Il y a aussi ceux qui font de l'excès de zèle. De la communauté qui s'est formée autour de Jean-Baptiste est née une religion ultra-minoritaire qui le reconnaît comme seul prophète et considère Jésus-Christ, et aussi Mahomet, comme des usurpateurs. (Cette religion a pour obligation de vivre auprès des fleuves pour pouvoir baptiser les fidèles. C'est en partie à cause de cette particularité qu'elle est restée confidentielle, et qu'elle ne subsiste que dans quelques régions d'Iran et d'Irak.)
Rappelons aussi qu'il est le saint patron du Québec et de tous les Canadiens francophones. C’est en effet en la fête de la Nativité de saint Jean Baptiste, le 24 juin 1615, à la Rivière des Prairies, que fut célébrée la première Messe au Canada. Le 25 février 1908, le pape saint Pie X confirmait la dévotion populaire en déclarant saint Jean-Baptiste patron spécial des Canadiens francophones. D'autres saints, comme le saint curé d'Ars, avaient pour lui une grande dévotion.
N'empêche que "dans la piété et la culture du chrétien moyen, dans la pensée et la théologie occidentales, Jean est comme escamoté" (Père Daniel-Ange). Pour l'immense majorité des chrétiens, Jean-Baptiste, un des plus grands saints, est aussi un des saints les plus ignorés. Pour faire en sorte qu'il puissse remonter dans le hit parade des saints les plus aimés, le Père Daniel-Ange, a écrit un livre: Jean-Baptiste - Pour le nouveau millénaire, le prophète de la lumière (Éd. des Béatitudes), dans lequel il dénombre cinq aspects de la vie de Jean qui rendent sa mission d'une brûlante actualité.
- Dans un monde écrasé de tristesse, il est par excellence le prophète de la joie. En ces années jubilaires, contagieuse est sa danse de joie pour accueillir Marie et son Enfant !
- Face aux virus du soupçon minant l'organisme de notre foi, il est le premier à proclamer l'identité divine de l'Enfant, quand il affirme que Marie est Mère de Dieu.
- Face aux virus de mort bradant la vie, il clame que, dès sa conception, l'embryon est un enfant immortel.
- Face aux prostitutions de l'amour, à l'écroulement de la famille, il verse son sang pour clamer la vérité au tyran adultère et incestueux. Il protège la nuptialité humaine qui en est le plus beau signe. Il sauve la sexualité, parce qu'il contemple la Trinité.
Ce n'est pas rien! Et chaque point mériterait un long développement. Dans le cadre de ce deuxième dimanche de l'Avent, je voudrais aujourd'hui m'arrêter au premier. Dans le Compendium du Catéchisme de l'Église Catholique, il y a cette question (n. 102): Quelles ont été les préparations des Mystères de Jésus? (Nous sommes bien dans le thème de l'Avent.) Voici la réponse:
L'espérance, c'était le thème de mon homélie de dimanche dernier. La réponse du Compendium montre bien le lien entre l'espérance et la figure de Jean-Baptiste, qui est le témoin de l'espérance à son apogée, le dernier préparateur de la venue du Sauveur. Dans le désert de la région du Jourdain, il proclame que le moment de l'accomplissement des promesses est arrivé et que le Royaume de Dieu est proche: "Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route!"
Dans sa solitude, Jean n'est pas un saint qui veut travailler tout seul, dans son coin. Pourra-t-il, comme saint Paul (cf. deuxième lecture) rendre grâce "à cause de ce que vous avez fait pour l'Évangile"? Comme Paul, Jean cherche des collaborateurs, encore aujourd'hui: "Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route!" Ces paroles, c'est à nous qu'ellles s'adressent aujourd'hui. Quelle sera notre réponse? C'est une réponse qu'il ne suffit pas de donner du bout des lèvres, de réciter comme une réponse de catéchisme. La réponse, c'est d'être, c'est de devenir davantage des catéchistes.
C'était un deuxième dimanche de l'Avent que Jean-Paul II célébrait le Jubilé des Catéchistes pour les aider à entrer dans le troisième millénaire. À cette occasion, il leur a donné en quelque sorte Jean-Baptiste comme patron:
La page évangélique d'aujourd'hui nous invite à un examen de conscience approfondi. Saint Luc nous parle de "sentiers à rendre droits", de "ravins à combler" de "montagnes" et de "collines à abaisser", pour que chaque homme puisse voir le salut de Dieu (cf. Lc 3, 4-6). Ces "ravins" font penser à l'écart, que l'on constate chez certains, entre la foi qu'ils professent et la vie quotidienne qu'ils mènent: le Concile a situé cet écart "parmi les plus graves fautes de notre temps" (Gaudium et spes, n. 43).
Ces paroles du Concile et de Jean-Paul II, Jean-Baptiste pour le troisième millénaire, nous interpellent. Qu'en avons-nous fait? Depuis le début de ce nouveau millénaire, depuis le grand Jubilé de l'An 2000, ont-elles été suivies d'effet? Écoutons encore la suite:
En réalité, tout en vivant dans une société multi-ethnique et multi-religieuse, le chrétien ne peut pas ne pas ressentir l'urgence du mandat missionnaire qui poussait saint Paul à s'exclamer "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1 Co 9, 16). En chaque circonstance, en chaque milieu, qu'il soit favorable ou pas, on doit proposer avec courage l'Evangile du Christ, annonce de bonheur pour chaque personne de tout âge, catégorie, culture et pays.
Les Pasteurs de l'Église eux-mêmes, que ce soit à l'échelon universel, national ou diocésain, se sont engagés dans ce profond renouveau de la catéchèse dans un monde en mutation. Rome avait publié en 1997 déjà le "Directoire général de la catéchèse". Depuis l'an 2000 la Conférence épiscopale française avait entamé un long chantier pour la mise en oeuvre de ce Directoire. Après une année de navette entre Rome et la France a été approuvé par Rome le "Texte national pour l'orientation de la catéchèse en France" (7 novembre 2006). "Il s'agit désormais de proposer la foi, c'est-à-dire non plus seulement de l'entretenir, mais de la faire naître" (Mgr Dufour, évêque de Limoges, président de la Commission épiscopale de la catéchèse et du catéchuménat).
Mais l'éducation chrétienne n'est pas la chasse gardée des catéchistes. C'est d'abord le devoir des parents, de la famille. C'est aussi une tâche qui concerne toute la communauté chrétienne, à commencer par ceux qui participent à l'assemblée dominicale: "De la même manière que la transmission de l'écriture et de la lecture ne se fait pas seulement par l'enseignement, on ne peut pas se contenter de dire aux enfants ce qu'est la première communion, ils doivent vivre une expérience: il y a là un rôle fondamental d'initiation par la communauté chrétienne rassemblée le dimanche" (Mgr Dufour).
Le but de la catéchèse est bel et bien d'aider à faire une rencontre personnelle vivante avec Jésus à l'intérieur de la communauté chrétienne. Pour que cette rencontre puisse avoir lieu, non seulement saint Jean-Baptiste et saint Paul, mais Jésus lui-même a besoin de collaborateurs, de médiateurs. Puisse saint Jean-Baptiste nous aider à répondre à son appel avec générosité et avec fidélité.