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Publié par Walter Covens

    Le thème central me paraît être: celui qui est jugé est roi, donc il est le juge. Les hommes s'acharnent à juger Jésus, et lui, alors même qu'il se soumet au jugement, se manifeste en fait comme leur roi et leur juge.

    (...) Le passage de Jésus devant Pilate est long et complexe (...) et même le lecteur ne peut se soustraire à l'idée que Jean, qui écrit en style emphatique, dit ici plus de choses qu'il n'est nécessaire. On a tout à fait l'impression d'une certaine prolixité. Trente versets pour raconter quelques faits, fondamentaux certes, puisqu'il s'agit de la condamnation de Jésus à mort, mais que Marc nous raconte en moitié moins de temps. Les Juifs vont chez Pilate pour faire condamner Jésus; Pilate l'interroge et n'arrive pas à se convaincre de sa culpabilité; il cherche à le faire libérer par acclamation, mais on préfère Barabbas à Jésus; Pilate fait flageller Jésus; les soldats se moquent de lui comme d'un roi d'opérette; finalement Jésus quitte le prétoire et monte au calvaire. Voilà les faits bruts. Où veut en venir Jean en nous les racontant d'une manière aussi large et développée?

    Les exégètes, comme il arrive souvent, ne sont pas d'accord. Les uns ont voulu voir dans cette scène l'intention chez Jean de décrire le drame psychologique de l'indécision humaine: Pilate face à la vérité n'écoute pas, ne se laisse pas convaincre, et au bout du compte est emporté par les événements. Au centre du drame, par conséquent, se trouverait Pilate, c'est-à-dire l'homme, les ténèbres en face de la lumière. D'autres préfèrent voir en ce genre de narration l'insistance de Jean sur un drame de type théologico-politique, qui aurait pour centre le verset 11: "Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si cela ne t'avait été donné d'en haut." L'expression "d'en haut" serait alors interprétée comme étant l'autorité impériale romaine. En ce cas le thème rejoindrait celui qui sera développé dans l'Apocalypse: l'oppsoition entre l'Empire et l'Église. En réalité toutes ces interprétations semblent superposer au texte des centres d'intérêt qui n'apparaissent que plus tard.

    Il nous faut plutôt partir d'une lecture objective du texte pour déceler quelles sont vraiment les intentions et les insistances de Jean, c'est-à-dire le message johannique spécial à lui, quand il décrit le moment si dramatique de la vie de Jésus. Nous avons dit que Jean donne l'impression d'une sorte de prolixité quand il écrit de tels récits. Déjà certains exégètes du (dix-neuvième) siècle (...), qui n'avaient pourtant pas encore analysé à fond le passage, notaient une mention de Pilate fréquente et quasi inutile: il entre et sort plusieurs fois du prétoire. Ces allées et venues du gouverneur donnent pour ainsi dire le rythme du récit. Et ici j'indique, dans le chapitre 18, les versets 29, 33 et 38; puis au chapitre 19 le verset 1, qui entre explicitement dans l'énumération, et les versets 4, 9 et 13. Partout on parle des mouvements de Pilate: 29, Pilate sort du Prétoire à la rencontre des Juifs; 33, il rentre dans le prétoire et parle avec Jésus (c'est alors qu'on a le dialogue sur le royaume et sur la vérité); 38, il sort de nouveau et parlemente avec les Juifs au sujet de Barabbas; 19, 1, Pilate fait flageller Jésus (on suppose alors qu'il rentre; c'est le seul point où la mention n'est pas explicite); 4, il sort et présente Jésus en disant: "Voici l'homme!"; 9, il rentre pour interroger de nouveau Jésus; 13 enfin, il sort et prononce la condamnation de Jésus. (à suivre)

Éd. du Cerf 1981, p. 167...171
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