Nous vivons donc un moment important de notre communion épiscopale, les Évêques de France autour de l’Évêque de Rome qui, cette fois, est leur hôte, alors qu’il les a reçus d’autres fois en diverses occasions, par exemple au cours des visites “ad limina”, spécialement en 1977 où Paul VI a fait avec vous le point sur un grand nombre de questions, d’une façon qui demeure très valable aujourd’hui. Il nous faut rendre grâce à Dieu de ce que Vatican II ait entrepris, confirmé et rénové la doctrine sur la collégialité de l’épiscopat, comme l’expression vivante et authentique du collège que, par l’institution du Christ, les Apôtres ont constitué avec Pierre à leur tête. Et nous rendons grâce aussi à Dieu de pouvoir, sur cette route, mieux accomplir notre mission: rendre témoignage à l’Évangile, et servir l’Église et aussi le monde contemporain, auquel nous avons été envoyés avec toute l’Église. (...)
2. La mission de l’Église, qui se réalise continuellement dans la perspective eschatologique, est en même temps pleinement historique. Cela se rattache au devoir de lire les “signes des temps”, qui a été si profondément pris en compte par Vatican II. Avec une grande perspicacité, le Concile a également défini quelle est la mission de l’Église dans l’étape actuelle de l’histoire. Notre tâche commune demeure donc l’acceptation et la réalisation de Vatican II, selon son contenu authentique.
Ce faisant, nous sommes guidés par la foi: c’est notre raison d’agir principale et fondamentale.
Nous croyons que le Christ, par l’Esprit Saint, était avec les Pères conciliaires, que le Concile contient, dans son magistère, ce que l’Esprit “dit à l’Église”, et qu’il le dit en même temps dans une pleine harmonie avec la Tradition et selon les exigences posées par les “signes des temps”. Cette foi est fondée sur la promesse du Christ: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” ; sur cette foi se fonde aussi notre conviction qu’il nous faut “réaliser le Concile” tel qu’il est. et non comme certains voudraient le voir et le comprendre.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que, dans cette étape “post conciliaire”, se soient aussi développées, avec une assez grande intensité, certaines interprétations de Vatican II qui ne correspondent pas à son magistère authentique. Il s’agit ici de deux tendances bien connues: le “progressisme” et l’“intégrisme”. Les uns sont toujours impatients d’adapter même le contenu de la foi, l’éthique chrétienne, la liturgie, l’organisation ecclésiale aux changements des mentalités, aux requêtes du “monde”, sans tenir compte suffisamment, non seulement du sens commun des fidèles, qui sont désorientés, mais de l’essentiel de la foi, déjà définie, des racines de l’Église, de son expérience séculaire, des normes nécessaires à sa fidélité, à son unité, à son universalité. Ils ont la hantise d’“avancer”, mais vers quel “progrès” en définitive? Les autres - revalant de tels abus que nous sommes bien évidemment les premiers à réprouver et à corriger - se durcissent en s’enfermant dans une période donnée de l’Église, à un stade donné de formulation théologique ou d’expression liturgique dont ils font un absolu, sans pénétrer suffisamment le sens profond, sans considérer la totalité de l’histoire et son développement légitime, en craignant les questions nouvelles, sans admettre en définitive que l’Esprit de Dieu est à l’œuvre aujourd’hui dans l’Église, avec ses Pasteurs unis au Successeur de Pierre.
Ces faits ne sont pas étonnants. si l’on pense aux phénomènes analogues dans l’histoire de l’Église.
Mais il est d’autant plus nécessaire de concentrer toutes les forces sur l’interprétations juste, c’est à dire authentique, du magistère conciliaire, comme le fondement indispensable de l’auto-réalisation ultérieure de l’Église, pour laquelle ce magistère est la source des inspirations et des orientations justes. Les deux tendances extrêmes que je signalais entretiennent non seulement une opposition, mais une division fâcheuse et préjudiciable, comme si elles s’attisaient mutuellement au point de créer un malaise pour tous, voire un scandale, et de dépenser dans ce soupçon et cette critique réciproques tant d’énergies qui seraient si utiles à un véritable renouveau. Il faut espérer que les uns et les autres, qui ne manquent pas de générosité ni de foi, apprennent humblement, avec leurs Pasteurs, à surmonter cette opposition entre frères, pour accepter l’interprétation authentique du Concile - car c’est là la question de fond - et pour faire face ensemble à la mission de l’Église, dans la diversité de leur sensibilité pastorale. Certes la grande majorité des chrétiens de votre pays sont prêts à manifester leur fidélité et leur disponibilité à suivre l’Église; ils ne partagent pas ces positions extrêmes et abusives, mais un certain nombre flottent entre les deux ou en sont troublés; et le problème est aussi qu’ils risquent de devenir indifférents et de s’éloigner de la foi. L’heure vous impose d’être plus que jamais les artisans de l’unité, en veillant à la fois aux questions de fond qui sont en jeu et aux difficultés psychologiques qui empêchent la vie ecclésiale dans la vérité et dans la charité. (à suivre)
VISITE PASTORALE À PARIS ET LISIEUX
DISCOURS DE JEAN-PAUL II
AUX ÉVÊQUES DE FRANCE
Paris, 1 juin 1980