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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


François Varillon, Respecter Dieu - La grandeur de Dieu

Publié par dominicanus sur 11 Janvier 2009, 19:54pm

Catégories : #La vache qui rumine B 2009




"L'homme est créé pour louer, respecter et servir...", dit saint Ignace dans les premières lignes du Fondement.

Le respect. Je dirai d'abord ceci : Louer c'est accueillir le baiser divin. Respecter, c'est accueillir ce baiser à genoux. Et toute notre méditation consistera à comprendre ce que signifie "à genoux". Et servir, c'est accueillir ce baiser pour le rendre dans l'histoire, dans la tâche historique que nous avons à accomplir.


La grandeur de Dieu

Toute la question est de savoir ce que signifie en pratique accueillir le baiser divin à genoux. Je vous rappelle d'abord le grand et célèbre texte de Pascal (*) sur les grandeurs d'établissement et les grandeurs naturelles :

"Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs; car il y a des grandeurs d'établissement et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d'établissement dépendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états et y attacher certains respects. Les dignités et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en l'autre les roturiers, en celui-ci les aînés, en cet autre les cadets. Pour quoi cela? Parce qu'il a plu aux hommes. La chose était indifférente avant l'établissement: après l'établissement elle devient juste, parce qu'il est injuste de la troubler.

"Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes, parce qu'elles consistent dans des qualités réelles et effectives de l'âme ou du corps, qui rendent l'une ou l'autre plus estimable, comme les sciences, la lumière de l'esprit, la vertu, la santé, la force.

"Nous devons quelque chose à l'une et à l'autre de ces grandeurs; mais comme elles sont d'une nature différente, nous leur devons aussi différents respects."

Ainsi un roi est "établi" roi. Un noble est établi dans sa noblesse. Le président de la République est établi dans la grandeur qui appartient au chef de l'Etat. Grandeur d'établissement. Il plaît aux hommes de respecter cette grandeur d'établissement. Et il serait purement et simplement ridicule de vouloir faire le malin et d'aller voir le président de la République une casquette sur l'oreille et un mégot au coin de la lèvre. Je peux très bien ne pas estimer le président de la République et me plier au protocole. Grandeur d'établissement.

Saint Vincent de Paul, en visite chez Louis XIV, s'inclinait profondément devant cette grandeur d'établissement que représentait le roi, peut-être même se mettait-il à genoux si le protocole l'imposait. Il n'était pas pour autant obligé d'estimer l'homme qui avait ses maîtresses... Pendant que saint Vincent de Paul s'inclinait devant Louis XIV, grandeur d'établissement, c'est peut-être bien Louis XIV qui s'inclianit intérieurement devant la grandeur naturelle que représentait le saint homme, qui est la vraie grandeur.

Je vous pose donc la question : Faites-vous de Dieu une grandeur d'établissement à qui vous allez rendre le respect que l'on prend au prince dans sa cour de Versailles, ou témoignez-vous à Dieu le respect que l'on rend à un amour qui n'est qu'amour ? Connaissez-vous l'expression populaire à Lyon : "Madame Une Telle, il y a de quoi se mettre à genoux devant ?" Madame Une Telle a existé. Elle n'était pas reine ni impératrice, ni Madame la Générale, femme du gouverneur militaire... C'était une maîtresse de maison, qui avait sept ou huit enfants ; peut-être une midinette, je ne sais plus. Représentez-vous une petite jeune fille, là-bas, à l'entrée du bois, avec une petite robe de contonnade, un fichu sur l'épaule. Et supposez que je sois une sorte de Don Juan comme celui de Mozart qui projette d'ajouter cette petite jeune fille à mon catalogue, celui des mille tre (mille et trois) conquêtes de Don Juan. J'en fais mon affaire, je vais la séduire. Je m'avance doucement. Je m'approche. Non, rien à faire. Il se dégage de cette jeune fille une noblesse, un rayonnement simple, humble. Impossible de séduire une jeune fille comme celle-là. Plus je m'apporche, plus j'ai envie de tomber à genoux. Ce n'est pas une grandeur d'établissement. C'en est tout le contraire. Une petite bergère. La Vierge Marie était une petite jeune fille. Mais imaginez ce qui émanait du visage de cette jeune fille, de cette petite Myryam.

C'est dans cette ligne-là qu'il faut penser Dieu et non pas dans la ligne des grandeurs d'établissement. Il faut tomber à genoux devant un amour qui n'est qu'amour.

Réfléchissez longuement à cela. Et ne réfléchissez pas seulement. Contemplez. Contemplez Marie, cette jeune fille devant laquelle il est impossible d'être un Don Juan. Toutes les jeunes filles devraient être ainsi, si elles étaient pleines de Dieu.

(à suivre)

François Varillon, Vivre le christianisme, Centurion 1994, p. 64-66


Voir aussi :

> Père I. Hausherr, Adoration


(*) Pour le passage de Blaise Pascal sur les grandeurs :

> Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des grands (1)

> Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des grands (2)

> Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des grands (3)


et aussi mon homélie :

> Homélie 5 Pâques A 2008 : La grandeur de l'Église (Jn 14, 1-12)

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