Mais quels sont les fruits des brebis ? À proprement parler, nous pouvons dire qu’il y a quatre fruits des brebis, par lesquels sont repérés les loups ou les hypocrites. Le premier consiste dans l’affection, le deuxième dans l’intention, le troisième dans l’action et le quatrième dans les tribulations. Le premier appartient au cœur, le deuxième à la bouche, le troisième à l’action et le quatrième à la patience et à la force.
En premier lieu, je dis que les brebis du Christ, c’est-à-dire les saints, possèdent en propre un fruit du cœur, qui est l’amour de Dieu et du prochain. Ainsi, l’Apôtre (Galates 5, 22) : Le fruit de l’esprit est joie, amour et paix. Mais les hypocrites possèdent un autre fruit, à savoir, celui de l’ambition, parce qu’ils aiment les honneurs. Ainsi, en Isaïe (10, 12) : Je ferai visite à propos du fruit du cœur orgueilleux du roi d’Assur. Les hypocrites aiment les premières places dans les banquets et les premiers sièges dans les synagogues. Si quelqu’un veut être choisi pour un honneur et montre extérieurement de l’humilité : alors, le vêtement ne correspond pas au fruit.
Un autre fruit des brebis du Christ consiste dans la parole, parce que les bons parlent toujours de choses bonnes et à propos du bien. Ainsi, l’Apôtre (dit-il) aux Hébreux (13, 15) : Par lui, nous offrirons le sacrifice, le fruit de nos lèvres conforme à son nom. Si quelqu’un dit quelque chose qui est en discordance avec ses actes, il ne porte pas de vêtement semblable au fruit. Ainsi, en Proverbes (18, 20) : Du fruit de la bouche de l’homme sera rempli son ventre. Il est difficile qu’un cœur plein d’envie n’en proclame pas quelque chose à un certain moment, car la bouche parle de l’abondance du cœur. Ainsi, Grégoire (écrit) :
Tant que les méchants prêchent la droiture, il est bien difficile qu’un jour ils ne proclament pas ce qu’ils désirent en secret.
Le troisième fruit des brebis du Christ, à quoi on reconnaît les hypocrites, est celui de l’action bonne, parce que le bon fruit consiste dans le bien. L’Apôtre [dit] (Romains 1, 13) : Vous portez fruit dans la sanctification. Mais, chez les mauvais, le fruit est mauvais. Ainsi, dans les Proverbes (10, 16) : Le fruit de l’impie conduit au péché, c’est-à-dire à l’œuvre du péché. Augustin, dans l’un de ses sermons, dit :
Celui qui, sous prétexte de perfection du christianisme, se montre d’une âpreté inaccoutumée et vil aux yeux des hommes, puisqu’il fait cela volontairement et sans y être forcé par une nécessité, on peut savoir par ses autres actions s’il le fait par mépris d’un meilleur habillement ou par ambition.Il peut parfois arriver que quelqu’un mette un vêtement éclatant par humilité, et parfois par ambition. Observe ses autres comportements : s’il montre du mépris pour l’ambition dans ceux-ci, alors il agit par humilité. Sinon, dit-il : "On peut le savoir par ses actions", car ceux qui portent un vêtement méprisable, d’une part, et, d’autre part, montrent des signes de pénitence et de bonté, sont des brebis du Christ. Sinon, ce sont des simulateurs. "Il est donc facile, dit Chrysostome, de reconnaître les hypocrites". Le chemin que nous devons parcourir est pénible. Les hypocrites ne choisissent pas de peiner.
De même, les hypocrites se montrent pleins de douceur, mais quand ils ont l’occasion de persécuter, alors ils persécutent le plus possible. Aussi Grégoire (écrit-il) :
Si une mise à l’épreuve de la foi éclate, aussitôt l’esprit enragé du loup se dépouille de sa toison de brebis et se met à persécuter les bons autant qu’il le peut.
Le quatrième signe qui permet de reconnaître les hypocrites est le temps des tribulations. Ainsi dans les Proverbes (15, 6) : L’impie a comme fruits le trouble ; l’enseignement d’un homme est reconnu par sa sagesse. Augustin, dans (son commentaire) du Sermon du Seigneur sur la montagne, dit à propos des hypocrites :
Quand ils commencent à se soustraire à certaines épreuves ou à renier ce qu’ils ont poursuivi ou désiré poursuivre sous ce voile, il est inévitable que se révèle s’il s'agit d’un loup sous une peau de brebis ou s’il s’agit d’une brebis dans sa propre peau.C’est pourquoi Jacques dit dans son Épître (en réalité II Timothée 2, 21) : Si quelqu’un se préserve de ces choses, c'est à dire des pêchés, il sera un vase d'honneur présenté au Seigneur, ce que daigne nous donner Celui qui avec le Père, etc.