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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Antonio José Sánchez Sáez, LA TRÈS RAISONNABLE ET SOUTENABLE THÈSE DE LA NULLITÉ DE LA RENONCIATION DE BENOÎT XVI : RÉFUTATION JURIDIQUE DE CERTAINES ERREURS DE ROBERT SISCOE

Publié par dominicanus sur 19 Janvier 2023, 05:22am

Catégories : #Benoit XVI, #Il est vivant !, #Porta fidei, #actualités

 

Carissimi StilumCuriali, la pubblicazione dell’articolo di Robert Siscoe su Stilum Curiae ha provocato discussione e reazioni. Riceviamo e come contributo alla discussione pubblichiamo questa risposta da parte del prof. Antonio José Sánchez Sáez, dell’Università di Siviglia. Buona lettura.
Benedetto, le Dimissioni. Valide o Nulle? Sánchez Sáez Risponde a Siscoe.

Écrit par le professeur Antonio José Sánchez Sáez (11/01/2023) - Traduction française autorisée : Louis Lurton

A noter la conclusion du Pr. Sanchez Saez, qui appelle à la retenue concernant la convocation à l'élection d'un nouveau pape.

Voici d'abord l'article de Roberto Siscoe, suivi de sa réfutation par le professeur Antonio José Sánchez Sáez

Un tout grand merci à Louis Lurton pour la traduction des deux articles

 

 

“Non c’è nessun dubbio che c’è stato sempre un solo Papa, e si chiama Francesco” Mons. Georg Gänswein
Robert Siscoe, BXVI, Rinuncia. Breve Confutazione di Alcune Teorie Insostenibili.

Écrit par Robert Siscoe (07/01/2023) - Traduit par Louis Lurton à partir de la traduction et adaptation en italien de Carlo Schena)

 

 

LA TRÈS RAISONNABLE ET SOUTENABLE THÈSE DE LA NULLITÉ DE LA RENONCIATION DE BENOÎT XVI : RÉFUTATION JURIDIQUE DE CERTAINES ERREURS DE ROBERT SISCOE

 

 

Cher StilumCuriali, Carlo Schena, un fidèle ami de notre site, soumet à votre attention, dans sa traduction, cet article de Robert Weston Siscoe, théologien et écrivain américain, de l'aire traditionaliste, sur la renonciation voilée de Benoît XVI. Le schéma simplifié est l'œuvre de Carlo Schena, que nous remercions sincèrement. Bonne lecture et bonne circulation.

 

 

Munus, ministerium et diverses commodités. Brève réfutation de certaines théories indéfendables.

 

"Il n'y a aucun doute qu'il n'y a toujours eu qu'un seul pape, et son nom est François" Mgr Georg Gänswein

 

Ces jours-ci, plusieurs fidèles - soit déconcertés par certaines actions du pape François, soit troublés par la nouveauté de la soi-disant "papauté émérite" et les curieuses théories qui circulent sur le web et dans les journaux - croient qu'après la mort de Joseph Ratzinger, le "seul vrai pape", le trône pétrinien est maintenant vacant.

Selon ces reconstructions, Benoît aurait valablement démissionné de l'exercice actif de son ministère (ministerium) d'évêque de Rome, mais serait resté le seul et unique pape jusqu'au jour de sa mort, car la démission n'aurait été valable que par rapport à l'exercice actif du ministère (ministerium), et non par rapport à la fonction (munus) elle-même.

 

 

Inséparabilité du munus et du ministerium. La Declaratio.

 

Le premier problème est que munus et ministerium ne peuvent être séparés. De même qu'il n'est pas possible de démissionner du munus tout en conservant le ministerium, il n'est pas non plus possible de démissionner du ministerium tout en conservant le munus. Si un pape démissionne du ministerium, le munus lui-même devient vacant. Benoît XVI l'a clairement indiqué dans la Declaratio de 2013, lorsqu'il a déclaré :

"declaro me ministerio Episcopi Romae, Successoris Sancti Petri, mihi per manus Cardinalium die 19 aprilis MMV commisso renuntiare ita ut a die 28 februarii MMXIII, hora 20, sedes Romae, sedes Sancti Petri vacet et Conclave ad eligendum novum Summum Pontificem ab his quibus competit convocandum esse".

"Je déclare renoncer au ministère d'évêque de Rome, successeur de saint Pierre, qui m'a été confié par les cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013, à 20 heures, le siège de Rome, le siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l'élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux dont c'est la compétence".

 

Notez que l'intention déclarée de Benoît XVI est de renoncer au ministère "pour que" le Siège de Pierre devienne vacant (et non "empêché" !). En d'autres termes, l'intention déclarée est de renoncer au ministère et à la fonction.

 

 

Renonciation au ministerium - renonciation à la juridiction - renonciation à la papauté.

 

Mais supposons, pour les besoins de l'argumentation, que Benoît XVI n'avait pas l'intention de démissionner "pour que le siège de Saint-Pierre devienne vacant", mais qu'il avait seulement l'intention de renoncer à l'exercice actif du ministère, tout en conservant la fonction elle-même. Et supposons encore que, de ce fait, seule la démission de l'exercice actif du ministère était valable.

Même si tout cela était vrai, Benoît XVI aurait quand même cessé d'être Pape (complètement) le 28 février 2013 pour la raison suivante :

 

 

Ce qui fait d'un homme un Pape est la possession de la juridiction de la fonction papale.

 

La juridiction est ce qui donne au pape l'autorité pour "exercer activement le ministère" : enseigner, gouverner et sanctifier. La juridiction est la forme de la fonction papale. En renonçant à "l'exercice actif du ministère", Benoît XVI s'est donc dépouillé de sa juridiction, et en se dépouillant de sa juridiction, il a formellement cessé d'être pape.

 

Le fait que Benoît XVI ait intentionnellement renoncé à sa juridiction est confirmé par le titre qu'il a choisi : "pape émérite". Celui qui porte le titre d'une fonction jouit des droits, devoirs et privilèges de cette fonction. "Emeritus" est le titre donné à un évêque retraité (canon 402.1), c'est-à-dire à un évêque qui a renoncé à sa juridiction sur un diocèse pour qu'un autre puisse l'assumer.

De même, le titre choisi par Benoît XVI confirme qu'il s'est volontairement dépouillé de sa juridiction et que, en renonçant à celle-ci, il a cessé d'être pape.

 

 

L'étude du professeur Violi

 

Stefano Violi, professeur de droit canonique, a été le premier à affirmer que Benoît XVI entendait renoncer à une partie seulement de la papauté, à savoir "l'exercice actif de la fonction".

En 2014, j'ai écrit un article sur l'étude du professeur Violi, en citant les extraits suivants d'un article sur le même sujet que Vittorio Messori a publié dans Corriera della Sera.

Notez attentivement comment Messori reconstruit ce que, selon Violi, Benoît avait l'intention de renoncer, et ce qu'il avait plutôt l'intention de garder :

Dans la formule employée par Benoît, une distinction est tout d'abord faite entre le munus, la fonction papale, et l'executio, c'est-à-dire l'exercice actif de la fonction elle-même. Mais l'executio est double : il y a l'aspect de la gouvernance qui s'exerce agendo et loquendo, en travaillant et en enseignant. Mais il y a aussi l'aspect spirituel, non moins important, qui s'exerce par orando et patendo, prier et souffrir. C'est ce qui se cacherait derrière les mots de Benoît XVI : " Je ne retourne pas à la vie privée... Je ne porte plus le pouvoir de direction de l'Église [c'est-à-dire la juridiction] mais, pour le bien de l'Église elle-même et au service de la prière, je reste dans l’enclos de saint Pierre ". La notion d’"enclos" ne doit pas seulement être comprise dans le sens d'un lieu de vie géographique, mais aussi d'un "lieu" théologique.

Benoît XVI s'est dépouillé de tous les pouvoirs de gouvernement et de commandement inhérents à sa fonction [c'est-à-dire à sa juridiction], sans pour autant abandonner son service à l'Église : celui-ci se poursuit, à travers l'exercice de la dimension spirituelle [prier et souffrir] du munus pontifical qui lui a été confié. Il n'avait pas l'intention d'y renoncer. Il a renoncé non pas à la charge, qui n'est pas révocable, mais à son exécution concrète.

Cet "office" de prier et de souffrir (orando et patendo) - qui est ce que, selon le professeur Violi, Benoît XVI a voulu maintenir - ne requiert pas de juridiction. Au contraire, la fonction de travail et d'enseignement l'exige : elle requiert " le pouvoir de direction dans l'Église ", ce que Benoît XVI a explicitement déclaré " ne plus porter ". Et si Benoît "ne porte plus" le "pouvoir de guider" (qui est la juridiction), il n'est plus pape, puisque la juridiction est ce qui fait du pape le (seul et unique) pape.

Robert Siscoe

 

***

 

LA TRÈS RAISONNABLE ET SOUTENABLE THÈSE DE LA NULLITÉ DE LA RENONCIATION DE BENOÎT XVI : RÉFUTATION JURIDIQUE DE CERTAINES ERREURS DE ROBERT SISCOE

 

"Je dois cependant répondre ici qu'un père cesse aussi d'être un père. Il ne cesse pas de l'être, mais il quitte les responsabilités concrètes. Il continue à être un père dans un sens plus profond, plus intime, avec une relation et une responsabilité spéciales, mais sans les devoirs d'un père...". (Concernant le pape)... "S'il démissionne, il conserve la responsabilité qu'il a assumée dans un sens intérieur, mais pas dans la fonction"

Benoît XVI, "Dernières conversations", p. 33

 

(Benoît) "a eu l'audace d'ouvrir la porte à une nouvelle phase, à ce tournant historique que personne n'aurait pu imaginer il y a cinq ans. Depuis lors, nous vivons une époque historique sans précédent dans l'histoire bimillénaire de l'Église... Beaucoup, aujourd'hui encore, perçoivent cette nouvelle situation comme une sorte d'état d'exception voulu par le Ciel... Ainsi, depuis le 11 février 2013, le ministère pontifical n'est plus ce qu'il était auparavant. Il est et reste le fondement de l'Église catholique ; et pourtant, c'est un fondement que Benoît XVI a profondément et durablement transformé au cours de son pontificat d'exception. (Ausnahmepontifikat)".

Mgr Georg Gänswein, in Discorso tenuto il 21 maggio 2016 alla presentazione in Vaticano del libro "Oltre la crisi della Chiesa : Il pontificato di Benedetto XVI", di Roberto Regoli.

 

Je voudrais réfuter une série d'affirmations faites par M. Robert Siscoe, un auteur catholique américain publié sur le blog Onepeter5, le samedi 7 janvier dans le blog "Stilum Curiae", dans un article intitulé "Munus, ministerium e amenità varie. Breve confutazione di alcune teorie insostenibili".

Pour commencer, je voudrais situer mes réflexions dans le cadre de la situation absolument exceptionnelle qu'a entraînée la démission apparente du pape Benoît. Rappelons-nous que Mgr Gänswein lui-même a dit en 2016 que, depuis la " démission " de Benoît XVI, nous vivons une époque historique qui ne s'est pas produite dans toute l'histoire de l'Église et que, depuis lors, nous sommes dans un "état d'exception", une expression qui fait directement allusion au grand constitutionnaliste allemand Carl Schmitt, une situation dont tous les juristes savent qu'elle se produit avec la survenue de causes exceptionnellement graves (externes - comme les guerres - mais aussi internes - comme une révolution interne, une guerre civile ou un coup d'État).

Mettons-nous au travail... Dans son article, M. Siscoe cherche à dissiper ce qu'il appelle la "théorie intenable" de ceux d'entre nous qui pensent que la démission du pape Benoît XVI était nulle et non avenue et qu'il est donc resté le pape régnant de l'Église catholique jusqu'à sa mort. Les motifs invoqués par M. Siscoe sont gravement viciés en droit et je voudrais les aborder, en remerciant M. Marco Tosatti de m'avoir permis de m'exprimer dans son blog.

 

 

PREMIÈRE ERREUR : M. SISCOE CONSIDÈRE QUE LA RENONCIATION DE BENOÎT XVI AU MINISTERIUM ENTRAÎNE ÉGALEMENT LA RENONCIATION AU MUNUS, ALORS QUE L'EFFET EST EXACTEMENT INVERSE.

 

M. Siscoe part d'une prémisse incorrecte : il nous attribue la thèse selon laquelle nous croyons que Benoît XVI a valablement renoncé à son ministère d'évêque de Rome mais a conservé la fonction ou "munus".

Ceci est incorrect. D'un point de vue purement juridique, on ne peut pas soutenir que l'on puisse valablement renoncer seulement au ministère pétrinien tout en conservant le munus, puisque les deux éléments sont inséparables, comme le dit justement l'auteur de OnePeter5.

Mais la conclusion que M. Siscoe en déduit est tout le contraire de celle qu'il faudrait tirer en droit : il considère que la renonciation de BXVI au ministère entraîne aussi la renonciation au munus. Non. En droit, l'effet est exactement le contraire : comme une chose ne peut être séparée de l'autre, une renonciation comme celle que Benoît XVI a faite uniquement du ministère (et non au munus ou à l’office, comme l'exige le canon 332.2 CDC) est nulle et non avenue et, par conséquent, il faut comprendre qu'il n'a pas non plus renoncé au munus. Ceci parce que munus et ministerium sont choses distinctes dans un sens technico-juridique canonique, comme je vais essayer de l'expliquer ci-dessous.

 

 

DEUXIÈME ERREUR : Mr SISCOE CONSIDÈRE QUE, EN RENONÇANT À "L'EXERCICE ACTIF DU MINISTÈRE", BENOÎT XVI S'EST DÉPOUILLÉ LUI-MÊME DE SA JURIDICTION ET A DONC FORMELLEMENT CESSÉ D'ÊTRE PAPE.

 

Certes, la papauté est un pouvoir de juridiction, car c'est un pouvoir juridique, non d'ordre ou de sacrement. Mais la juridiction n'est pas attribuée par le ministère ou l'exercice actif de la fonction, sinon par son élection en tant que pape et l'acceptation de la fonction pétrinienne. Ainsi, par exemple, un avocat peut être un avocat pratiquant ou non pratiquant, mais il est toujours un avocat. Ou, en suivant l'exemple donné par Benoît lui-même dans le livre signé par son biographe Peter Seewald "Dernières Conversations", avec lequel nous entamons cet article, pour décrire sa situation juridique après la "démission" : celui qui est père mais n'exerce pas la paternité, abandonnant ses responsabilités concrètes, reste père.

Comme on peut le constater, ces exemples sont sous-tendus par une conception de l'office-munus-charge comme un statut ontologique, indépendamment du fait qu'il soit effectivement exercé ou non.

Il en va de même pour les charges ecclésiastiques. "Munus" (office) n'est pas la même chose que "ministerium" (l'exercice de cet office). Ainsi, de nombreux papes dans l'histoire, en raison de leur âge ou de leur incapacité, n'ont pas pu exercer les différents ministères propres à la papauté, mais ils sont restés papes parce qu'ils avaient le pouvoir de juridiction (munus, office).

 

 

POURQUOI LES TERMES MINISTERIUM ET MUNUS SONT-ILS DIFFÉRENTS D'UN POINT DE VUE TECHNICO-JURIDIQUE ?

 

Traditionnellement, les termes "ministerium" et "munus" étaient synonymes. Ainsi, le CDC de 1917 parle des différents ministères ecclésiastiques ou divins : sous-diacres, diacres, prêtres, évêques. Ou, plus récemment, la Constitution Universi Dominici Gregis, qui parle de ministère pétrinien ou de ministère pontifical.

L'expression "ministère" a donc été utilisée comme synonyme de "service", soit ce qui est propre aux "ministres" de la grâce, c'est-à-dire à l'évêque, au prêtre et au diacre, car ils administrent les sacrements.

L'expression "office", cependant, n'avait que peu de racines historiques d'un point de vue juridico-canonique, comme en témoigne le fait que le CDC de 1917 ne l'utilise pratiquement pas.

Au cours des dernières décennies, cependant, une distinction juridique plus précise entre "ministerium" et "munus" a été progressivement établie en droit canonique, à partir du décret Presbyterorum Ordinis de Paul VI sur le Ministère et la vie des prêtres (1965), et finalement cristallisée dans le Code de Droit Canonique de 1983, norme fondamentale et base du droit canonique.

Depuis lors, il est donc possible de parler d'un sens juridique différent pour les deux expressions, bien qu'elles puissent aussi continuer à être synonymes d'un point de vue mystique plutôt que technico-juridique.

Ainsi, ils peuvent être utilisés comme synonymes dans un sens abstrait, figuratif ou allégorique, en tant qu'expression ou manifestation propre (celle d'être pape, évêque, prêtre ou diacre) de l'exercice de l'autorité de la fonction unique du Christ comme Tête et Pasteur. Voir ce sens du terme au numéro 6 du décret Presbyterorum Ordinis :

" Exerçant, pour la part d’autorité qui est la leur, la charge du Christ Tête et Pasteur, les prêtres, au nom de l’évêque, rassemblent la famille de Dieu, fraternité qui n’a qu’une âme, et par le Christ dans l’Esprit, ils la conduisent à Dieu le Père (selon l'expression de la Constitution Dogmatique du Concile Vatican II " De Ecclesia Lumen Gentium ", le soulignement est de nous). Pour exercer ce ministère, comme pour les autres fonctions du prêtre, ils reçoivent un pouvoir spirituel, qui leur est donné pour l’édification de l’Église".

C'est-à-dire que le "ministère" signifierait ici toute participation des différents degrés du sacrement de l'Ordre (diacres, prêtres, évêques) à l'unique office du Christ comme Chef du corps mystique qu'est l'Église, pour lequel ils doivent être investis du "pouvoir spirituel", qui est le munus (dans le cas des diacres, des prêtres et des évêques) et du "pouvoir de juridiction", qui est le munus dans le cas du pape. En ce sens, on peut donc parler du "ministère" des diacres, du "ministère" des prêtres, du "ministère" des évêques et, enfin, du "ministère" du pape, mais, qu'on le comprenne bien, dans la mesure où chacun d'eux exerce de manière différente, selon sa position, l'unique office, qui est celui du Christ, auquel ils participent à des degrés différents, et pour lequel il leur est demandé d'avoir reçu le munus. C'est dans ce sens de l'expression que l'on peut comprendre l'allusion faite dans le titre du chapitre VII de la Constitution Universi Dominici Gregis au "ministère" du nouveau pontife, puisque le texte ne l'utilise pas ensuite dans un sens technico-juridique.

De plus, la Constitution Universi Dominici Gregis, pour bien préciser qu'elle n'emploie pas le terme "ministerium" dans un sens technique, parle de "munus petrino" dans son numéro 53, terme qu'elle emploie ici dans un sens technico-juridique canonique, lorsque, en référence au serment que doit prêter le Cardinal Doyen, ou le premier Cardinal par ordre et ancienneté, au nom de tous les cardinaux électeurs, déclare que “…quiconque d'entre nous sera, par disposition divine, élu Pontife Romain, s'engagera à exercer fidèlement le munus Petrinum de Pasteur de l'Église universelle…”

Mais, au-delà de ce sens mystique, nous le répétons, le droit canonique a distingué de manière plus précise et technique ministère et office.

Ainsi, "office" est la traduction canonique en langue vulgaire du mot "munus". Un office ecclésiastique est toute charge constituée de manière stable, qui doit être exercée dans une fin spirituelle (canon 145 CDC).

Selon le Dictionnaire en ligne de droit canonique espagnol (qui n’a pas d’équivalent en français, NDT) (https://www.lexicon-canonicum.org/materias/organizacion-eclesiastica/parte-general-de-la-organizacion-eclesiastica/oficio-eclesiastico/), l'office consiste donc en un instrument institutionnel destiné à donner une stabilité à un ensemble déterminé de pouvoirs et d'attributions, qui le configurent comme une réalité juridique permanente, différente de la personne qui l'occupe à un moment donné. Ainsi, lorsqu'une personne est nommée pour un office, ses obligations et ses droits sont déjà définis par le droit ; et lorsque le titulaire cesse d'occuper la fonction, celle-ci est vacante mais ne disparaît pas, en attendant la nouvelle nomination.

Certains offices sont de droit divin, comme celle de Pontife Romain et d'évêque diocésain.

La perte de l’office ecclésiastique (munus) signifie que l'on cesse d'être titulaire de l’office, et donc des droits et des devoirs qu'elle comporte. Par conséquent, celui qui renonce au munus renonce à la charge. La renonciation à la papauté est un acte juridique canonique, selon le sens technique indiqué au canon 332.2 CIC, qui exclut toute signification mystique ou allégorique. Par conséquent, celui qui ne renonce pas au munus ou renonce seulement au ministère, ne renonce pas valablement selon le Droit, et, pour cette raison reste donc dans la charge ou l’office.

Cependant, le ministère est une activité. Le ministère est toute activité orientée vers le service des âmes, en vue du salut (https://www.lexicon-canonicum.org/?s=ministerio). Le terme est utilisé principalement en référence à l'activité ou aux tâches des clercs, ce qui est son sens propre et implique la réception du sacrement de l'Ordre. Ainsi, une fois que quelqu'un a été ordonné, il reçoit la fonction de prêtre, ou celle d'évêque, ou, lorsqu'il est ainsi élu, celle de pape. Mais l'accomplissement ordinaire de ce munus, de cette charge ou office requiert l'accomplissement de certaines tâches ou fonctions, que nous appelons ministères.

Le concept de ministère inclut la collaboration et la suppléance de la part des laïcs dans le ministère des pasteurs, dans certaines circonstances, à travers l'institution de ce qu'on appelle les ministères laïcs, c'est-à-dire certaines tâches qui pourraient être accomplies par le prêtre mais qui peuvent l'être par les laïcs (https://www.lexicon-canonicum.org/materias/derecho-canonico-de-la-persona/ministerio/).

La norme qui a le mieux distingué ces derniers temps entre munus et ministerii est, comme nous l'avons dit plus haut, le décret Presbyterorum Ordinis, sur le ministère et la vie des prêtres, de Paul VI, daté de 1965.

Dans ce décret, les numéros 5, 6, 11, 17 et 20 parlent de munus (office) comme équivalent à " charge ", et d'autres comme 4, 5, 6, 8, 10, 11, 20... parlent des tâches du prêtre en termes de " ministère ", pour faire référence à l'exercice complet du sacerdoce ou aux différents types de tâches (ou ministères) que comporte la fonction sacerdotale.

Ce décret part donc du principe que le munus peut être exercé sous plusieurs formes ou ministères (ministerii). Au minimum, par le biais des ministères énumérés dans les numéros cités du décret : " ministère de la parole ", " ministère des sacrements ", " ministère liturgique ", " rassembler la famille de Dieu " et " la conduire à Dieu le Père par le Christ dans l'Esprit ", " travaux du ministère ", " ministère auprès des pauvres " et " autres ministères ecclésiastiques " ou " autres fonctions du prêtre " ..... L'ensemble de ces éléments constitue le "ministère sacerdotal", c'est-à-dire les fonctions du prêtre, une fois qu'il a été ordonné comme tel (office). L'office pétrinien a également d'autres ministères propres qui complètent ceux des prêtres et des évêques : diriger l'Église universelle, la rassembler, la sanctifier, la garder, la confirmer dans la foi, etc.

Et cette distinction technico-juridique a finalement été développée dans le CDC de 1983, qui utilise l'expression "munus" pour désigner l'objet ou le contenu des offices ecclésiastiques, ce pour quoi le CIC de 1917 n'utilisait que l'expression "ministère".

Canon 145 CIV 1983. §1. Un office ecclésiastique est toute charge constituée de façon stable par disposition divine ou ecclésiastique pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.

Canon 145 CIC 1983. Officium ecclesiasticum est quodlibet munus ordinatione sive divina sive ecclesiastica stabiliter constitutum in finem spiritualem exercendum.

A partir de ce canon essentiel (canon 145), le CDC de 1983 a projeté la même acception de munus comme charge-office, temporaire ou permanente, en référence, par exemple, au lectorat (canon 230.2) et à d'autres charges laïques temporaires ou permanentes (canon 231), aux professeurs (canon 253), ou à d'autres charges à assumer par les prêtres (canon 274), ou à la charge de l'évêque (canon 334), au collège des évêques (canon 337), au synode des évêques (canon 347), ou à celle des cardinaux qui reçoivent des charges du pape (canon 358), et ainsi de suite.

En revanche, le CDC de 1983 utilise le terme "ministère" en référence à l'activité ou à l'exercice d'une charge ou d'un office (par exemple, les canons 41, 230. 3, 232, 233.1, 233.2, 237.1, 245.1, 249, 252. 1, 256.1, 271.1, 271.2, 276.1, 278.2, 281.1, 324.2, 385, 386.1, 392.2, 509.2, 545.1, etc.) Pour une meilleure compréhension de la différence sémantique entre les deux concepts dans le CIC de 1983, nous renvoyons à l'excellent livre de la juriste colombienne Estefanía Acosta, "Benoît XVI, Pape émérite? ".

La preuve la plus importante de cette distinction est que rien moins que le canon 332.2 de ce même code exige, pour la renonciation valide à la papauté, la renonciation au munus, c'est-à-dire à l’office ou à la charge, et non au ministère ou activité.

Ce canon stipule que le pape, pour renoncer valablement à la papauté, doit renoncer librement à "sa charge" (muneri suo) et que cette renonciation soit "formellement manifestée" (rite manifestetur), c'est-à-dire en public, et selon les formes requises par ce canon (c'est-à-dire renoncer au munus).

Ces nouvelles exigences canoniques pour la renonciation papale ont été ajoutées par la réforme du CDC de 1983, ce qui n'était pas le cas dans le CDC de 1917 (canon 221), où la simple renonciation était suffisante (sans indiquer à quoi), ce qui démontre une volonté de se différencier du régime juridique antérieur, de manière à clarifier cette question qui a donné tant de chaleurs aux spécialistes du Droit canonique depuis l'abdication de Célestin V.

De cette manière, on peut dire que chaque pape peut exercer son munus comme il le souhaite : certains ont plus voyagé, d'autres moins, certains ont plus enseigné, d'autres moins, certains ont proclamé des dogmes, d'autres non, et ainsi de suite.

Ainsi, Benoît XVI, après son apparente démission, s'est davantage dédié à souffrir et prier en tant que pape, dans l'enceinte de Pierre, mais il a également participé activement à la vie publique de l'Église, donnant des interviews, écrivant ses propres livres et les préfaces des livres de ses amis, prononçant des discours, comme celui, inoubliable, à l'Université Urbaniana de Rome (où il a réprimandé Bergoglio, rappelant que le dialogue ne peut jamais remplacer la mission) ; ou lorsqu'il a écrit cette magnifique Lettre de la Semaine Sainte 2019 rappelant que les problèmes de pédophilie cachent en réalité des problèmes de manque de fidélité au magistère de l'Église, et la gravité de l'intrinsece malum, pour bloquer la possibilité que deux personnes vivant en adultère more uxorio puissent recevoir la communion, en citant Veritatis Splendor contre Amoris Laetitia ; ou lorsqu'il a publié un livre en faveur du célibat avec le Cardinal Sarah quand Bergoglio a voulu ouvrir la possibilité d’ordonner des viri probati après le synode d'Amazonie, et ainsi de suite. À tel point que certains subordonnés de Bergoglio ont reproché à Benoît XVI de trop s'immiscer dans la vie de l'Église, et que même Bergoglio, dans une homélie célèbre, a critiqué "les pasteurs qui se retirent au milieu" (mai 2017).

Par conséquent, d'un point de vue technico-juridique, munus et ministerium sont des choses différentes, et cette distinction a été positivée tout au long du CDC de 1983, et, à l'intérieur de celui-ci, rien de moins, au canon 332.2, par la volonté du pape Jean-Paul II (assisté du cardinal Ratzinger). L'un fait référence à la charge, de droit humain ou divin. L'autre se réfère à son exercice. En renonçant au seul ministère, la démission de Benoît XVI était nulle et non avenue, parce que l’on ne peut séparer le munus du ministère ne peuvent être séparés, et il a donc conservé à la fois le munus et le ministerium qui lui étaient propres, même s'il les a exercés en moins d'occasions, comme mentionné ci-dessus. Et ceci, en termes purement juridiques. Il n'y a là rien de complotiste ou de diétologique.

En outre, par analogie, nous pouvons ajouter que pourrait également s’appliquer à l'acte de renonciation ce que le CDC de 1983 établit comme règle commune pour tous les actes administratifs singuliers de droit canonique: qu'il doit s’entendre selon le sens propre des mots utilisés, au sens strict (canon 36.1).

 

 

TROISIÈME ERREUR : M. SISCOE CROIT QUE LA FONCTION DE "PAPE ÉMÉRITE" EST VALIDE ET CORRECTE.

 

Il cite à ce sujet le canon 402.1. Or, ce canon se réfère aux évêques émérites (ayant atteint l'âge de 75 ans, pour cause de maladie ou autre cause grave), titre qu'ils peuvent porter parce que leur démission est acceptée par le pape. Mais le titre de "pape émérite" est juridiquement impossible pour un pape. En effet, le Code de droit canonique n'autorise le titre d'"émérite" que si la démission à l’office (munus) a été acceptée.

Voici ce qu’indique le Canon 185 :

" Le titre d’émérite peut être conféré à la personne qui perd son office en raison de la limite d’âge ou par renonciation acceptée. "

Etant donné que la démission de la fonction (munus) de pape ne peut être acceptée par personne (canon 332.2 CDC), il n'y a pas de place pour un pape émérite.

Benoît XVI était un excellent connaisseur du droit canonique, pourquoi donc a-t-il insisté pour utiliser ce titre, sachant que c'était juridiquement impossible ? Eh bien, à mon avis, c'était une façon de dire, pour ceux qui veulent comprendre, encore une fois, qu'il était toujours pape.

 

 

ENFIN, M. SISCOE DIT QUE POUR PRIER ET SOUFFRIR, IL N'EST PAS NÉCESSAIRE D'ÊTRE PAPE.

 

Certes, cependant Benoît XVI n'a pas renoncé à la papauté, mais au gouvernement de l'Église. Rappelez-vous sa très importante homélie du 27 février 2013, où il clarifie pleinement le véritable sens de sa "renonciation" :

Le « toujours » est aussi un « pour toujours » ‑ il n’y a plus de retour dans le privé. Ma décision de renoncer à l’exercice actif du ministère, ne supprime pas cela. Je ne retourne pas à la vie privée, à une vie de voyages, de rencontres, de réceptions, de conférences, etc. Je n’abandonne pas la croix, mais je reste d’une façon nouvelle près du Seigneur crucifié. Je ne porte plus le pouvoir de la charge pour le gouvernement de l’Église, mais dans le service de la prière, je reste, pour ainsi dire, dans l’enceinte de saint Pierre. Saint Benoît, dont je porte le nom comme Pape, me sera d’un grand exemple en cela. Il nous a montré le chemin pour une vie qui, active ou passive, appartient totalement à l’œuvre de Dieu.

L'exemple de saint Benoît est celui du grand moine que ses propres frères de la communauté voulaient empoisonner. Après cela, il a décidé de quitter l'endroit et de retourner à Subiaco.

 

 

CONCLUSION

 

Au vu de ce qui précède, on peut dire que l'interprétation de la Declaratio de Benoît XVI s’éclaire quand on regarde avec honnêteté ce qui s'est passé après. Le "mens" du pape Benoît XVI n'a jamais été d'abdiquer la papauté, mais de créer une apparence de renonciation, pour se protéger des loups (comme il l'avait prévenu dans son homélie d'intronisation). Il s'agissait d'une renonciation nulle qui peut également être interprétée comme une déclaration de siège empêché, comme l'a expliqué de manière convaincante Andrea Cionci.

Car si l'on observe les actions et la manière de se vêtir de Benoît XVI après sa démission, cela confirme qu'il se considérait comme pape et qu'il l'était vraiment, même s'il ne pouvait pas l'exercer correctement ou le dire ouvertement. Ainsi, pour commencer, il est resté à Rome, et n'est pas retourné dans sa Bavière natale ou dans quelque monastère discret. Ensuite, il a continué à porter la soutane blanche, avec l'excuse (reductio ad absurdum) qu'il n'y avait pas de soutanes noires ce jour-là ; il a continué à donner la bénédiction apostolique et à signer P.P. (choses que seul peut faire le pape régnant) ; il n’a pas renoncé à l'utilisation de ses armoiries papales, refusant la proposition du Cardinal Andrea Cordero Lanza di Montezemolo de les modifier, etc.

Et, en ce qui concerne ses déclarations, il a précisé à plusieurs reprises que sa démission ou son renoncement n'était pas une abdication : ainsi, de façon éclatante, dans le livre "Dernières Conversations" avec Peter Seewald, il a déclaré qu'aucun pape n'avait démissionné comme lui au cours des 1000 années précédentes, et que même au cours du premier millénaire, il était une exception. Il est clair qu'au cours des 1000 dernières années de l'Église, pas moins de quatre papes ont abdiqué la papauté, et que la même chose s'est produite à six reprises au cours des 1000 années précédentes. Cette exception, comme l'a noté Andrea Cionci, semble se référer au pape Benoît VIII, qui fut chassé de Rome par l'antipape Grégoire VI, sans cesser d'être pape, même s'il fut empêché d'exercer son ministère, jusqu'à ce que l'empereur romain germanique Henri II le rétablisse sur le trône pontifical. Benoît semble vouloir signifier par ces étranges déclarations, comme il l'a également expliqué dans le livre "Ein Leben", en utilisant des mots différents, que sa démission (Rücktritt) n'était pas une abdication valide de la papauté (Abdankung).

Ses vêtements, ses actes et ses déclarations ultérieures expliquent avec des faits que l'intention de Benoît XVI, avec sa Declaratio, n'était pas d'abdiquer ou de renoncer à la papauté, mais de faire une renonciation ou une abdication nulle, en restant comme pape dans l'enceinte de Pierre, étant sur le Siège empêché par la captivité, la relégation ou l'exil (canon 412 : rappelons-nous comment Benoît XVI a été contraint de rentrer à Rome sans pouvoir assister à la mort de son frère Georg, comme il le souhaitait).

L'intention ou mens legislatoris (le pape, ici) est prise en compte par le CDC comme une condition essentielle pour interpréter l'obscurité des lois ecclésiastiques (canon 17) et pour de nombreuses autres questions essentielles (canons 241.1, 597 et 646, 861.2, 869.2, 874.1, 996. 2, 1029, 1204, 1284, 1325 et 1329, etc.)

Comme il s'agissait d'une démission nulle, l'acte était invalide, car il comportait une erreur substantielle (canon 126 par rapport au canon 188 CIC) de la part de Benoît (qui, je crois, était délibérée, comme mécanisme d'évasion de l'usurpation maçonnique de l'Église catholique), dans la mesure où elle affectait la substance de la renonciation (pour ne pas avoir renoncé à la papauté ou à la charge, mais au ministère pétrinien), et pour ne pas avoir eu l'intention d'abdiquer (ce qui est confirmé par ses vêtements, ses actes et ses déclarations ultérieures). Le conclave qui a suivi, au cours duquel Jorge Mario Bergoglio a été élu, et son élection elle-même sont donc tout aussi nuls et non avenus, car la condition sine qua non de l'une et de l'autre est nulle et non avenue : l'existence effective d'un siège vacant.

Il est important maintenant d'attendre et de voir si un évêque ou un cardinal relancera cette discussion. Il est également essentiel de ne pas prendre d'initiative personnelle pour désigner un nouveau pape par acclamation ou par un quelconque synode romain, ni de faire pression sur le Collège des Cardinaux. Que Dieu fasse voir la vérité, au moins à un reste, quand il le voudra.

 

Antonio José Sánchez Sáez

Professeur de droit administratif

 

Université de Séville

 

 

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