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Publié par dominicanus

À Assise, sous une forme générale, et devant les évêques d'Angola, avec un blâme direct, Benoît XVI a critiqué les religions traditionnelles. Qui en arrivent à tuer des personnes âgées et des enfants comme dans une chasse aux sorcières moderne 

 

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ROME, le 3 novembre 2011 – Le premier personnage à droite sur la photo, à côté du pape, du patriarche de Constantinople Bartholomée Ier et du rabbin David Rosen, est le professeur nigérian Wande Abimbola.

À Assise, lors du "pèlerinage" qui a eu lieu à l’initiative de Benoît XVI le 27 octobre dernier, Abimbola a pris la parole "au nom des dirigeants et des adeptes des religions indigènes d'Afrique". Lui-même est prêtre et représentant mondial de la religion Ifa et Yoruba, qui est répandue dans une grande partie de l'Afrique subsaharienne et qui est arrivée jusqu’aux Amériques dans le sillage des émigrations.

Dans son discours d’Assise, Abimbola a demandé que "les religions indigènes africaines se voient accorder le même respect et la même considération que les autres religions".

Et Benoît XVI – qui, lorsqu’il rédige personnellement ses discours, comme dans ce cas, n’est jamais politiquement correct – l'a pris au mot.

Dans le discours qu’il a adressé peu après aux trois cents dirigeants religieux et "chercheurs de la vérité", le pape a exprimé des considérations critiques à propos de toutes les religions, y compris les religions traditionnelles africaines. Il les a rapprochées dans une histoire qui est aussi faite de "recours à la violence au nom de la foi" : une histoire, donc, qui a besoin, pour toutes les religions, de purification.

Mais, deux jours après la rencontre d’Assise, Benoît XVI a parlé en termes encore plus crus et plus précis. Recevant au Vatican les évêques d’Angola en visite "ad limina", il a critiqué une violence qui, au nom des traditions religieuses africaines, en arrive à tuer des enfants et des personnes âgées :

"Un écueil auquel se heurte votre œuvre d’évangélisation est le cœur des baptisés, qui est encore partagé entre le christianisme et les religions traditionnelles africaines. En proie aux difficultés de la vie, ils n’hésitent pas à recourir à des pratiques qui sont incompatibles avec le fait de suivre le Christ. Cela a pour effet abominable la marginalisation et même le meurtre d’enfants et de personnes âgées, qui y sont condamnés par de faux impératifs de sorcellerie. Pour rappeler que la vie humaine est sacrée à toutes ses phases et dans toutes les situations, continuez, chers évêques, à élever la voix en faveur de ces victimes. Mais, puisqu’il s’agit d’un problème régional, il convient que les communautés ecclésiales éprouvées par ces calamités fassent un effort commun et qu’elles cherchent à comprendre la signification profonde de telles pratiques, à identifier les risques pastoraux et sociaux qu’elles comportent et à trouver une méthode qui conduise à leur éradication définitive, avec la collaboration des gouvernements et de la société civile".

Déjà il y a deux ans, en 2009, lors de son voyage en Angola, Benoît XVI avait soulevé la question :

"Ils sont si nombreux à vivre dans la peur des esprits, des pouvoirs néfastes dont ils se croient menacés ; désorientés, ils en arrivent à condamner les enfants des rues et aussi les anciens, parce que – disent-ils – ce sont des sorciers".

Et il avait également repoussé une objection fréquemment entendue au sein même de l’Église :

"On objectera : 'Pourquoi ne les laissons-nous pas en paix ? Ils ont leur vérité et nous, la nôtre. Cherchons à vivre pacifiquement, en laissant chacun comme il est, afin qu’il réalise le plus parfaitement possible sa propre identité'. Mais si nous sommes convaincus et si nous avons fait l’expérience que, sans le Christ, la vie est inachevée, qu’une réalité – la réalité fondamentale – lui fait défaut, nous devons être également convaincus du fait que nous ne faisons de tort à personne si nous lui présentons le Christ et si nous lui donnons la possibilité de trouver, de cette façon, non seulement sa véritable authenticité, mais aussi la joie d’avoir trouvé la vie. Bien plus, nous avons le devoir de le faire".

Anna Bono, experte en traditions africaines, a donné le commentaire suivant dans le journal catholique en ligne "La Bussola Quotidiana" :

"Ce que le pape a dénoncé n’existe pas seulement en Angola. En Afrique la sorcellerie est l’une des institutions tribales les plus enracinées et les plus persistantes. On en parle peu, peut-être aussi parce que son existence contredit la représentation dominante des communautés traditionnelles africaines, celle de modèles de coexistence pacifique, de tolérance, d’équité et d’harmonie sociale, dépositaires de valeurs humaines que l’Occident aurait au contraire sacrifiées au pouvoir et à l’argent".

Dans ce même commentaire, Anna Bono cite des cas récents de meurtres d’enfants pour des raisons de sorcellerie dans différents pays d’Afrique, ou de mutilations qu’ils ont subies "à cause des propriétés spéciales attribuées à leurs organes", comme c’est le cas pour les albinos.

Certains ont été étonnés de la critique tellement explicite de ces meurtres à laquelle s’est livré Benoît XVI quand il a parlé aux évêques d’Angola.

En effet les discours du pape aux évêques en visite "ad limina" sont toujours passés au crible par la diplomatie vaticane, habituellement très prudente.

Mais cette fois-ci, le réviseur qui s’en est personnellement occupé, à la secrétairerie d’état, connaissait bien son affaire, lui aussi.

Giovanni Angelo Becciu, aujourd’hui substitut de la secrétairerie d’état pour les affaires générales, c’est-à-dire numéro 2 du gouvernement central de l’Église, immédiatement en-dessous du cardinal Tarcisio Bertone, était nonce en Angola lorsque Benoît XVI s’est rendu en visite dans ce pays, après une étape au Cameroun, et a levé le voile sur cette abomination.

Le 18 novembre prochain, le pape Joseph Ratzinger se rendra au Bénin pour remettre à une délégation d’évêques du continent africain l'exhortation apostolique qui constitue la conclusion du synode des évêques de 2009, précisément consacré à l'Afrique.

Il sera intéressant de voir ce que ce document dira à propos des religions traditionnelles africaines.

Sandro Magister

www.chiesa
__________


Le discours adressé, le 29 octobre 2011, par Benoît XVI aux évêques d'Angola :

> "Nella gioia della fede..."


Et l'homélie prononcée par le pape à Luanda le 21 mars 2009 :

> "Comme nous venons de l'entendre..."


Le commentaire d’Anna Bono dans "La Bussola Quotidiana" :

> La strage dei bambini "stregoni"


Les précédents articles de www.chiesa consacrés à la rencontre du 27 octobre 2011 à Assise:

31.10.2011
> Journal du Vatican / "L'esprit d'Assise" dont le pape se méfie
L'expression connaît un vif succès dans les médias et elle est le mantra des franciscains et de la Communauté de Sant'Egidio. Mais les autorités du Vatican ne la répètent plus. Et Benoît XVI encore moins

27.10.2011
> Le commandement d'Assise: "Purifier sa propre foi"
C'est la voie à suivre "afin que le vrai Dieu devienne accessible". Le discours du pape Joseph Ratzinger aux trois cents "pèlerins de la vérité" convoqués dans la ville de saint François

26.10.2011
> La vérité à propos d'Assise. Un inédit de Benoît XVI
"Je ferai tout ce que je pourrai pour qu'une interprétation syncrétiste ou relativiste de l’événement soit impossible". Dans une lettre adressée par le pape à un pasteur luthérien, le véritable motif de la convocation à la rencontre

26.10.2011
> Assise bis. Mais revu et corrigé
L'invitation a été adressée aussi aux non-croyants et la prière se fera dans le secret des chambres. Ce sont les deux nouveautés de la nouvelle édition de ce meeting. En arrière-plan : l'année de la foi et le martyre des chrétiens dans le monde


Le programme du prochain voyage de Benoît XVI en Afrique :

> Voyage Apostolique au Bénin, 18-20 novembre 2011



Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

 

 

 

 

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