’opération, les ravisseurs islamistes n’étaient que des hommes de main. » L’enlèvement aurait dû se terminer par la libération des religieux, mais un hélicoptère militaire a tiré sur le bivouac où les religieux étaient retenus. « Les corps des moines étaient criblés de balles. C’est pour cela qu’au moment des funérailles, il n’y avait que les têtes qui furent déposées dans les cercueils. » Selon cette source, les moines auraient été décapités après leur mort pour camoufler la vérité. Le père Armand Veilleux, procureur des cisterciens, confirme ce détail macabre. Quant à la mort, deux mois après, de l’évêque d’Oran, Mgr Claverie, il serait, « un prolongement de l’affaire », car « il en savait trop… ».
Devant ces révélations, le Vatican exprimait dimanche sa « stupeur ». Mais pour le cardinal Martino, président du Conseil pontifical Justice et Paix, cette hypothèse « ne saurait être liquidée comme fantaisiste car ce ne serait pas la première fois que, sur le meurtre de religieux, les vérités d’État seraient démenties ».
Le but de l’enlèvement aurait été purement médiatique. « Il s’agissait de convaincre les hommes politiques et le peuple français des dangers de l’islamisme », mais aussi de « l’efficacité des services secrets algériens ainsi que de la fidélité de l’Algérie à la France ». Selon le site Internet du Mouvement algérien des officiers libres (MAOL), et le site Algeria-Watch, site d’information sur la situation des droits humains en Algérie, cette opération aurait été montée par la sécurité algérienne, de connivence avec la DST française.
Les communiqués du GIA du 18 avril annonçant l’enlèvement et du 21 mai annonçant la mort des moines dix jours plus tôt, signés de l’émir Abou Abderrahmane Amine, alias Djamel Zitouni, seraient des faux.
Les moines exaspéraient le gouvernement algérien. Les « frères de la montagne » venaient au monastère se faire soigner par le « frère médecin ». Les moines laissaient leurs hôtes utiliser leur téléphone pour des appels à l’étranger. Ces communications étaient enregistrées par Alger. En contrepartie, les frères jouissaient de l’estime des islamistes et de leur protection. L’émir local leur aurait même garanti la sécurité.
La présence des moines à Tibéhirine gênait donc le gouvernement algérien. Il souhaitait leur départ et avait mis au point un scénario à peu près identique à celui utilisé un an avant pour l’expulsion de fonctionnaires français. Une fois libérés après la vraie-fausse séquestration, le gouvernement algérien mettait les religieux dans un avion pour Paris où les cantonnait à la nonciature d’Alger, comme il l’avait fait l’année précédente pour des fonctionnaires français. Mais le responsable de l’enlèvement, agent double du gouvernement, s’est fait lui-même ravir ses prisonniers par un autre groupe islamique. Dés lors le plan A ne fonctionnait plus. Le gouvernement serait donc passé au plan B, bien plus dramatique.
Quelques soient les conditions de leur mort, les moines de Tibéhirine sont, par toute leur vie, des témoins de la foi. Mais la vérité et la justice doivent être rendues à leur mémoire. Pour eux-mêmes et pour leurs familles, qui exigent de savoir s’ils ont été tués par des islamistes « en haine de la foi chrétienne », ou victime d’un imbroglio politico-militaire qui a mal tourné.