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Publié par Walter Covens

    Voyons maintenant avec quelle progression dans les différentes scènes est approfondi le thème de la vraie royauté du Christ.

    Dans la 2e scène, c'est Jésus qui se proclame roi devant Pilate, mais d'une royauté dont la particularité n'est pas encore spécifiée; le thème est présenté comme réel mais en même temps mystérieux. Dans la 4e scène, qui occupe la position centrale par rapport aux autres, Jésus est couronné d'épines, revêtu de pourpre, salué comme un roi. C'est une scène où l'historien voit honte, ignominie et dérision; Jean au contraire contemple cette scène comme transposée, transfigurée, en y voyant sa signification transcendante: Jésus se manifeste comme roi, et les soldats, en voulant strictement l'avilir, accomplissent le plan du salut. Dans cette réalité ignominieuse de la royauté de Jésus, c'est l'amour de Dieu qui se manifeste parmi nous, c'est la gloire de Dieu.

    Dans la scène suivante, la 5e donc, Jésus est présenté avec ses insignes royaux. Pourtant Pilate ne dit pas encore: "Voici votre roi!" mais: "Voici l'homme!" Quelle progression dénote cette déclaration de Pilate? Probablement, sur le plan historique, transparaît en ces paroles un certain sens de compassion envers Jésus: "Voici l'homme, ce pauvre homme, cet homme dont on a tellement peur!" Ou peut-être, selon d'autres, Pilate n'étant pas quelqu'un à se laisser aller à la compassion, il y aurait dans ses paroles un certain mépris pour les Juifs: "Voici l'homme que vous voulez éliminer comme dangereux!" Toutefois, sur le plan théologique, qui est celui de Jean, lequel filtre toujours les faits à travers la méditation, il est clair que ces paroles ont un sens plus profond. En effet, Jésus n'est pas appelé "homme" de la même façon que lorsqu'il est présenté pour la première fois à Pilate qui sort et dit: "Quelle accusation portez-vous contre cet homme?" (18, 29), mais il est appelé au sens général: ho anthropos (voici l'homme). Et cette phrase est dite à propos de cet homme ici présent, de l'homme qui porte la couronne, la pourpre et qui, dans le même passage, est dit "celui qui se fait Fils de Dieu". Il y a là probablement, si nous nous en tenons au style de Jean, une allusion au titre de "Fils de l'homme": "Voici l'homme prophétisé, annoncé; l'homme qui devait venir, celui qui avec son titre de Fils de l'homme évoque la puissance judiciaire et royale du Messie." Autrement dit, Jean contemple dans l'humiliation du Christ le signe de la puissance mystérieuse du fils de l'homme présent sur la terre. Il voit, dans cette contemplation, cette "coïncidence des opposés" qui est la marque des oeuvres divines. Dieu avait promis ce mystérieux "Fils de l'homme" juge et roi; maintenant il est là, et il exerce, du sein même de sa situation ignomieuse, son pouvoir de juge sur l'humanité.

    Finalement, la dernière scène, la 7e, qui commence au verset 13, est présentée avec une solennité particulière. Avant tout Jean veut attirer l'attention sur l'endroit où tout se déroule: nous sommes à l'extérieur, à l'endroit appelé Lithostrotos, en hébreu Gabbatha, sans doute l'endroit en surélévation, bien connu alors, et tel qu'il fixe le regard et l'imagination du lecteur. Ensuite il est important pour Jean de préciser l'heure: nous sommes vers la sixième heure, l'heure de la préparation de la Pâque, celle où on immole l'agneau pascal. C'est à ce moment que s'accomplit le grand mystère qui actualise la vérité des signes qui se produisent dans le Temple. (à suivre)

Éd. du Cerf 1981, p. 173-175
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