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Publié par dominicanus

 

2 TOC ev
 
 
    Après la solennité de l'Épiphanie du Seigneur et après la fête de son Baptême, voici qu'en ce deuxième dimanche du Temps Ordinaire (en fait le premier) nous venons d'entendre le récit des Noces de Cana dans l'Évangile de S. Jean. Il est le seul à nous rapporter cet épisode qu'il situe au début du ministère de Jésus. C'est en tenant compte de ce contexte liturgique que nous allons essayer de méditer brièvement ce mystère, devenu il y a quelques années le deuxième mystère lumineux du S. Rosaire.


    Il y a, en effet, un point commun entre ces trois mystères: celui de l'Épiphanie, celui du Baptême et celui de Cana. Quel est ce point commun? L'antienne du Cantique de Zacharie de l'Office des Laudes de l'Épiphanie nous mettra sur la piste:

 
Aujourd'hui, l'Église est unie à son Époux: le Christ, au Jourdain, la purifie de ses fautes, les mages apportent leurs présents aux noces royales, l'eau est changée en vin, pour la joie des convives, alléluia.

 


    C'est admirable de concision et de densité! Tout est dit, en peu de mots. Difficile de faire mieux. L'antienne du Cantique de Marie (le Magnificat) à l'Office de Vêpres dit la même chose d'une manière un peu différente:

 
Nous célébrons trois mystères en ce jour: aujourd'hui l'étoile a conduit les mages vers la crèche; aujourd'hui l'eau fut changée en vin aux noces de Cana; aujourd'hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver, alléluia.
 


    Épiphanie, Baptême, Noces de Cana: ces trois évènements sont évidemment des évènements bien distincts dans le temps (et dans l'espace). Pourtant il y a une réalité (et j'insiste sur "réalité") qui permet de dire pour les trois en même temps: "aujourd'hui", comme si c'était un seul et même jour. Cette réalité, ce n'est pas un fait, car il s'agit de trois faits bien distincts. Alors qu'elle est-elle? Elle est de l'ordre de la signification de ces faits, de leur symbolisme.



    Mais attention! Aujourd'hui, quand on dit "symbole" ou "symbolique", on pense tout de suite à "fiction" ou "ficitf", un peu comme quand on dit que quelqu'un a cédé un terrain au bénéfice d'une bonne oeuvre pour un euro "symbolique". Le symbole, au sens fort du mot, n'est pas une fiction.



    Le symbole, c'est la réalité. C'est même plus réel que le fait brut, si j'ose dire, car il exprime la réalité profonde, et il est le seul à pouvoir l'exprimer. Le langage scientifique, auquels nous sommes accoutumés (c'est une accoutumance...), ne permet pas de tout dire. Essayez de dire en langage scientifique ce que ressentent un jeune homme et une jeune fille quand ils "tombent" amoureux l'un de l'autre. Quelles que soient vos compétences scientifiques, ces deux jeunes gens resteront immanquablement sur leur faim s'ils vous écoutaient décrire de cette manière ce qui se passe en eux, comme si vous viviez sur une autre planète. Mais si vous le faites comme les grands poètes, les deux amoureux se précipiteront à la librairie la plus proche pour acheter votre recueil de poèmes en vous demandant de le leur dédicacer.



    Vous me direz:

- Oui, mais alors l'auteur du quatrième évangile c'est un poète qui est arrivé a exprimer en langage imagé une réalité profonde. D'accord... Mais les faits qu'il rapporte ne sont pas historiques.



    Un poète talentueux, c'est vrai, peut parler d'une histoire d'amour qu'il a inventée, comme si c'était une histoire réelle, avec beaucoup de vraisemblance, parce qu'il transpose dans un certain cadre ce que d'autres personnes, en d'autres temps et en d'autres lieux, ont pu vivre.



    Ainsi, à propos des noces de Cana, un auteur (J. Potin, Jésus, 1995) a écrit:

 

Pour Jean les miracles ne sont pas des actes de puissance, comme chez les Synoptiques, mais des signes, c'est-à-dire des symboles (...). Le symbole prend le pas sur la réalité des faits (...). Impossible de savoir ce qui s'est réellement passé.
 


    D'accord pour la première partie. Pour la deuxième, c'est vrai pour les apocryphes, mais certainement par pour l'Évangile de Jean. Les apocryphes sont des récits plus ou moins fictifs fabriqués de toute pièce, "pour les besoins de la cause", pour illustrer une vérité de foi. S'en délectent les gens, avides de merveilleux, qui, en lisant les quatre Évangiles, restent sur leur faim, en particulier pour ce qui concerne toute la période de l'enfance de Jésus. Ces écrits nous décrivent, par exemple, la Sainte Famille lors de la fuite en Égypte se nourrissant des fruits des arbres qui se penchaient devant eux pour leur permettre de les cueillir. Ou encore l'enfant Jésus à Nazareth qui change les cailloux en petits oiseaux, juste pour épater les copains (alors que Jean nous dit que c'est à Cana que Jésus accomplit son premier signe).



    Mais ce n'est pas ainsi que Jean nous raconte l'épisode de Cana. Il ne faut pas oublier que Jean fait partie des premiers disciples de Jésus, qui, aux noces de Cana étaient au nombre de cinq, et qu'il est donc témoin oculaire. Il

ne crée pas les symboles hors de la réalité. Il se tient au plus près des faits, dont il pénètre le sens, miraculeux ou ordinaire, y compris la Passion, où Jésus est cloué et transpercé par la lance du centurion. Avec Marc, il est le plus réaliste des évangélistes. C'est un témoin discret, modeste, anonyme et d'autant plus crédible. (R. Laurentin)
 


    Ceci étant précisé, essayons maintenant de voir ce que les trois évènements dont je vous ai parlé, et dont parlent les antiennes des cantiques évangéliques de la Solennité de l'Épiphanie comme si c'était un seul jour, ont en commun.



    Il s'agit en réalité (c'est le cas de le dire) de trois épiphanies, de trois manifestations de la Présence de Dieu dans le monde, ceci par des moyens sensibles. La raison d'être de la création n'est pas seulement de pourvoir à nos besoins matériels: manger, boire, etc... Et même quand vous prenez un repas ensemble, en famille ou entre amis, ce n'est pas seulement pour satisfaire vos besoins dits "primaires". Pour un repas de fête, vous allez faire appel à un langage symbolique pour manifester votre sens de l'accueil, de l'hospitalité, de la convivialité ... qui ne se mangent ni ne se boivent.



    Eh bien, Dieu, lui aussi, nous parle par des signes. Il a parlé aux Mages et à chacun de nous par une étoile qui permet aux païens de découvrir la présence de Dieu dans le coeur d'un petit enfant. On parle alors d'une théophanie, une manifestation de Dieu dans notre monde.



    Autre théophanie: au Baptême de Jésus, c'est la Voix du Père et la Colombe qui manifeste le mystère de la Très Sainte Trinité.



    À Cana, aussi, c'est une manifestation de Dieu. Cela est déjà indiqué au verset 51 du chapitre premier: "Vous verrez les cieux ouverts et les anges de Dieu qui montent et qui descendent au-dessus du Fils de l'homme." C'est une théophanie annoncée, au futur. Au verset 11 du chapitre 2 Jean précise: "Il manifesta sa Gloire". La théophanie est accomplie.



    "Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui". Ce n'est évidemment que le début d'un long cheminement qui va vers la Maison du Père en passant par la Croix. Certains voudraient non pas des signes, mais des preuves de Dieu. Non ! Dieu ne se prouve pas. Il se manifeste, mais en respectant notre liberté. Nous sommes des invités aux Noces de l'Agneau, pas des "obligés". La preuve, en prouvant, oblige; le signe, en manifestant, invite. Attention à la paresse dans la foi! Certes, ce n'est pas à nous de changer l'eau en vin. Mais nous devons croire que Jésus peut le faire, et qu'il le fera, quand il voudra, c'est-à-dire: "aujourd'hui". Voilà notre premier travail. C'est ce travail dans lequel Marie excelle, et c'est son bonheur. Mais notre travail, c'est aussi de puiser l'eau pour remplir les cuves, de "faire" "tout ce qu'il (nous) dira" et que Jésus ne fera pas à notre place, de le faire, même si cela paraît totalement inutile à nos yeux. Ici aussi, c'est Marie qui est notre guide et notre modèle.



    Dans la deuxième lecture S. Paul dit: "Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit". Chacun de nous, en faisant tout ce que Jésus nous dira, est appelé à devenir une "théophanie en acte". La théophanie dont nous bénéficions tous, nous devons en faire bénéficier les autres, "en vue du bien de tous", dit S. Paul. Invité aux noces, nous devons devenir serviteurs des noces. Si, quand il y a un service à rendre, ce sont toujours les mêmes qui répondent, ce n'est pas normal. Aux noces de Cana, c'est celui qui ne fait rien qui s'use. S'use également celui qui veut tout faire tout seul. "Les fonctions dans l'Église sont variées, mais c'est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c'est partout le même Dieu qui agit en tous." Il y a tant d'invités aux noces, et si peu de serviteurs. Il y a tant d'eau à puiser pour remplir les cuves, et si peu de vin. Allez, au travail ! Il n'y a pas de vin, il y en a tant qui ont encore soif, et les Noces ne font que commencer.

 

 

Il n'y a pas de vin, il y en a tant qui ont encore soif, et les Noces ne font que commencer.
Il n'y a pas de vin, il y en a tant qui ont encore soif, et les Noces ne font que commencer.

Il n'y a pas de vin, il y en a tant qui ont encore soif, et les Noces ne font que commencer.

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