Le prophète Isaïe nous l’a annoncé en disant qu’il est traîné à l’abattoir comme une brebis, comme un agneau muet devant ceux qui le tondent (Is 53,7). La loi de Moïse l’a préfiguré, mais, étant figure et ombre, elle ne procurait qu’un salut incomplet et sa miséricorde ne s’étendait pas à tous les hommes. Or, aujourd’hui, l’Agneau véritable, représenté jadis par des symboles, la victime sans reproche est menée à l’abattoir.
C’est pour chasser le péché du monde, renverser l’Exterminateur de la terre, détruire la mort en mourant pour tous, briser la malédiction qui nous frappe et mettre désormais fin à ceci : Tu es poussière et à la poussière tu retourneras (Gn 3,19). Devenu ainsi le second Adam, d’origine céleste et non terrestre, il est la source de tout bien pour l’humanité, le destructeur de la corruption qui était étrangère à notre nature, le médiateur de la vie éternelle, le garant du retour à Dieu, le principe de la piété et de la justice, la voie qui mène au Royaume des cieux. Car un seul Agneau est mort pour tous, recouvrant pour Dieu le Père tout le troupeau de ceux qui habitent la terre ; un seul est mort pour tous, afin de les soumettre tous à Dieu ; un seul est mort pour tous afin de les gagner tous, afin que tous désormais n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux (2 Co 5,15).
Nous vivions, en effet, dans nos nombreux péchés, et, de ce fait, nous avions à acquitter une dette de mort et de corruption. Aussi le Père a-t-il livré son Fils en rançon pour nous, un seul pour tous, car toutes choses sont en lui et il est au-dessus de tout. Un seul est mort pour tous afin que nous vivions tous en lui, car la mort, qui avait englouti l’Agneau sacrifié pour tous, les a tous restitués en lui et avec lui. En effet, nous étions tous dans le Christ qui est mort pour nous et à notre place, et qui est ressuscité.
Une fois le péché détruit, comment la mort qui a en lui son principe et sa cause, échapperait-elle à la destruction complète ? Une fois la racine morte, comment le germe qui en sort pourrait-il encore se conserver ? Une fois le péché effacé, pour quelle faute encore devrions-nous mourir ? Célébrons donc dans la joie l’immolation de l’Agneau, en disant : O mort, où est ta victoire ? O enfer, où est ton dard venimeux (1 Co 15,55) ?
Commentaire sur l’évangile de Jean, 2, Prol , PG 73, 192-193